Chapitre 3

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Je n’y croyais pas, j’étais sous le choc. Joseph ne comprenait pas vraiment pourquoi j’étais dans cet état et n’y fit pas attention. Nous allâmes diner dans une friterie bien sympathique. Au milieu des autres clients, je me réchauffais en attendant notre commande. Le monde affluait de plus en plus, je me sentais de plus en plus oppressée. Les gens me bousculaient, me brusquaient et me marchaient sur les pieds. On nous apporta finalement nos assiettes de frites et nous nous mîmes à manger de bon cœur en se remettant à rire.

            Brusquement, un homme baraqué entra dans la friterie pendant que Joseph et moi étions en train de nous lever de nos tabourets pour rentrer à l’hôtel. C’est alors que cet homme passa juste à côté de moi et me bouscula avec son épaule au niveau de la mienne. Je trébuchai et fis un mouvement en avant en piquant du nez ; Joseph me rattrapa. Je me retrouvai alors dans ses bras, toute étourdie par la fatigue, la violence ; il me dévora des yeux, je n’y fis même pas attention. Je fermai les yeux quelques dixièmes de secondes et quand je les rouvris, je sentis quelques choses sur mes lèvres, puis je compris très rapidement : il était en train de m’embrasser. Je bougeai alors ma tête de gauche à droite pour me débarrasser de son emprise, de son baiser. Il résista, je lui pris les deux joues entre mes mains : il résistait toujours. Je lui administrai alors une bonne gifle ; il se releva et me lâcha brusquement. Je faillis tomber à la renverse et par chance je m’accrochai au bar juste à côté de moi.

            Joseph tenait sa joue avec ses deux mains et me regardait l’air ébahi, moi j’étais gênée. En plus du fait qu’il embrassait très mal, je n’éprouvais aucun sentiment pour lui. Je ne pouvais pas l’embrasser sans l’aimer et continuer de le laisser se leurrer et croire que je l’aimais cela : je stoppai alors tout cela net. Je le regardai, il me regardait. « Désolé,…je…j’ai été prise par surprise et… et… » Je m’enfuis. Je sortis de la friterie comme une voleuse en courant afin de retourner à l’hôtel. Néanmoins je ne savais pas où il se trouvait exactement, je ne connaissais pas bien Liège. Je déambulais au milieu des rues pleines de monde, réfléchissant. Je n’étais pas bien, je ne savais pas pourquoi j’étais autant troublée : à cause du baiser de Joseph ? A cause de Julien ? Je ne pouvais pas le déterminer mais je possédais des raisons valables pour les deux.

            Pour ce qui en était de Joseph, en plus du fait qu’il embrassait très mal –je me répète-, je n’éprouvais aucun sentiment pour mis à part l’amitié. J’avais honte de la gifle que je lui avais administrée –mais je n’avais pu rien faire d’autre pour sortir de son emprise- et j’étais gênée par les sentiments qu’il devait éprouver pour moi –oui mais depuis combien de temps ? -. Je lui envoyai alors un texto, m’excusant et lui disant que je payerai ma part auprès de lui quand je reviendrais à l’hôtel. Il me répondit qu’il n’y avait pas de problème et qu’il voudrait me parler en espérant que je ne sois pas fâchée. En guise de réponse je lui envoyai un smiley et un pouce levé vers le haut.

            Pour ce qui en était de Julien, j’étais en colère presque haineuse. Depuis tout ce temps, il s’était comporté comme un lâche, il m’avait littéralement abandonné en faisant mine que c’était pour son travail. Pour ce qui en était d’Alice, n’en parlons même pas ; je mettais ma main au feu que si il aurait pu, il déchirerait le papier disant qu’il la reconnaissait comme sa fille. J’aurai voulu tout lui dire en face, l’engueuler une bonne fois pour toute pour être libérée et arrêter de penser à lui. Il fallait que les mots sortent ; qu’ils soient blessants ou non. Qu’il me maudisse si cela lui faisait plaisir. J’avais envie de tout lui cracher à la gueule car je m’étais totalement désabusée : je ne disais plus que c’était de ma faute, c’était de la nôtre à tous les deux. J’ai arrêté à l’instant même où j’avais compris qu’il ne reviendrait pas de culpabiliser. Alice n’était pas venue comme par magie, il avait sa part de responsabilité et aucune excuse. Je le haïssais. Comment avais-je pu être aussi naïve et croire qu’il n’était pas comme les autres, qu’il m’aimait… Mon œil, il devait rester pour mon argent et pour le sexe ça devait être évident. Mais pourquoi moi ?

            Je rentrai à l’hôtel en fin d’après-midi. Avoir pris un peu d’air m’avait fait du bien. Je montai alors dans ma chambre, me changea en pyjama et me coucha. Je n’avais absolument plus faim du tout. Mon corps refusait d’absorber toute nourriture : j’étais dégoutée. Dégoutée par la vie, par les gens. La fatigue m’enivrait, je fermai mes yeux et allai directement au pays des rêves pour retrouver ma fille.

            Le lendemain, je me réveillai à neuf heures. Je n’avais qu’une heure pour me préparer, manger et filer aux répétitions qui avaient lieux dans la salle de spectacle numéro 2. Après une douche rapide, je dévalai dans les escaliers pour aller à la cafeteria. Je pris rapidement un croissant et un café fumant. Je saluai Stéphanie, Mélodie une danseuse et alla retrouver Joseph qui était dans un coin de la pièce, tout seul pianotant sur son portable. Je le saluai en lui faisant la bise, il me sourit et me demanda de m’assoir. Je lui expliquai alors que j’avais été surprise, que j’étais fatigué et que je ne comprenais pas ect et ect. A la fin, je lui glissai vingt euros pour rembourser ma part. Il me fit mine qu’il ne les voulait pas, j’insistai et lui dit que c’était pour me faire pardonner : il accepta. Je regardai ma montre : dix heures cinquante. Il fallait que j’y aille. Je m’excusai et me levai de ma chaise pour partir. Quand je fis demi-tour, je le revis, en train de me fixer. Je lui jetai un regard noir, méprisant et continuai ma route. Je ne pouvais plus le voir. Je préférai finir ma vie seule ou avec Joseph plutôt que rester dans la même pièce que lui avec son regard si beau et dégoutant.  

           

Intrusøs (Tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant