06 - dîner

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« Dire oui alors qu'on aimerait dire non devient une torture de nos jours.
-Zayn »


Je tends ma main vers le monsieur devant moi –un collègue et ami de mon père- et la serre ensuite en une bonne poignée. Dans le monde du travail, mon papa m'a toujours dit que les premières bonnes impressions se faisaient avec une bonne poignée de mains douce et décontractées mais aussi fortes et de fer pour bien montrer que nous ne sommes ni un faible ni un prétentieux ou nerveux. Je souris à la femme de l'homme et lui serre aussi la main, offrant le bouquet de fleurs que l'on m'avait passé dans les mains alors que nous nous rendions sur le perron dans leur maison. Elle me serre dans une étreinte affectueuse et tente de ne pas montrer ma gêne ou encore mon malaise.

Je n'ai pas envie de me montrer désagréable mais je mets rapidement fin à notre étreinte pour lui permettre d'embrasser de saluer les autres membres de ma famille. Ils nous invitent à les suivre alors que leurs enfants –deux filles et un garçon- attendent dans le canapé. Ils avaient l'air de se chamailler puisque dès que nous faisons notre entrée et sous les regards durs et glacials de leurs parents ; ils se turent presque immédiatement. Ils ne doivent sûrement pas se douter qu'à la maison, c'est parfois exactement la même chose. Je leur serre la main et tente un sourire mais qui est sûrement un peu crispé à chacun des adolescents. Je crois que les deux sœurs vont se battre toute la soirée pour se mettre à côté de moi ou être le plus près de moi possible vu comment elles se lancent un regard de boxeuse ennemie et rivale sur le point de s'affronter.

Le frère lève les yeux au ciel et me lance un regard, quant à lui, compatissant et compréhensif. Je peux lire sur ses lèvres qu'il me souhaite « bonne chance » mais qu'il ne l'a pas dit à voix haute ou en murmurant parce que ces sœurs étaient bien trop près de lui. Je tente de me fondre dans la masse ; ce qui porte ces fruits puisque je ne fais que parler avec mes sœurs ou le garçon étant donné que les adultes ne font que parlés entre eux. Les deux sœurs n'ont pas pu s'asseoir près de moi puisque mes sœurs s'étaient assises autour de moi pour me préserver sûrement parce qu'elles avaient du voir aussi le regard que les deux adolescentes s'était lancée. Mais bien rapidement, on me met au centre de l'attention.

-Zayn ? S'enquit le père. Dans quelle école es-tu ?

Je cligne plusieurs fois des yeux et secoue légèrement la tête pour me ressaisir. J'étais dans la discussion avec ma famille –hormis mes parents- et le frère malgré quelques interventions des sœurs se soldant par un échec et qui était –soit dit en passant- vraiment pathétique. Elles riaient comme des chèvres, ce qui avait l'art de m'irriter. Je me racle la gorge et me reprend, essayant d'avoir une voix calme et posée pour répondre à la question.

-Oui, c'est Zayn et je suis au Bridgemonth School, répondis-je doucement et en articulant pour ne pas montrer ma nervosité.

Même si j'avais vraiment du mal à l'avouer cet homme ne me faisait pas peur mais il me rendait assez nerveux. Il était bien plus grand et plus imposant que moi. De plus, il scrutait mon visage avec un regard si sombre que j'avais l'impression qu'il voulait m'étriper dans la seconde. Il donne vraiment l'impression d'être quelqu'un de dur, de ferme, d'autoritaire, de sévère et de majestueux. Il a énormément de charisme.

À mon avis, la vie de ses enfants ne doit pas être facile avec un père comme lui. Sa voix rajoute en plus encore de charisme et de grandeur à sa personne tellement qu'elle est grave et acerbe. J'espère ne pas le voir hausser le ton parce que cela doit vraiment faire peur ; encore plus si c'est sur moi. Du moins, je ne crois pas que c'est à lui que je répondrais contrairement à mes professeurs ou encore à ma famille ou d'autres personnes imposants une certaine autorité ou un certain droit sur ma personne. Je passe ma main dans mes cheveux et remarque du coin de l'œil que les filles se mordent la lèvre inférieure et comme je regarde leur paternel, je me retiens de ne pas lever les yeux au ciel parce que c'est vraiment très impoli.

-C'est une bonne école. Tu t'en sors là-bas parce qu'il faut vraiment être brillant ? Demande-t-il ensuite, toujours à moi.

-Je m'en sors plutôt bien. Je n'ai pas encore eu une seule mauvaise note depuis le début de l'année et j'espère que cela va continuer ainsi. Du moins je ferais tout pour, dis-je sur le même ton que la fois précédente.

Même si je mentais et que cela ne se voyait pas, je sais très bien qu'il a tout gobé. C'est la meilleure chose à dire aux adultes pour les convaincre de quoi que se soit. J'ai toujours utilisé cette technique et j'ai presque toujours eu la paix. Maintenant avec mes parents, elle ne fonctionne plus vraiment parce qu'à force de la faire ils ont du comprendre mon petit jeu. Mais comme monsieur Kennedy ne me connait pas et que c'est la première fois qu'il me voit, il gobe à la vitesse de la lumière mon mensonge. Il opine de la tête et continue sa conversation avec mes parents, n'apportant même pas une seule once d'attention à mes sœurs. Je contracte la mâchoire et détourne le regard, recommençant la conversation que j'avais avec les autres avant qu'il vienne la couper.

***

-Ca va ? Demande madame Kennedy à mon attention.

Si seulement je pouvais être bien. Ou du moins pas ici. Je me fais chier et je ne me sens pas à ma place. J'aurais bien aimé traîner dans les rues avec mes potes ou dessiner toute la nuit. Mais non, je suis coincé ici avec deux filles sur le dos et en chaleur dont le frère essaye de les repousser pour ne pas qu'elles nous dérangent et mes sœurs se font autant chier que moi.

Nous ne sommes pas fait pour ce genre de dîner d'adultes alors on se tourne les pouces et parlons de divers sujets comme nous le pouvons, évitant certains pour ne pas qu'une oreille attentive des parents puissent comprendre ce que l'on disait. Pendant une bonne vingtaine de minutes, j'ai même parlé de jeux vidéos avec Pete, le fils alors que je ne joue même à ce genre de jeux. Mais plutôt à d'autres sortes de gens plus... extrêmes et dangereux.

-Oui ça va et vous ? Répondis-je avec la voix étranglée.

Elle opine de la tête et continue sa discussion avec les autres adultes pendant que je tourne vers mes sœurs, essayant de comprendre un traitre mot de ce qu'elles racontent. Elles parlent sûrement d'un truc de filles, même si je dois avouer que de toute la famille ; j'ai toujours été le premier averti de la première fois qu'elles ont eu chacune leurs règles. Je ferme les yeux et souffle un bon coup, entrant comme je le peux dans cette foutue conversation, écoutant avant de parler pour ne pas avoir l'air d'un con non plus.

Être ailleurs, dans un autre monde serait vraiment ce qu'il me faudrait, putain.



Your Smile Is My Paradise//z.mOù les histoires vivent. Découvrez maintenant