Origines

00; Reese

JE N'AI PAS DE NOM.
Et ça, ça craint. Beaucoup plus que tout ce que j'ai pu oublier. Ma famille, mes amis, ma vie... Je ne me souviens de rien. Tout ce que j'ai sur moi c'est quelques livres sterling et une petite lanière de cuir. À croire que ça peut me servir. Je n'ai aucun moyen de savoir ce que je fais en plein milieu de cette route isolée, les bottines couvertes de boue et de feuilles mortes. À croire que j'ai marché pendant des jours et des jours dans la forêt.

Je tire sur les manches de mon blouson en trépignant sur place. Il fait si froid. Les arbres d'une grandeur impressionnante emprisonnent la chaleur des rayons de soleil, me laissant dans le froid total. Je décide de me mettre à marcher, en plein milieu de la route, espérant que toutes traces de mon passé me reviennent à l'esprit. Seulement, ça n'arrive pas, et je n'en viens qu'à abîmer les semelles de mes bottines. J'ai les pieds tout endoloris et je doute que ça ait un quelconque lien avec ma petite marche de quelques mètres. Ça doit remonter à il y a quelques heures, voir quelques jours. Ça me semble si improbable. Comme si j'avais commencé à exister là ; comme s'il n'y avait pas de moi au passé. Mais pourtant, c'est impossible. Je dois bien avoir quelqu'un qui m'attend quelque part...

Ce qu'il y a d'effroyable avec le fait d'être amnésique, c'est que je n'ai rien qui peux prouver ce que j'avance. Peut-être que je ne suis qu'un simple itinérant qui a reçu un coup de pelle sur la tête. Ça pourrait expliquer le fait que j'ai cette infernale migraine qui me prive d'avoir les idées bien claires.

De quoi j'ai l'air exactement ? Je n'ai aucun moyen de voir à quoi je ressemble. De quel couleur sont mes yeux ? Et mes cheveux ? Suis-je laid ou bien plutôt beau gosse ? Si je jette un coup d'œil à mes mains striées de cicatrices, j'arrive tout de même à savoir que j'ai la peau plutôt blanche et terne. À moins que ce ne soit le froid... Mais sinon, tout m'est inconnu. Je ne saurais dire si j'ai un petit ou un gros nez. D'épais sourcils ou de petites lèvres. Et puis il y a toutes ces cicatrices sur mes bras et sur mes mains, comme si je m'étais promené pendant des jours dans une forêt remplie de rosiers...
L'ignorance est un sentiment horrible, je le sais maintenant.

Je jette un coup d'œil à la fine lanière de cuir que j'ai entre les doigts. Je la déroule de mon index et la fait glisser à mon poignet. J'arrive à l'enrouler mais tout juste, comme si elle était faite pour quelqu'un d'autre. Peut-être à quelqu'un de mon passé ? Peut-être à une personne qui tient à moi et qui est actuellement en position fœtale, s'inquiétant de ce que je suis devenu.

C'est si bizarre. Ma vie repose sur une petite lanière de cuir. Ça en dit long sur ce que je représente dans ce vaste monde.

Le froid s'emparant davantage de mon corps, je me remets en marche malgré le piètre état de mes bottes. Je me promène en plein de milieu de la route, observant chaque petit détail de la forêt qui s'offre à moi. Devant la grandeur des énormes conifères qui se dressent devant moi, je me sens si... si petit. Comme un grain de sable dans le désert, ou comme une goutte d'eau dans l'océan.

Plongé dans ma contemplation, je ne remarque pas la voiture qui fonce droit sur moi, dans un crissement soudain. Mes muscles se crispent, anticipant l'impact, alors que le chauffeur de l'automobile fait plusieurs manœuvres pour tenter de m'esquiver.

•

Je n'aurais jamais dû me promener sur cette route.
Pourtant, je l'ai fait.

Je n'aurais jamais dû insister.
Pourtant, je l'ai fait.

Je n'aurais jamais dû me souvenir.
Pourtant, je l'ai fait.

Et je regrette.

✖

Voilà, c'était tout pour le prologue. :)
J'espère que vous avez aimé et que vous serez là en février quand l'histoire commencera pour de bon !
Au fait, la personne qui a le point de vue est indiquée dans le titre du chapitre. Par exemple, pour le prologue c'est: "00;Reese" ce qui veut dire que c'est du point de vue de Reese. C'est pas si compliqué, hein ? ;)

On se revoit en février !
Marianne.