03; Reese

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LORSQUE JANE PART enfin, je bondis hors de mon lit. Mes orteils heurtent le sol froid de la pièce. Je ne suis vêtu que d'une chemise d'hôpital, si bien que la température de la chambre me fait facilement frissonner. Je titube jusqu'au miroir que Jane m'a apporté un peu plus tôt. Il est plutôt grand. Je lève les yeux vers ma silhouette qui se dessine dans le miroir. Je me retiens de prendre la fuite. J'ai l'air d'un cadavre. Peut-être le suis-je, tout compte fait. Peut-être n'est-ce qu'un mauvais rêve. Et si j'étais bel et bien mort lorsque cette voiture a manqué de frapper ?

Je me détaille dans le miroir. Mes jambes sont très maigres tout comme le sont mes bras. C'est presque comme si je n'avais pas manger depuis des mois, Et puis, il y a mon torse qui, lorsque je soulève ma chemise d'hôpital, m'apparaît comme étant strié de minuscules cicatrices, imitant le relief de mes bras et de mes mains. Que m'est-il arrivé, bon sang ? C'est énervant de ne rien savoir. Comme si mes souvenirs m'ont été arrachés pour être enfermés dans un coffre-fort dont la seule clé est... inexistante.

Je prends une profonde inspiration. Je suis surpris par l'intensité de bleu dans mes yeux. On dirait de l'eau au point de congélation. Il y a aussi mes cheveux d'un brun assez foncé, complètement en bataille. C'est la seule chose qui semble normale chez moi: mes cheveux. Mes pommettes sont affreusement creusées et mes lèvres, asséchées. Mon nez n'est ni énorme, ni petit. Mes sourcils ne sont pas très épais. Oh, et ce sont bien des sourcils.

J'ai l'air moche. Enfin, peut-être ne le suis-je que présentement, dans le style amnésique. J'aurais dû demander à cette fille qui m'a appelé "Reese" de nombreuses fois durant le trajet en ambulance et qui a prit la fuite lorsque Jane lui a dit que j'étais amnésique, comment elle me trouve. D'ailleurs, c'est quoi le problème de cette fille ? Pourquoi réagit-elle aussi dramatiquement ? Ce n'est pas comme si on se connaissait. Enfin... Ce n'est pas comme si je la connaissais. Cette fille aux yeux marrons semblait pourtant très bien savoir qui je suis.

Mais qu'est-ce que tu fais ici ?

Ce qu'elle a dit sur la route ne m'a pas vraiment bouleversé au départ, mais maintenant que je l'ai vue fuir en apprenant ma situation actuelle, j'ai de gros doutes. Peut-être est-elle la personne qui pleurnichait en position fœtale lors de mon absence ? Je n'en sais rien tout compte fait.

D'un pas hésitant, je retourne dans mon lit. Les couvertures qu'on m'a fournies sentent l'anti-bactérien. Je m'allonge, faisant craquer le matelas de faible qualité. J'ai peut-être l'air amaigri, mais le bruit que produit le matelas à chaque fois que je me déplace m'en dit tout le contraire. Saloperie.
Je pose ma tête sur l'oreiller et monte les couvertures stérilisées jusqu'à mon menton. Jane, l'infirmière, passera possiblement dans peu de temps pour s'assurer que tout est sous contrôle.

Mes yeux se ferment d'eux-mêmes et je plonge alors dans une envie de dormir un peu.

Je m'appelle Reese McDonough.

Et je sombre dans le noir total.

• •

J'ouvre les yeux, à l'instant où Jane s'apprête à entrer dans la pièce. Elle me salue et m'annonce qu'elle a une surprise pour moi.

« Quoi donc ? » je lui demande, légèrement surpris.

J'ignore si j'étais ce genre de personne autrefois, mais, en ce moment, je n'aime pas vraiment les surprises.

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