21; Reese

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JE RESTE BOUCHE BÉE devant la nouvelle révélation de Moira. Mon père n'est pas vraiment mon père ? Mais que veut-elle dire par là ? Comment puis-je être certain qu'elle ne se fiche pas de ma gueule ? Je veux dire, je suis quasiment certain qu'il est très facile de manipuler un gars amnésique. Pas que je m'y connaisse particulièrement. Non, pas du tout. Moira McDonough pourrait très bien trouver un moyen de me faire gober n'importe quoi, je suis prêt à parier que j'écouterais. Elle a trouvé le moyen de capter mon attention et elle le sait bien. Ses deux grands yeux bleus me fixent de manière sévère. Lorsqu'elle me regarde comme ça, elle me fait énormément penser à sa mère. Annie m'a regardé de nombreuses fois de la sorte depuis mon arrivée ici, me laissant supposer que l'heure n'est pas aux plaisanteries et qu'il faut cesser les conneries (point bonus pour le rime).

Je m'avance face à la blondinette et m'appuie à mon tour sur le comptoir. Du coin de l'oeil, je jette un coup d'oeil au salon. La télévision est éteinte, comme toujours. Rares sont les fois où j'ai vu cette fichue télévision allumée. À croire qu'Annie McDonough et sa fille n'ont toujours pas appris à se servir d'une télécommande.

Moira serre la mâchoire au moment où je lève les yeux dans sa direction. J'essaie de décrypter son visage qui s'avère à être aussi froid que de la glace. Elle n'affiche aucune émotion, me laissant incapable de déterminer si elle m'envoie sur une faux-piste ou non.

« - Je ne te mens pas, Reese. Tu dois me croire.

- Pourquoi aurais-je confiance en toi ? Tu es la dernière personne a qui je remettrais ma vie entre ses mains. »

L'espace de quelques secondes, son visage change et me laisse percevoir... de la tristesse ? Allez savoir pourquoi, je commence à me sentir mal d'avoir dit ce que je viens de dire. Il me semble que depuis mon retour à Green Lake, j'ai tendance à oublier que je suis avec de vrais être humains, et que je ne suis pas seul. Les autres ont des sentiments également. J'en arrive à oublier que je peux blesser quelqu'un par mes propos. Malgré la faible estime que j'ai pour Moira, j'ai une partie de moi qui a secrètement pitié d'elle. D'une certaine façon, je crois qu'elle tient à moi. Allez savoir pourquoi, beaucoup de gens semblent tenir à moi pour une raison que j'ignore. Oui, j'étais le type sympa. Oui, je suis une vraie merde maintenant, mais tout ces gens ne semblent pas le réaliser. Je peine à me souvenir de qui j'étais auparavant, mais je suis prêt à parier que je ne suis plus le même. Et parfois, je me retiens de crier aux visages des gens qui me regardent comme si j'étais toujours le gentil et aimable Reese McDonough. Quelque chose a changé en moi, quelque chose s'est brisé. Lors de la bagarre contre les agresseurs de Charles, ce n'est pas uniquement la frustration que j'ai ressenti envers ces deux idiots qui m'a poussé à bout, c'est une accumulation de ce tout. Je vais devenir fou à force d'avoir l'impression d'étouffer de l'intérieur.

Je prends une profonde inspiration, histoire de me calmer. De l'extérieur, mon visage est probablement assez impassible, comme celui de Moira, mais de l'intérieur, je bouillonne de rage.

«  - Alors quoi, je suis adopté ? je demande, méfiant.

- Non, répond simplement Moira.

- Non ?

- Réfléchis un peu, Reese. Si tu n'es pas adopté, alors... »

Moira laisse sa phrase en suspens, mais je devine à son expression de gêne ce qu'elle veut dire par là. Un mot me vient à l'esprit : adultère. Soudain, le rouge me monte aux joues et je suis incapable de regarder ma petite cousine droit dans les yeux.

« - Je suis...

- Tu es le fruit d'une aventure que ta mère a eu avec un photographe danois.

- Un photographe danois ? Sérieusement ? C'est une mauvaise blague ou quoi ?

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