Origines

14; Reese

JE RESTE IMMOBILE, encore un peu sonné par les évènements de ce soir. Charles se dégage aussitôt de son partenaire, remarquant que quelque chose ne va pas. C'est alors qu'il m'aperçoit et que je croise son regard. Il est terrifié. J'aimerais le rassurer et lui dire que ce n'est pas grave, qu'il a totalement le droit, que c'est normal, mais les mots restent coincés dans ma gorge, toujours en état de choc. Je crois que le fait d'avoir surpris Moira à deux doigts de passer à l'acte y est davantage pour quelque chose. Après tout, il ne s'agit que d'un mec embrassant un autre mec. Il n'y a rien de mal à avoir une préférence pour les gens du même sexe, au contraire. Cependant, il s'agit de Charles, le garçon qui laisse parfois sous-entendre que ma soeur était une personne incroyablement attirante et que ma cousine a un beau cul. Comment ne pas être étonné ? Peut-être que ces remarques n'étaient qu'une couverture ? Nous sommes à Green Lake, après tout. Quelques semaines dans cette ville m'ont suffit pour comprendre qu'elle n'est pas très ouverte d'esprit et qu'elle préfère davantage l'Église au bien-être des citoyens.

Charles s'approche de moi et c'est alors que je reprends mes esprits. Je cligne des yeux de nombreuses fois et fixe mon ami. Ce-dernier ne va vraiment pas bien. Il tremble tant la peur semble l'envahir. Son copain se tient derrière lui, toujours assis sur le lit. Il est immobile et ne semble pas prêt à me regarder, comme s'il a honte d'avoir embrassé mon pote. J'en viens à me dire qu'il ne devrait pas. L'amour rend les gens heureux. On ne devrait jamais avoir honte d'aimer quelqu'un. Qui que ce soit. Garçon ou fille.

Mon ami se cramponne à mon tee-shirt, les mains tremblantes. Je ne peux m'empêcher de reculer légèrement, de peur de perdre l'équilibre.

« Reese... Je suis ton ami, pas vrai ? Je suis ton meilleur pote de la mort qui tue, n'est-ce pas ? »

J'hoche la tête. Il est mon ami et rien ne pourra jamais changé ça. Une semaine m'a suffit pour comprendre que Charles, c'est un mec en or. C'est le genre de personne qu'on ne laisse pas nous glisser des doigts, parce qu'il est clair que c'est une personne super.

« - Tu sais ce que font les amis, pas vrai ? Ils gardent les secrets. Alors, s'il-te-plait, Reese... Promets-moi de ne rien dire à personne. Même pas à Bethany ou à ta copine Callie, d'accord ?

- Il n'y a aucune honte à être homosexuel, Charles, je murmure en le regardant droit dans les yeux.

- Reese, bon sang ! Toi, tu es un mec bien. Ça ne te pose aucun problème, ça tu me l'as déjà dit. Cependant, nous sommes à Green Lake. La population de cette ville est constitué majoritairement de trou d'cul. Si on apprend que je suis... gay, mes parents ne voudront plus de moi et on me fera vivre un enfer. C'est la même chose pour Xavier, m'avoue Charles en désignant son copain.

- Que veux-tu dire par ça tu me l'as déjà dit ? je demande, les sourcils froncés. Je savais que tu étais gay, même avant ma disparition ?

- Reese, as-tu au moins écouté tout ce que je te dis ?

- Charles, réponds-moi ! »

Le jeune homme se met à fuir mon regard. C'est alors que je comprends : Charles a profité de mon amnésie pour camoufler son secret. Je ne devrais me choquer pour ça, après tout, tout le monde semble profiter de ma perte de mémoire, y compris Callie. Cependant, je le suis. Je croyais que Charles allait être le genre de personne à tout me dire sur notre amitié, y compris me faire part des secrets oubliés, mais je vois bien que non. Je peux le comprendre d'une certaine manière. Quand ton pote te réapparait amnésique, tu en profites pour reprendre les secrets que tu as regretté lui avoir confié, puis tu lui fais part de ceux qui ne peuvent pas vraiment te nuire. Au cas où quelque chose chamboulerait votre amitié.