Les Chroniques d'Attica

Livre I - Chapitre 9 - Partie 1

Royaume d'Attica, Belleria — jour : 126, mois : été, année : 222

Madenn, le chef de Chisongaï était hors de lui, extrêmement remonté contre Scheik qui de lui-même, sans l'avoir consulté préalablement, avait décidé de congédier Aurora. La jeune femme était partie durant la nuit, réussissant à se faufiler hors de Belleria grâce à l'agitation de la nuit précédente. Maintenant, c'était définitif, on ne la retrouverait pas.

Plus que d'être inquiété par tous les secrets qu'elle pouvait divulguer, Madenn était réellement angoissé pour sa sécurité. Les Démons étaient peut-être partis de la cité, en revanche, ils étaient toujours bien présents à l'extérieur. Leur armée était certes en déroute, mais cela ne les rendaient pas plus amicaux pour autant, et s'ils venaient à la croiser, ils ne feraient qu'une bouchée de cette toute petite femme. Pire encore, Aurora était très belle, et une créature comme elle attiserait forcément des convoitises, que ce soit celles d'un Humain ou d'un Démon. Madenn en était donc persuadé, son histoire finirait forcément mal. Il se l'imaginait déjà enfermée dans une chambre minuscule, se faisant violer et torturer par une multitude d'hommes avant de finir dans un bordel crasseux, tout ça à cause de l'égoïsme de Scheik.

Le pauvre Madenn se créait les pires scénarios. Jamais il ne lui était venu à l'esprit qu'Aurora savait très bien se défendre, grâce à son gant de combat, et maintenant sans lui puisqu'elle avait réussi à venir à bout de trois Démons surentraînés et forts comme dix Hommes en quelques secondes. Il ne savait pas non plus ni qu'elle avait effrayé le général de l'armée des Démons en personne. Tout cela, il l'ignorait complètement, et la seule chose à laquelle il pensait, comme tous les autres capitaines de son clan, c'était qu'Aurora courrait un grave danger.

Alors dans la salle de réunion, où Scheik était accusé de crime dans une espèce de cour martiale, placé en tailleur au centre de la pièce et en dehors de sa position habituelle sur l'estrade, le vieux chef borgne lui déballa sa colère.

« Par Guarth, que s'est-il bien passé dans ta tête Scheik ? Elle pourrait être morte à l'heure qu'il est !

— Elle ne mourra pas si facilement. Ce sont les pires qui partent les derniers.

— Ce sont les pires qui… », répéta le vieux maître.

Madenn leva les bras aux ciels.

« Tu ne peux pas être sérieux ?

— Capitaine Scheik, fit Bagul, cela faisait presque quarante jours qu'elle était entre nos murs. Je soutiens qu'elle faisait presque entièrement parti de notre clan.

— Elle est responsable de la mort de Celsen, fit remarquer Scheik en gardant son sang froid. Dois-je vous le rappeler à tous ?

— Non, les Démons qui sont entrés le sont, avoua même Zellian. Celsen est sûrement mort en la protégeant, mais ce n'est pas elle qui a planté son épée dans son cœur. »

Scheik se retourna vers le barbu blond, les bras croisés.

« Tu ne vas pas t'y mettre toi non plus Zellian ? Tu la détestais clairement.

— Tu as peut-être raison capitaine, mais je ne la laisserai ni endosser ni payer pour un meurtre qu'elle n'a pas commis non plus. »

Là-dessus, Scheik les sourcils froncés, baissa les yeux. Apparemment, Zellian avait finalement réussi à le faire culpabiliser. De toute manière, il lui avait demandé de partir sur un coup de tête. Toutefois, commençant à connaître la jeune femme, il pensait qu'elle n'exécuterait pas ses ordres. Pourtant cette fois, se sentant clairement rejetée, Aurora avait suivi ses instructions, et quitta le clan juste après qu'il lui ait rendu ses affaires. Au petit matin, Scheik fut absolument surpris de retrouver sa chambre vide.