Prologue (version corrigée)

30.5K 828 265
                                    

Voici un (nouveau) trailer de Bad Lovers crée par mes soins histoire de vous mettre un peu dans le contexte :)

* * *


Bon.

– Collection de photos de ces dix-sept dernières années, check.

– Réserve de chips au fromage sous l'oreiller, check.

— Fringues en foutoir dans mon placard, check.

— Fringues de ma mère en foutoir (et planquées !) dans mon placard, check.

— Bougies parfumées ambiance cocooning (que je n'allumerai probablement qu'une fois dans l'année), check.

— Guirlandes lumineuses (même combat que les bougies), check.

Ma liste spéciale déménagement se réduit au fur et à mesure que je la lis, pour mon plus grand bonheur. Ça y est, cette fois tout est bien en place.

Satisfaite mais aussi bien lessivée de cette journée, je laisse tomber mon calepin sur mon lit et observe avec attention cette chambre. Ma chambre. C'est exactement la même qu'il y a trois ans. En bien plus mature, évidemment. Quoique...

Le quartier non plus n'a pas trop changé. Plusieurs rues entremêlées d'une vingtaine de maisons, situées en pleine banlieue parisienne à environ quinze minutes de la capitale. Je n'en ai jamais été très fan. Dans mon souvenir, les membres du voisinage se résumaient à des adultes de l'âge de mes parents et à des seniors, ce qui rendait les fêtes de voisins incroyablement barbantes. Quoique ce n'était rien, comparé à celles plutôt beaufs dont avait l'habitude de célébrer ce village du fin fond de la campagne de Chartres, où nous avait emmenés ma mère, Isabelle, juste après sa séparation avec mon père, Marc.

Pas étonnant que je n'ai jamais réussi à m'y intégrer. Ne serait-ce que pour cette raison, je ne suis pas mécontente que ces deux-là se soient remis ensemble.

Même si au fond, je n'ai pas une seule fois douté que leur réconciliation arriverait un jour.

C'est comme ça qu'ils fonctionnent tous les deux, depuis vingt ans. Ils s'aiment, se disputent, mon père s'envole pour un voyage d'affaires, puis il revient et tout le monde s'aime à nouveau. Sauf il y a trois ans. Je n'ai jamais su ce qu'il s'était passé entre eux, mais contrairement aux autres, cette dispute-là a mené à une séparation, puis à un déménagement. Le choc, personne ne l'avait vu venir.

Et puis il y a environ un an, maman a commencé à passer des week-ends par-ci par-là loin de Chartres, avec des soi-disant amies. Elle occupait également tout son temps au téléphone et rougissait furieusement dès que mon père nous annonçait sa visite. Ce cirque a duré plusieurs mois, jusqu'à ce qu'ils nous aient finalement annoncé qu'ils revenaient ensemble. C'était plus que prévisible, le divorce n'avait jamais été prononcé. Résultat, quatre mois plus tard : nous voilà de retour dans notre ancienne maison, comme si nous ne l'avions jamais vraiment quittée. Malgré tout, j'espère de tout cœur que ce nouveau départ pour ma famille en est aussi un pour leur relation. Un vrai nouveau départ. J'ai trop souvent vu ma mère les larmes aux yeux ces dernières années, et c'est pesant.

Je poursuis mon inspection et me balade entre ces murs, telle une façon de redécouvrir ce qui fut autrefois mon sanctuaire.

Celui juste en face de mon lit est tapissé d'étagères, toutes très représentatives de ma propre vision de la pop culture. S'y trouvent des vinyles colorés, des figurines dragons et quelques-uns de mes classiques DVD, tels que la saga Sexy Dance que je connais absolument par cœur. Excepté le cinq. Le cinq est une vraie honte. Celles du dessous sont certainement les plus importantes : livres, livres et re-livres. Du dernier tome du Trône de Fer en passant par quelques classiques de la littérature anglaise, en partie à l'origine de mon entrée en filière littéraire. Ça, et aussi parce que mon niveau en maths est semblable à celui d'une sixième. Ces livres sont probablement ceux qui donneraient des envies de suicide à la plupart des lycéens, mais que j'adore tant ils sont romantiques et tragiques. Et puis, il faut se l'avouer, leurs héros masculins sont quand même loin d'être déplaisants. C'est un fait : l'homme anglais est charismatique dans l'âme.

À l'autre bout de la pièce, plusieurs dizaines de clichés soigneusement collés à la patafix attirent mon attention. Chaque centimètre carré du mur est rempli. Ces fameux moments de vie. L'un d'entre eux est à mourir de rire, tant il déborde d'hypocrisie. Il s'agit d'une photo de moi, tout sourire avec mon petit frère de quatorze ans, Evan.

Oui il a quatorze ans, et oui il est insupportable. Et son ami Kévin n'arrange vraiment rien. Je ne serais même pas étonnée qu'il finisse un jour en prison, celui-là...

Ceux que je partage avec Chloé, ma meilleure amie depuis le plus jeune âge, sont bien plus sincères. Au collège, on nous surnommait « le duo improbable ». C'est vrai qu'à vue d'œil, elle et moi sommes les parfaits opposés : Chloé est une grande blonde extravertie, fan des projecteurs, tandis que je suis une petite brune plutôt calme. Mais je l'adore. J'ai vécu toutes mes premières expériences avec elle : ma première mauvaise note, ma première cigarette, mon premier et unique amour de vacances dans ce camping proche de Perros-Guirec, ma première déception amoureuse aussi. Il s'appelait Romain. C'était un garçon dont j'étais littéralement en folle en cinquième, mais qui lui n'avait d'yeux... que pour Chloé, justement.

Ça c'est clair qu'avec elle, il ne faut pas avoir peur de passer au second plan.

Ces trois dernières années ont été un peu compliquées pour nous deux. Nous sommes bien sûr restées en contact, mais je ne la voyais en chair et en os que lorsque je rentrais au bercail pour voir mon père, c'est-à-dire, assez rarement. Ou, du moins, pas suffisamment. C'est pourquoi je suis particulièrement heureuse de la retrouver demain après-midi : une séance retrouvailles à base de gossips et de rigolade. Comme au bon vieux temps.

Le soleil déclinant sérieusement à l'extérieur, j'abandonne définitivement ma séance de rangement et habille mon petit mètre cinquante-sept d'un pyjama confortable. Ma mère m'appelle du rez-de-chaussée, pile au moment où je parviens à attacher ma longue tignasse brune en un chignon désordonné :

— Julia et Evan, venez manger ! Ça va être froid !

Je ne peux m'empêcher de sourire face à cette impression de déjà-vu, hyper plaisante.

C'est ça en fait, la vraie vie reprend son cours : comme au bon vieux temps.

BAD LOVERS 1 (Sous contrat d'édition)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant