BAD LOVERS 1 (Sous contrat d'édition)

14 - Dangereuse ambiguïté (version corrigée)

En média : Somewhere only we know - Keane

* * *

Vautrée sur mon lit, ma main droite tenant fermement mon portable, l'autre me nourrissant de mes chips au fromage préférées, je scrolle impassiblement le fil d'actualité de mon compte Instagram, jusqu'à découvrir une certaine photo postée sur celui de Pauline, il y a cinq minutes. L'image en question a été prise dans la cour de notre lycée et représente, bien évidemment, elle et Enzo. Le contraire aurait été étonnant ! Ces deux-là passent littéralement tout leur temps ensemble depuis l'officialisation de leur couple. C'est même au-delà de mes espérances ! Je ne pensais pas Pauline aussi fleur bleue... D'ailleurs, ils n'auront pas été les seuls à bénéficier des bienfaits de la soirée, puisque Luc et Alice ne cessent, eux aussi, de se tourner autour depuis cette fameuse nuit. Pour le coup, c'était plutôt inattendu ! Il m'avait bien semblé les avoir aperçus ensemble sur la piste de danse, mais j'étais loin d'imaginer ce qui se tramait réellement...

J'appuie sur la mention « Voir les 2 commentaires ». Le premier est signé Chloé, la photographe du jour, qui la trouve décidément « beaucoup trop » belle. Et le second... de Julien.

Je me mords nerveusement la lèvre, comme à chaque fois que je repense à notre relation désastreuse.

Tout cet amour qui survole notre groupe aurait pu lui donner envie d'accélérer les choses avec moi... mais disons que je ne lui ai pas vraiment facilité la tâche. Pire encore : je l'ignore carrément depuis les dix-huit ans de Luc. Ne vous méprenez pas, cette distance est loin de m'être indifférente ! Mais voilà, je sais maintenant ce qu'il attend de moi et je ne suis pas certaine de vouloir la même chose... C'est ça en fait : sa présence me stresse. Je ne suis pas habituée à ce type de situations, je ne sais pas les gérer. Alors, au lieu d'avoir une explication avec lui, je préfère l'esquiver... Fuir. Comme une idiote.

J'enfourne une énième poignée de chips dans ma bouche, quand le prénom « Caleb » s'inscrit en gros sur mon écran. J'avale rapidement, non sans m'étouffer au passage.

Voici, Mesdames et Messieurs, un autre cas que je ne sais absolument pas gérer : le cas « Caleb » !

Notre relation me dépasse. Il y a ces rares fois où une certaine ambiguïté étrange s'installe entre nous et où je me dis qu'il ne faut plus que je l'approche en dehors des cours. Mais ces fois-là ne durent qu'une seconde. Le reste du temps, elle est tout ce qu'il y a de plus normale : nous discutons, rigolons, normalement, comme le feraient deux bons amis.

Je commence à me demander si tout cela n'est pas juste dans ma tête, s'il ne faudrait pas que j'oublie cette sortie en boîte une bonne fois pour toutes et que j'arrête d'apporter de l'importance à des détails sans intérêt.

Il est peut-être là justement mon problème, que ce soit avec Julien ou Caleb : je cogite trop.

Je cogite même tellement que le téléphone cesse de vibrer entre mes doigts. Mais lorsqu'il reprend à peine dix secondes plus tard, je cesse de réfléchir et décroche, la bouche pleine :

— Oui ?

— T'es en train de bouffer ? ricane-t-il à travers le combiné.

J'avale lentement ma bouchée et rétorque que non.

— Ouais bref, une séance babysitting, ça te dit ? Mes parents m'ont refilé Tom ainsi que mon cousin de dix ans à garder, pendant qu'eux s'en vont je ne sais où. Et je ne pense pas pouvoir m'en sortir sans que l'un de nous trois ne rende l'âme...

J'étouffe un rire à son ton dramatique.

— Chloé n'est pas dispo ? demandé-je alors, sans pouvoir m'en empêcher.