Chapitre deux.

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Ils étaient fatigués.
Fatigués de devoir constamment jouer un rôle. Fatigués d'avoir un stupide sourire plaqué sans cesse sur leur lèvres, qui marque leur visage de rides malheureuses.

Elle avait cette fois glissé des écouteurs dans ses oreilles et s'était adossée au mur, entourée de toutes ses soi-disantes semblables. Ces dernières n'ont même pas remarqué l'attitude lassante de leur "amie".

Lui avait cette fois prétexté un appel personnel pour s'éloigner quelques minutes de ce groupe. Conscient qu'il devra y retourner, il se laisse tomber au sol en sortant un long soupir de sa bouche. Il fit tournoyer son téléphone entre ses doigts en fixant un point invisible entre les élèves du couloir bondé. Pourtant, personne ne semble prendre garde à la dépression qu'émanait des yeux du garçon. C'est alors que la sonnerie retentit annonçant huit heures et que les deux adolescents rejoignirent leur groupe afin d'entrer en classe sous des regards pervers et intimidants pour elle, désireux et admiratifs pour lui.

Elle en avait plus qu'assez. Toute la journée elle avait supporté les sifflements, les paroles ainsi que les sous-entendus malsains qui ne faisait qu'accroître sa colère. L'immaturité de certains garçons de sa classe la répugnait et ne faisait qu'augmenter les pensées négatives qu'elle avait envers eux.

Il en avait marre. À chaque fois qu'il osait tourner les yeux, une fille différente lui faisait glisser un papier sur lequel figurait un numéro. Il était stupéfait de la manière utilisée par ces femmes pour parvenir à leurs fin. Et, inutile de préciser que cette fin se reportait aujourd'hui à lui. Il déclinait à chaque fois l'offre en souriant, désolé, à la jeune fille; ce qui exaspérait au plus haut point ses "copilotes" qui le jalousait.

Elle a beau été retenue par ses camarades, cela ne l'a pas empêchée de quitter sa classe à l'instant où les six coups sonnaient pour les libérer d'une journée trop longue. Elle se dépêcha de rejoindre les escaliers de secours avant de les monter ardemment et de se trouver devant la lourde porte blanche où l'accès était normalement interdit. Elle sentit l'air frais arriver sur son visage ce qui l'a ravie mais qui fit se relever le peu de poils qu'elle avait sur les bras. Elle s'abaisse et s'assoit sur la marche en sortant un paquet de Marlboro.
«T'es en retard.» Entendait-elle. Elle allume sa cigarette en fixant le jeune homme qui roulait la sienne.
«C'est toi qui est en avance, nuance.» Il rit et se pencha délibérément vers elle pour qu'elle brûle sa barre de tabac, ce qu'elle fit sans broncher.
«Tu m'attendais ?» Demanda-t-elle en faisant tomber le surplus de cendre.
«On peut dire ça comme ça.» Hausse-t-il les épaules. Sous le regard assez perdu de la jeune fille, il continua :
«Je n'avais pas de feu, alors t'es en quelque sorte ma "sauveuse de situation".» Elle souria sincèrement, pour la première fois de là journée.

C'est encore en silence que les deux jeunes finissent leur cylindre toxique. Ils pensèrent que leur pseudo relation était unique. Ils ne se connaissaient pas. Il ne savait rien d'elle tout comme elle ne savait rien de lui. Pourtant, ils parlaient ouvertement comme s'ils étaient les meilleurs amis du monde. Les meilleurs amis...

Est-ce que nous pouvons vraiment qualifier quelqu'un d'ami ?
Peut-on vraiment définir ce terme ?
Pour notre majorité, les "amis" sont les personnes qui ont le privilège d'avoir notre confiance. Des personnes sur qui nous pouvons toujours compter, à n'importe quelle heure, de jour où de nuit, ce qui réduit déjà le nombre de potentiels "amis" existants. Mais, dans ce cas là, il n'y a plus vraiment de différence entre ces "amis" et notre famille. Encore ici, la "famille" n'est pas un terme entièrement défini. Il peut se rapporter aux personnes qui nous entourent, qui partagent notre sang. Mais, il en convient aussi des personnes qui nous élèvent, nous éduquent, ou qui passent leur vie à nos côtés tout en nous considèrant comme frères, sœurs, cousins ou même enfants.
Pour en revenir à notre sujet principal, la question de qualification ou de définition du mot "ami" ne porte pas vraiment de réponses.

«Tu fumes depuis longtemps ?» Demanda-t-elle en rallumant sa cigarette qui s'était éteinte à cause du vent.
«Ouais... Deux ans. Toi ?» Répondit-il en recrachant la fumée en fonds parfaits.
«Une semaine.» Déclare-t-elle en essayant de reproduire ce que faisait le jeune homme à ses côtés, sans succès.
«Une semaine ?» Dit-il, en souriant quand il s'aperçoit que la fille tentait de l'imiter.
«Ouais... Une semaine.» Dénonce-t-elle d'une voix si basse qu'il ne l'aurait pas entendue s'il ne portait pas attention à elle.
«Tu veux parler de ta journée ?» Proposa-t-il en étalant une autre feuille sur le gravier. Il la rempli petit à petit de tabac écrasé, sous l'œil intéressé de l'adolescente. Il lèche la partie supérieure du papier puis referme délicatement celui-ci avant de le tendre à la jeune fille qui le remercie d'un magnifique sourire. Tandis qu'il fit une deuxième cigarette, cette fois-ci pour lui, elle lui répondit :
«Ma journée ? Qu'est-ce que je pourrais te raconter à part les remarques perverses venant de mecs dont je ne connaissais même pas l'existence ? Ou alors, tu préfères peut-être savoir qu'une des filles de mon groupe s'est cassé un ongle en enfilant sa nouvelle jupe ..? Laisses tomber, tu ne veux pas entendre parler de ma journée.» Soupira-t-elle en fumant, assez accablée d'elle-même.
«La mienne n'était pas fameuse non plus si tu veux tout savoir... Entre mes soi-disants potes qui draguent tout ce qui bouge, qui prennent les filles pour des objets... Sans parler de celles assez désespérées pour me donner leur numéro sur la feuille de contrôle qu'elles viennent de recevoir ! J'en ai même vu une pleurer parce que je lui avais souris ! T'imagines ?! Elle pleurait !» S'écria-t-il en faisant de grands gestes.
«Merde.» Grommelait-il après avoir fait tomber sa cigarette à moitié entamée. Il l'écrase, un air dégoûté scotché sur ses lèvres alors qu'un sourire moqueur prend place sur celle de la jeune adolescente.
«J'dois rentrer, mon frère va s'inquiéter.» Déclare-t-elle en rigolant quelque peu. Elle se lève, enfile son sac à dos avant d'être interrompue :
«Tu seras là demain ?» Elle souria encore plus qu'avant. La jeune fille rejoint son chemin terreux à reculons, fit un salut de l'armée toujours en montrant ses belles dents parfaitement alignées. Elle se retourne puis dit :
«À demain, le fumeur.» Sur ses paroles et sous le regard taquin du jeune homme, elle partit.

Ce dernier se mords la lèvre inférieure, en pensant que cette fille était belle et bien différente. Et que cette différence peux lui apporter beaucoup.

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