Chapitre sept.

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Elle avait fait un effort aujourd'hui. Habillée de collants noirs opaques, d'une jupe cintrée et volante, d'un débardeur ainsi que de converses. Elle n'avait pourtant pas changé ses habitudes, et était restée solitaire, bien qu' entourée de toutes les autres filles.

Il était, comme tous les jours, la vedette de son groupe. Il faut dire qu'avec son skinny jean, sa chemise boutonnée jusqu'au cou, assortie à ses baskets, il attirait bon nombre de regards. Il traversait  le couloir d'anglais et il l'a vis. Adossée au mur. Souriant innocemment devant son téléphone, bougeant la tête au rythme de la musique qu'elle semblait écouter.
Il s'approcha d'elle, sous le regard surpris des deux groupes.
Les garçons étaient fiers qu'il "passe à l'action".
Les filles étaient fière qu'elle se fasse enfin courtiser.

Elle ne l'avait pas vu. Elle rigolait devant une vidéo stupide qu'elle regardait sur internet. Elle avait senti quelqu'un s'installer à ses cotés, mais elle n'avait pas tourné la tête.

Il lui a retiré un de ses écouteurs et elle s'est retournée vers lui. Les deux ont souris au moment où leur regard se sont croisés, comme si c'était une espèce d'automatisme. Ils se sont fixés, elle avec son téléphone dans la main, lui, tenant l'écouteur de la jeune fille.

«Tu viens ce soir ? Faut que je te propose un truc.» Finit-elle par prononcer.
«Je serai là, morveuse.» Dit-il en lui faisant un clin d'œil. Pour se venger, elle prononçait en playback "pathétique". Il s'éloignait, la main sur son cœur, faisant mine d'être outré.
Elle riait.
Il riait.
Ils étaient complices. Après seulement une semaine. Complices comme ils ne l'avaient jamais été avec personne.

Six heures sonnaient et elle se ruait aux escaliers de secours. Elle se félicita intérieurement de ne pas avoir mis de talons, sinon, sa course n'aurait pas pu être fructueuse. En poussant la lourde porte blanche, elle le bus. Déjà là. Assis, les doigts entremêlés.
«T'en a pris du temps.» La taquinait-il.
«Je suis sorti à, exactement, six heures de ma salle. J'ai couru dans les escaliers. J'ai transpiré. Je suis essoufflée. Tout ça pour que tu arrives avant moi, encore ...? C'est quoi ton secret monsieur le fumeur ?» Demandait-elle sarcastiquement.
«J'ai juste fini à cinq heures trente, morveuse.» Souria-t-il alors qu'elle s'asseyait, gonflée par cette nouvelle défaite.

«Alors, qu'est-ce que tu voulais me dire ?» Elle se tripotait les doigts, renvoyait ses cheveux dans son dos, fixait l'herbe sèche, et se raclait la gorge. Elle refaisait l'ourlet de sa jupe, trifouillait son collier, puis ses boucles d'oreilles...
«Je rêve où t'es stressée Morveuse ?» Elle soufflait alors qu'il rigolait de sa remarque qu'il considérait comme une blague. Si jamais on peut appeler ça une plaisanterie.
«Je veux te proposer quelque chose, une sorte de ... Jeu.» Commençait-elle, sans le regarder une seule fois.
«Un jeu ? Quelle sorte de jeu ?

-On arrête de fumer. Le premier qui touche à une cigarette avant l'autre a perdu.» Dictait-elle, en se décidant enfin à rencontrer les yeux du garçon.

«Normalement, c'est pas le jeu de l'Amour ? Tu sais, le premier qui tombe amoureux de l'autre a perdu.

-Écoute, Gamin, déjà que tu vas perdre au jeu que je te propose, je ne veux pas que tu te tape la honte avec une double défaite.

-T'as peur, Morveuse ?» Se décidait-il de l'énerver.
«T'es d'accord pour arrêter de fumer ou pas ?

-À une seule condition.

-Laquelle ?

-Si tu perds, je veux savoir comment tu t'appelles, et pourquoi tu avais commencé à fumer.

-J'accepte, si en contrepartie, tu fais la même chose à ta perte.

-J'accepte. » Elle lui tendait la main, et il la serrait.
«Prépares tes mouchoirs, Morveuse.» Elle haussait les sourcils face à l'éclat de rire dont faisait preuve le jeune homme.
«T'as compris ? Mouchoirs, morve, morveuse ! J'suis génial !» Expliquait-il en se tenant le ventre à cause de la douleur apparente.

«Hilarant. Bon, salut, gamin.

-À demain, morveuse.» Déclara-t-il  en se levant et en lui faisant la bise, les joues rouges de sa précédente crise de rire, presque calmée.
Alors qu'elle le quittait, elle entendit :
«Oublie pas, t'as pas le droit de fumer !

-C'est plutôt moi qui devrait te dire ça ! Me trahis pas, Gamin.» La dernière partie de sa phrase sortait tout droit de son cœur. Elle ne voulait pas subir un deuxième abandon, une deuxième trahison.
«Jamais de la vie, Morveuse.» Promet-il alors qu'elle disparaissait dans le chemin terreux.

Elle venait de se glisser sous ses couettes alors que son téléphone vibrait.
«T'étais mignonne en jupe écossaise, mais je te préfères en grand t-shirt et petit jean.» Elle souriait puis rédigeait sa réponse.
«T'es déjà amoureux ? J'savais pas que j'aurais gagné si vite.» Elle a à peine eu le temps de se tourner sur son flanc droit que son téléphone émettait déjà un nouveau son.
«Je savais pas que t'avais accepté le jeu. Bonne nuit, chérie, rêve pas trop de moi.» Elle se tapait la tête face à son idiotie.
«On remet les compteurs à zéro dans ce cas. Et, t'inquiètes pas pour moi, je veux faire de beaux rêves, pas des cauchemards. Bonne nuit, Gamin.»
«Touché. Bonne nuit, Morveuse.»

Deux adolescents. Deux promesses. Deux compromis. Deux jeux.
Un enjeu : leur identité.
Un danger : la réaction de l'autre face à leur passé.
Une seule chose à faire, c'est jouer.

Identity.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant