Chapitre dix-neuf.

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«James, je te rappelles que tu étais là, quand cela s'est déroulé.» S'amusait-elle à répondre pour le faire tourner en bourrique.

«Danna, s'il te plait !» Soupirait-il, presque vaincu. Elle souriait puis rigolait fraîchement et franchement en voyant l'air dépité qu'abordait le petit James, qui n'était plus si petit que lorsqu'elle l'avait connu. Une poussée de croissance s'était emprise de lui, si bien qu'il mesurait désormais la même taille que l'adolescente. Celle-ci voyait que les jeunes garçons qui vivaient avec elle se ressemblaient de plus en plus, de jour en jour, et leur promiscuité et leur complicité lui faisaient chaud au cœur. Elle espérait vivement et secrètement que cette situation demeurerait jusqu'à la fin de leur vies.

Elle finissait par se lever et entourait ses hanches d'un paréo orangé. Elle posait sur son nez des lunettes de soleil puis encerclait le cou de James avec son bras gauche avant de lui embrasser le haut de son crâne mouillé par l'eau salée. Ensemble, ils traversaient leur campement et partaient en direction du stand où boissons et nourritures fraîches en tous genres étaient vendus.

«Racontes-moi, Danna.» Elle soupirait d'aise avant de commencer.

«Cela faisait quatre mois qu'on avait emménagé dans cette résidence. Je me plaignais à ton frère que l'appartement où nous vivons désormais était trop grand et largement au dessus de nos moyens, mais il continuait de me répéter de ne pas me soucier des problèmes financiers qui pouvaient apparaître. Il me rassurait en expliquant qu'avec le travail d'assistant comptable qu'il avait réussi à choper, ainsi qu'avec mon ridicule job étudiant, on pouvait vivre aisément, sans même toucher à nos trois héritages respectifs. Une fois qu'il avait réussi à me calmer, tu étais venu et tu étais inquiet de nous voir nous préoccuper de choses insignifiantes pour toi. Tu n'avais que dix ans, et ton innocence nous fascinait, Kyle et moi. C'est comme ça que ton frère avait ouvert les yeux sur l'importance de la famille qu'on formait tous les trois et qu'il avait insisté pour qu'on dîne au restaurant, habillés de blanc, obligatoirement. Arrivés là-bas, il m'avait chuchoté les sentiments qu'il avait à mon égard et je lui avais tenu la main toute la soirée, en le regardant et lui souriant amoureusement. Les mots qu'il a prononcé étaient ceux que j'avais toujours rêvé d'entendre, et le fait que ce soit Kyle qui me les ait murmurés était magique.» La jeune femme âgée maintenant de vingt-trois ans avait les prunelles pétillantes.

«J'avais et j'ai toujours des étoiles dans les yeux quand je le vois. Lorsque nous étions entrés à l'appartement, tu avais demandé à Kyle de te remplir tes papiers d'inscription pour le collège. Et c'est ce qu'il avait fait, en écrivant qu'il était ton tuteur; et en me désignant comme tutrice. C'est là où je l'ai pris dans mes bras. C'est à cet instant qu'il m'a prononcé ce premier "je t'aime" remplis de sincérité, et c'est à ce moment où tu as déclaré qu'en tant que couple officiel, tu nous considérait comme tes parents, en nous remerciant de tout ce qu'on avait fait pour te protéger. Je me souviens que tu as dis que nous étions tes sauveurs et que tu étais le petit ange que nous avions recueilli.
-C'était une soirée riche en émotions.» Complétait James, se remémorant cette nuit là.

«La meilleure de toutes celles qu'on a pu passer.» Souriait Danna, les yeux baignés de larmes de joie d'avoir trouver sa moitié.

«Bonjour, deux bouteilles d'Orangina bien fraîches, ainsi qu'une bouteille de thé glacé s'il vous plaît.» Prononçait James.
La jeune fille qui tenait boutique avait le même âge que le jeune homme, autrement dit, quinze ans. Souriante comme toujours et depuis toujours, elle servait James, le reluquant, lui et ses beaux yeux verts, lui et ses cheveux blonds brillants au soleil, lui et le début de sa musculature déjà bien dessinée.

«Tiens, ça te fera $4.75.
-Merci bien !» Lançait gentiment James. Danna récupérait sa bouteille de thé glacé ainsi que celle d'Orangina pour Kyle, puis se dirigeait aux serviettes tandis que James laissait son regard dériver sur la jeune brune aux yeux foncés qui lui faisait face.

«Comment tu t'appelles ?» Demandait-il, une idée derrière la tête.

«Eva Blaky.
-Enchanté, je m'appelles James Mirano, mais tu peux m'appeler Jam.
-Alors, enchantée, Jam !» Rigolait-elle devant l'entrain du jeune homme. Elle serrait la main qu'il lui tendait, puis avertissait son père qu'elle prenait sa pause de l'après-midi. Elle choisissait de prendre une bouteille de jus de fruits et déposait l'argent dans la caisse, pour ne pas nuire au business que son père venait de créer spécialement pour que sa fille puisse prendre en autonomie et indépendance.

«Tu as du temps pour faire un tour, ou est-ce que tu dois retourner voir ton amie ?» Demandait gentiment la fille en ouvrant sa bouteille.

«J'ai le temps, et puis, ce n'est pas une amie, c'est ma belle-sœur. Laisse moi juste l'appeler pour la prévenir.»
La surprise se lisait sur le visage de la jeune adolescente alors que son nouveau camarade s'éloignait en composant le numéro de sa tutrice.
La jeune fille, en voyant leur proximité, était loin d'imaginer qu'ils n'étaient pas meilleurs amis, mais membres d'une même famille. Elle fixait le dos de James et l'entendait rire au téléphone, ce qui, sans qu'elle ne sache réellement pourquoi, lui provoquait un sourire.

«Alors, Eva, ça fait longtemps que tu vis en Californie ?» Demandait James en revenant gaiement vers elle.

«Pas vraiment, je viens de m'installer ici. J'ai passé ma vie sur les routes avec mes parents. Ils sont techniciens sonores et voyagent avec les plus grands musiciens, alors, je les suis.
-Et pour les cours, comment fais-tu ?
-L'école à la maison. Enfin, jusqu'à cette année. Ma mère a décrété qu'étant maintenant une adolescente, je devais être dans un endroit stable pendant que je termine mes études. Ils ont donc fais une pause dans leur carrière professionnelle. Mais je pense que cela ne vas pas durer plus de deux ans. Ils aiment beaucoup trop leur travail pour que je leur empêche de le faire.
-Ça va donc être ta première année d'école ?» La questionnait-il.

«C'est bien ça, et j'admets que c'est assez stressant et perturbant de changer d'un seul coup d'environnement.» Elle baissait la tête. Ils s'asseyaient sur une dune de sable qui surplombait toutes les autres et qui leur donnait une vue sur toute la plage et ses alentours. Ils pouvaient presque apercevoir tous les bateaux de pêcheurs dont la mer était remplie.

«Je te comprends.» Disait-il après un court moment de silence. Ils fixaient chacun un point en face d'eux et se parlaient doucement, tranquillement.

«Cela fera bientôt cinq ans que j'ai emménagé ici, avec Danna, ma belle-sœur et Kyle, mon grand frère. Le début de cette nouvelle vie avait été... Compliqué ? Oui, compliqué, mais grâce au soutien qu'ils m'apportaient, je me suis rapidement adapté.
-Et tes parents, ainsi que ceux de Danna, où sont-ils ? Vous avez l'air d'être jeunes pour vivre seuls...» Déclarait-elle, innoncement.

«J'ai quinze ans, et Danna et Kyle en ont vingt-trois. Pour ce qui est de mon frère et moi, notre père est décédé, et notre sœur et notre mère ont besoin de soins médicaux et ne peuvent pas s'occuper de nous, voilà pourquoi elles sont restées dans notre ville natale. Pour ce qui est de Danna, son frère est mort en même temps que mon père, dans le même incendie. Ils étaient tous les deux pompiers. Ses parents ont été dévastés et pour une raison que je ne saurais t'expliquer, sa mère ne lui adresse plus la parole. Cela fait dont cinq ans qu'ils sont mes tuteurs, malgré leur jeune âge, mais à cause de ces incidents, ou grâce à eux, nous avons tous pris en maturité.» Terminait-il, fermement et froidement, comme lorsqu'il repensait à son passé.

«Je ... Je suis désolée, Jam.» Bredouillait-elle.

«Je le suis aussi, Eva. Et je te prierai de ne rien dire, puisque même mes amis ne sont pas au courant. Ils pensent que nous sommes venus ici seulement pour le plaisir de vivre à côté d'une plage et pour l'amour de la chaleur et du soleil.
-Pourquoi m'as-tu confié tout ça ? Je ne suis qu'une inconnue.
-S'il y a une chose que j'ai retenue de cette histoire, Eva, c'est que l'identité n'empêche pas l'amitié.
-Qu'est-ce que tu veux dire par là ?
-Je t'expliquerai, un jour, et tu me comprendra, un jour.» Souriait-il, en se remémorant la rencontre de ses tuteurs qu'il connaissait désormais par coeur.

«Travailles-tu sur la plage, ce soir ? Je fête mon anniversaire, ce serait l'occasion de te présenter mes amis, ainsi que ma famille.
-Oh, euh, d'accord.» Acceptait-elle, encore perturbée par ce jeune homme.

«Très bien, alors, à ce soir, Eva.» Elle lui envoyait une risette alors qu'il repartait vers son frère et sa belle-sœur.

La jeune fille, restée sur la dune, ne comprenait pas la rencontre qu'elle venait de faire, mais était persuadée que sa vie allait prendre un tournant qu'elle ne pourrait pas contrôler. 

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