Chapitre vingt.

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«Nom, prénom ?
-Blaky Eva.
-Brune, blonde ?
-Brune.
-Cheveux longs, courts ?
-Mi longs, un peu plus bas que ses épaules.
-Belle, mignonne ?
-Les deux, Kyle.» Soufflait James d'un air blasé en enfilant son short en jean noir.

«Tu l'as invitée ?
-Oui, Danna, je l'ai invitée.
-Et elle va venir ?
-Je n'en sais rien, mais j'espère.» Prononçait le jeune homme en choisissant une chemise blanche à col noir.

«Elle te plaît ?
-Kyle, j'ai quinze ans.» Rouspétait-il, fatigué de répondre aux questions que ses tuteurs s'entêtaient à lui poser.

«Et alors ?» Renchérissait Danna, «L'amour n'a pas d'âge, James !
-Tout comme votre acharnement envers moi, apparement...» Répondait le jeune adolescent. Les deux adultes le regardaient se préparer, les yeux malicieux.

«Kyle, n'est-il pas mignon ? Notre petit Jam à sa première amoureuse, son premier coup de foudre !
-Ce n'est pas ma copine, chère belle-sœur.
-Mais tu aimerais qu'elle le soit !
-Je ne la connais pas !
-Arrête, Jam, tu sais très bien que lorsque Danna et moi avons commencé à nous fréquenter, on ne savait rien l'un de l'autre.» Parlait Kyle d'un ton doux; en glissant la médaille d'honneur paternelle dans la poche droite de son frère, alors que celui-ci se coiffait. James remerciait son tuteur d'un sourire avant de lui répondre :

«Tout le monde n'a pas votre chance, les gars.» Il soupirait en s'asseyant sur son lit en tailleur, rapidement rejoint par sa belle-soeur.

«Que veux-tu dire par là ?
-Je veux dire que vous vous êtes trouvé, et cela magiquement. Qui aurait pu un jour penser que vous deux, un populaire, et une fille qui respire la simplicité, se rencontreraient à leur pause clope ? Que vous traversiez les mêmes moments familiaux difficiles et que vous offrirez chacun à l'autre une issue ? Votre histoire est digne d'un roman à l'eau de rose, et le plus beau, c'est que cela se soit passé dans un pur hasard. Alors que moi, j'ai l'impression de ne pas mériter cet amour, cette chance que vous avez saisi pour moi.
-Tu le mérite amplement, Jam. Je ne...
-Kyle, tu ne comprends pas. Notre passé me ronge de l'intérieur. Je n'arrive pas à passer outre. Chaque chose me rappelle papa, maman, ou bien Oriana, et le fait d'avoir été impuissant, et de le rester me fait culpabiliser.
-Tu n'avais que dix ans !» S'emportait le plus grand.

«Justement, Kyle ! J'avais dix ans ! J'étais trop jeune ! Tellement jeune que je ne me souviens de rien en ce qui concerne les bons moments familiaux ! Aucun souvenirs heureux, aucun ! Je ne me rappelles que des mauvais ! Et il y a pire !» S'estomaquait-il.

«Je ne me souviens plus du visage de papa.» Finissait-il en prenant son visage dans ses mains.
Son grand frère était dépité par ce qu'il voyait. Il ne s'était jamais douté que le petit qu'il avait bercé ressentait ses noirceurs, et le fait de n'avoir rien vu lui faisait remettre en cause sa paternité précoce. Il s'agenouillait doucement face à son frère et glissait dans ses mains une petite photo qu'il gardait précieusement dans la poche de ses shorts depuis qu'ils avaient déménagé en Californie.

James retirait ses mains de son visage et découvrait une image qui lui fit monter les larmes aux yeux. Sur le petit morceau de papier figurait James, seulement âgé de huit ans, assis sur les genoux de son géniteur. Il lui touchait la barbe en riant, alors que le père grimaçait mais gardait une fière allure dans le costume de pompier qu'il portait tellement bien. Le jeune adolescent frôlait du doigt le visage de son père en prenant soin de se concentrer sur chaque détail, chaque ride, grain de beauté, chaque parcelle de joie qui se reflétait sur l'homme qui l'avait tant manqué.

«Il t'aimait, Jam. Tu étais la seule raison qui le poussait à rentrer chaque soir. Le seul à qui nous n'avons rien à reprocher dans cette histoire, c'est toi. James, tu n'as pas à culpabiliser pour des choses que tu ne comprenais pas. Tout ce que tu as à faire, c'est t'occuper de toi, et de toi seulement, égoïstement.
-Et d'Eva, faut pas l'oublier cette petite.» Rappelait Danna, ce qui faisait sourire les deux hommes qui partageaient sa vie.

«Eva est une option, chérie. Jam doit se reconcentrer sur lui-même avant de penser à ses amours.» Soulignait Kyle en souriant.

«Non, au contraire, je pense qu'elle peur lui apporter beaucoup.
-Danna, on n'est pas dans un film,» Riait son petit-ami, «Eva et Jam ne vont pas avoir le même parcours que nous, c'est statistiquement impossible.
-Monsieur le comptable a parlé ! Surtout qu'Eva connaît déjà toute l'histoire.» Parlait James.

« Pardon ?» S'exclamait Danna.
«James Mirano, tu lui a parlé de nous, de notre passé ?» Le jeune homme acquiesçait.

«Mais pourquoi ?
-Je ne sais pas, Danna, c'est sorti tout seul. Elle m'a demandé où étaient nos parents, et je n'ai pas eu le courage de lui mentir. C'est sorti tout seul,» Répétait-il, «Comme si j'avais l'habitude de me confier à elle. J'ai vraiment l'impression qu'Eva peut écouter toutes mes peines et rancœurs sans jamais me juger. C'est une bouffée d'air frais, une bouée de sauvetage que le bon Dieu m'a lancé pour m'aider à m'en sortir.
-Je rêve ou tu la compare à une bouée ?
-Danna, je t'adore, tu es une merveilleuse belle-sœur, mais tu as le don de gâcher mes tirades romantiques !»
Les trois personnes  riaient franchement avant de se lever et de rejoindre la plage dans la voiture qu'il venaient d'acheter, une simple, vieille mais modeste décapotable grise qu'ils avaient trouvé chez un particulier. Mains dans les mains, c'est ainsi que tous les trois arrivaient à la fête du quinzième anniversaire du jeune homme.

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