Chapitre dix-huit.

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La plage. Une belle plage de Californie. Un sable clair, fin et chaud, accueillait une eau salée rafraîchissante mais tellement douce qu'on ne voulait pas la quitter. Une bande de jeunes jouait au ballon, d'autres dansaient sur le rythme d'une musique enjouée.
Le plus âgé était allongé et faisait tourner la médaille d'honneur qui appartenait à son père. Sa mère venait de le lui envoyer, et avait souligné dans une lettre que cet objet faisait aussi parti de l'héritage paternel.
N'en voulant guère, il avait alors décidé de l'offrir à James, pour le quinzième anniversaire de ce dernier. C'est d'ailleurs pour cet événement qu'ils avaient tous trois voulu aller à la plage.

En continuant de faire tournoyer l'objet, il le détaillait. C'était une sorte de cercle en or, avec le nom de son père gravé en lettres épaisses, accompagné d'un casque de pompier dessiné en relief. Un ruban de tissu robuste et au colori du drapeau américain s'échappait du bas du cercle et donnait une allure importante à ce morceau de plaque dorée. C'est en l'inspectant une dernière fois qu'il remarquait une inscription au dos :

"A mes fils. A ma fille. A ma femme. J'ai donné ma vie pour eux, donnez leur cette médaille pour moi."

Il s'était relevé et avait abaissé ses lunettes de soleil pour passer son index sur cette phrase et effacer la larme qui l'avait sali. Il en était persuadé, il devait absolument l'offrir à son petit frère. Il la rangeait dans sa poche en apercevant la jeune adulte accompagnée du petit garçon devenu adolescent revenir vers lui.
Son frère lui tendait une glace et s'asseyait auprès de lui pour manger la sienne.
La jeune femme, elle, s'était agenouillée à ses côtés et avait délibérément déposé ses lèvres sur celles de l'adulte. Elle avait alors souri, et s'était assise elle aussi.

«Tu as appelé tes parents ?» Lui a-t-il demandé en léchant sa glace à l'italienne au mélange de pistache et vanille, sa préférée.

«Oui. Mon père est d'accord pour venir cet automne, mais ma mère ne m'adresse toujours pas la parole.» Disait-elle, déçue.

«Quoi ? Mais ça fait pratiquement cinq ans qu'on est parti !
-Oui, mais elle n'a toujours pas digéré le fait que je sois partie aussi vite et aussi énervée de l'enterrement, et que je ne l'ai pas prévenue de notre départ...
-Comment aurais-tu pu les prévenir puisque tu as été prévenue au moment du départ, justement ?
-C'est ce que je me tue à lui répéter, mais elle est toujours autant en colère. Elle ne me parle que rapidement et fais semblant d'avoir oublié notre dispute mais son ton la trahie. Elle est déçue de moi mais mes excuses ne changeront rien, alors, j'ai cessé de lui demander pardon. Elle se calmera bien un jour.» Finissait-elle.

«Enfin bref, et toi, tu as eu ta maman ?
-Bah, j'ai d'abord eu Oriana. D'après les médecins, la mort de mon père a été un tel choc pour elle qu'elle s'est mise à respecter son traitement à la lettre. Elle m'a dit qu'elle avait des crises seulement une fois par jour désormais mais qui ne duraient qu'une trentaine de secondes, qui ne faisaient aucun mal à personne et qu'elle avait trouvé un patron qui lui permettait de prendre une pause après ses crises. Elle est très fière d'elle et de ce qu'elle a accomplie, puis elle sera là cet automne elle me l'a promis. Pour ce qui est de maman...» Il respirait fortement et se redressait.

«C'est toujours la même merde. Alcool sur alcool, whisky sur whisky, bière sur bière... Elle est encore moins lucide que l'était Oriana il y a cinq ans de cela.
-Comment va son cancer ?» Demandait alors James, inquiet de l'état du foie de sa génitrice.

«Il empire de jour en jour.» Chuchotait le plus grand.

«Mais Oriana m'a dit qu'elle veillait sur elle, et je lui fais entièrement confiance. En parlant de maman...» Il sortait la médaille d'honneur et la tendait à son petit frère.

«Elle me l'a envoyé. Il voulait qu'on la garde jusqu'à la fin de notre vie, James, et tu en seras maintenant le gardien. L'âme de papa réside en ce petit morceau de fer et je veux qu'il t'accompagne à chaque instant de ta vie. Quand tu n'auras pas confiance en toi et que tu auras besoin d'un soutien que Danna et moi ne pourrons malheureusement pas t'apporter, sers cette médaille au creu de ta main et souviens toi que papa t'encourage quels que soient tes choix. Joyeux anniversaire petit frère.»

La jeune adulte regardait les larmes couler des joues du jeune adolescent, et fixait les mains de son petit-ami qui les essuyait.
Près de cinq ans après leur emménagement en Californie, toute sa vie avait changée. Elle ne parlait malheureusement pas, ou très peu à sa maman. Elle avait fait calmement son deuil, aidée à distance par son père et réconfortée soigneusement par ses deux colocataires. Elle avait réussi son diplôme avec brio et était maintenant dans une université réputée pour la médecine qu'elle enseignait. Elle allait d'ailleurs bientôt passer son examen d'infirmière qu'elle avait travaillé à la perfection. Elle était ensuite retournée quelques jours à sa ville natale; et était allée visiter son grand frere. Elle s'était assise, avait caressé les lettres dorées qui ressortaient de la pierre en marbre gris puis avait tout simplement laissé parler son coeur, laissé couler ses larmes. Elle avait, pour la première fois, ressentie que son frère était de nouveau à ses côtés et que rien n'était impossible. Elle savait qu'il était parti pour de vrai, pour de bon, et qu'elle ne devait pas s'apitoyer sur son sort mais utiliser sa force ainsi que celle que lui donnait son frère à une distance lointaine pour surmonter les épreuves qui viendraient à elle.

«Danna ! Hé ! Danna !» Hurlait le plus jeune en secouant les épaules de la jeune fille qu'il considérait plus comme une sœur qu'une réelle belle-sœur.

«James arrête de me secouer comme ça ! Qu'est-ce que tu veux ?» Lui demandait-elle avec un mal de tête qui s'était empris d'elle à cause des secousses qu'elle avait reçu.

«Je veux à boire.
-Et alors ?
-Et alors Kyle est dans l'eau, et je ne sais pas où est ce qu'il a foutu son porte monnaie ! Aller Danna, j'ai soif !
-Et alors ?» Répétait-elle, faisant semblant d'être blasée pour énerver son beau-frère, qu'elle portait énormément dans son coeur.

«Danna... T'es pas cool !» Boudait-il comme un enfant, il savait que cela la faisait craquer.

«Regarde dans mon sac; il y a un billet de 5$. Vas-y, et prends moi une bouteille de ce qu'il y a de plus frais s'il te plait.
-Tu ne veux pas m'accompagner, ma belle-sœur d'amour ?» Papillonait-il des yeux pour abuser la chose.

«Et pourquoi j'irais avec toi ?» Soumettait-elle, un sourire moqueur sur les lèvres.

«Je veux que tu me racontes comment Kyle et toi, vous vous êtes mi ensemble.»

Identity.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant