Chapitre cinq.

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Il a vécu des choses difficiles. Une enfance qu'il voudrait oublier. Des souvenirs qu'il voudrait effacer. Une sœur qu'il voudrait soigner. Une mère qu'il voudrait heureuse, et non peureuse. Un père qu'il voudrait présent, et non absent. Un petit frère qu'il voudrait protéger, élever, éduquer, à qui il tient au péril de sa vie. Une famille détruite qu'il voudrait reconstruire, tout en sachant que cela est impossible. Alors il fume. Pas beaucoup, il s'autorise trois cigarette par jour au maximum, mais il fume. Il bourre ses poumons de nicotine pour vider son cœur de haine. Son père le sait. Sa mère aussi. Son frère l'a découvert. Pourtant, tous ferment les yeux face aux problèmes que doit supporter un si jeune garçon.
Il n'arrive pas à se confier à sa mère, il ne veux pas l'inquiéter.
Il n'arrive pas à se confier à son père, il n'est jamais présent.
Il ne peut pas se confier à son frère, il est trop jeune.
Pourtant, Dieu seul sait le besoin de parler. D'en parler.
Une heure qu'ils sont au téléphone. Il n'a rien dit. Il ne veux rien dire. Il ne va rien dire.

«[...] Et c'est comme ça que je me suis retrouvée coincée dans l'aquarium ! Tout ça à cause de mon frère !» Rigolait-elle. Il souriait face à ce rire cristallin qui faisait envoler son esprit vers un monde meilleur. Vers un monde où le sol serait jonché d'herbe fraîche. Il ferait toujours beau, son visage serait sans cesse réchauffé par le soleil. Un endroit où il serait avachi dans un fauteuil confortable sur le perron de son chalet en bois. Son petit frère serait à ses côtés, en train de réviser ses cours, dans l'espoir de devenir, un jour, pilote de course. Ils seraient seuls au monde. Enfin, seuls, avec elle...

Elle le savait. Rien que dans le rire qu'elle entendait par le combiné. Elle savait qu'il pleurait. Qu'il se forçait à rire et qu'une larme prenait un malin plaisir à dévaler sa joue. L'imaginer ainsi lui brisait le cœur et c'est pourquoi elle lui racontait ses pires hontes. Pour qu'il puisse esquisser ne serait-ce qu'un vrai petit rictus.

«Hey le fumeur... Arrêtes.» Soufflait-elle, sérieuse mais inquiète en se rasseyant sur son lit. Elle trifouillait son ours en peluche fétiche en entendant la question de son camarade :
«Arrêter quoi ?

-De pleurer.» Elle stoppa tout mouvement en attendant la réponse que devait lui donner le garçon.
«Tu dois me trouver pathétique... J'suis désolé.

-T'es désolé ? Tu te fous de moi ou quoi ? Écoutes...» Elle respirait profondément et se mit par sa fenêtre.
«Je sais pas ce que tu as. Je sais pas ce qu'il s'est passé alors je vois pas pourquoi je devrais te juger. On a tous des hauts et des bas, on a tous des problèmes, qu'ils soient grands ou petits, que ce soient les plus fortes personnes ou les plus faibles, on est tous les mêmes, on a juste différentes manières de les ressentir et de les exprimer. Si tu m'aurais vu quand j'avais su que mon frère s'était brûlé pendant sa première intervention... J'étais allongée sur le sol en faisant l'étoile de mer, j'avais les yeux rouges, les joues brûlantes, de la morve et des larmes de partout, et j'hurlais comme si on m'avait arraché un bras. Il s'était seulement brûlé le petit orteil ! Il n'avait qu'un pansement ! Alors, je peux te dire que ce n'est pas simplement en pleurant que tu auras l'air pathétique. En tout cas, pas avec moi.» Avoua-t-elle en regardant la lune.

Pendant un moment, aucun des deux ne parlaient. Chacun pensait à l'autre en se répétant de ne pas s'attacher. De ne pas s'accrocher à l'espoir dissimulé derrière cette personne découverte grâce à la simple envie d'une cigarette. Mais, d'un autre côté, l'attirance de l'inconnu et le confort ressenti entraînait un réel besoin dans le cœur des deux adolescents.

Il pensait qu'elle serait sa bouée de sauvetage, son seul recours pour oublier ces disputes tout en ne s'abîmant pas la santé.

Elle pensait qu'il serait son seul moyen pour L'oublier. Pour oublier ce qu'elle a fait. Pour oublier ce qu'elle a vu. Elle voulait oublier la raison pour laquelle elle s'était mise à fumer. Elle voulait L'oublier Elle, tout simplement.

«Hey, la morveuse.» Elle sortit de sa contemplation lunaire et répondit d'un souffle court :
«Ne m'appelles pas comme ça.

-Ouais... Merci beaucoup pour...

-T'inquiètes, les cinglées c'est fait pour ca.» Il rigola ce qui mit un sourire sur les lèvres de la jeune fille et qui fit ressortir ses légères mais prononcées pattes d'oies.
«J'suis désolé de t'avoir insulté de cinglée... Et désolé aussi pour ton frère.

-T'es pardonné le fumeur.» Elle fermait sa fenêtre à cause d'un courant d'air et courrait retrouver son ours en peluche. Il se tournait sur son côté gauche et apercevait son petit frère à l'embrasure de la porte.
«Qu'est-ce qu'il y a petit prince ?

-J'arrive pas à dormir... J'ai fais un gros gros cauchemars, comme ca !» Prononcait le petit en ouvrant grand ses bras. Son grand frère le regardait malicieusement.
Elle écoutait la conversation, souriant comme jamais elle ne l'avait fait.
«Viens, tu restes avec moi cette nuit.» Il fit grimper son frère sur son lit et le couvrait jusqu'au menton.

«Il est important pour toi ...» Constatait-elle en rougissant timidement.
«Plus que tu ne peux l'imaginer. Bonne nuit Ma morveuse.

-Bonne nuit, Mon fumeur.»
Il prit son frère dans ses bras et s'endormit sur ce qu'elle avait prononcé : MON fumeur.
Elle serrait son nounours et s'endormit sur la pensée de sa dernière phrase : MA morveuse.

Une chose est sûre, chacun s'est approprié l'autre. Comme dit Victor Hugo, "Le bonheur est parfois caché dans l'inconnu." Reste à savoir si cette citation leur convient.

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Petit chapitre cadeau, pour ôter l'ennui d'Océane. 💖

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