Chapitre six.

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Elle n'y avait jamais vraiment pensé. L'effet calmant et apaisant de la nicotine l'avait jusqu'ici comblée mais l'aspect toxique venait de lui traverser l'esprit. Ce qu'elle aimait dans la cigarette, c'était la liberté qu'elle ressentait. Elle se sentait lestée d'un poids. De ce poids.
Quand cela s'est passé, elle ne savait pas plus où donner de la tête. Elle a ressenti de la tristesse, de la trahison, de la colère, pour enfin finir avec le sentiment de dégoût coincé dans la gorge. Elle avait dévalé les escaliers et s'était enfuie dans sa cuisine. Les larmes de colère tombaient sur le comptoir de marbre qui entourait la moitié de la pièce alors que son regard flou se posait sur le paquet que son père avait délaissé. Ses parents l'avait toujours mis en garde concernant la dépendance que créait ce genre de drogue. Pour elle, la cigarette était loin d'être une drogue mais elle ne contredisait pas ses parents, une conversation sourde ne l'intéressait pas. Elle avait donc prit ce paquet, un briquet et était partie dans un parc, loin de sa maison, de sa famille, de ses escaliers, de cette pièce, loin d'elle. Elle était sur une balançoire, seule, au beau milieu de la forêt qui bordait ce parc. Elle avait glissé cette cigarette dans sa bouche et l'avait allumée. Les joues et les yeux bouffis, elle avait inhalé sa première taffe, craintive de l'effet qui allait être procuré. Elle n'avait pas crapoté mais avait avaler la fumée, et l'avait même longtemps gardée dans ses poumons. Ces derniers la brûlait mais en aucun cas elle n'avait envie de la faire partir. Elle voulait souffrir. Souffrir pour oublier ce qu'elle venait d'entendre. Souffrir pour oublier la trahison qu'elle venait de subir. Souffrir pour oublier la douleur. Paradoxal, non ?
Elle avait recraché la fumée sans une seule quinte de toux, comme une habituée; sans doute à cause de celle qu'elle respirait quand son père fumait devant elle.
Les larmes aux yeux elle venait de repenser à ce souvenir qui ne datait que de la semaine passée. Elle s'était mise par sa fenêtre et avait finalement allumée une cigarette. Elle se l'était promis, c'était sa dernière cigarette.

C'était deux ans auparavant. Il rentrait du collège. Il avait à peine posé son sac sur le bas de l'escalier, qu'il entendait déjà sa mère hurler. Inquiet mais surtout surpris, il courrait jusqu'à la chambre parentale pour y retrouver sa mère, recroquevillée sur elle-même dans un coin de son lit.
Elle semblait si vulnérable. Elle qui avait élevé seule trois enfants, tout en supportant le fait que son mari brandissait les flammes tous les soirs.
En voyant sa grande sœur lever la main sur sa mère il a crié. Un cri de douleur, de haine, de colère, de dégoût envers la personne qu'il considérait comme son model. Mais ça, c'était avant qu'elle n'ose lever la main sur ce qu'il avait de plus cher : sa mère.
Sa sœur s'etait retournée vers lui et lui avait foncé dessus. Littéralement. Il entendait sa mère pleurer alors qu'il essayait de maîtriser sa sœur. Son petit frère était sorti d'en dessous du lit parentale où il s'était caché, et avait réussi à appeler la police alors que le plus grand avait enfin attraper les deux mains de sa sœur. Il s'était assis sur elle et laissait ses larmes couler alors qu'il chuchotait :
«Calmes-toi, je t'en supplie calmes-toi.», ce qu'elle ne faisait pas, au contraire.
La suite s'était déroulée très vite. Les policiers accompagnés de son père, avaient conduits sa sœur dans un centre pour hyperactifs et bipolaires. Les pompiers et le SAMU avaient emmenés sa mère et son frère pour un bilan santé complet. Et il était resté seul. Seul avec son nez saignant. Seul, avec le paquet de tabac émietté ramené par sa malade de sœur. A force de l'avoir vu faire, il a roulé sa première cigarette avec exploit. Sa première taffe l'a fait sentir grandis, mature et responsable. Parce que c'est ce qu'il est depuis deux ans. Responsable de sa mère et de son frère.
C'est en se remémorant ce déclin de sa vie qu'il finissait par s'assoir sur le perron de sa maison, une cigarette à la main. Il se l'était promis, c'était sa dernière cigarette.

Elle avait pensé aux moments qu'elle avait partagés avec lui. Elle se souvenait qu'elle n'avait pas particulièrement beaucoup fumer, alors elle se disait qu'elle pourrait toujours le voir, à six heures, derrière le lycée, sur cette marche de gravier.

Il avait pensé à elle. Aux moments qu'il a partagés avec elle. La fumette était leur principale activité. S'il arrêtait, voudrait-elle encore rester avec lui ? Si oui, tiendra-t-il sa nouvelle résolution face à elle qui prendrait plaisir à fumer ? Cependant, il est certain qu'il n'aurait pas de réponses. Alors, il se disait qu'il devait aller la voir, à six heures, derrière le lycée, sur cette marche de gravier, où il avait enfin recommencé à respirer. Là où tout avait (re)commencé.

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