Chapitre 11

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Chicago, le lundi matin.

Alex

- Salut, Alex ! Tu as passé un bon week-end ? m'accueille Kara à mon arrivée au bureau.

Cette apostrophe vitaminée ne me surprend pas. Kara est la seule assistante avec qui j'ai pu nouer une relation amicale depuis mon arrivée chez BloomPub. Cette rouquine pétillante aux mèches courtes savamment éclatées au gel cherche toujours le moindre prétexte pour discuter et faire la fête. C'est ce qui fait son charme et la rend attachante.

- J'ai enfin mis les pieds dans le Smart Bar dont tu m'as parlé.

- Seule ou avec ton chéri publicitaire qui appelle tout le temps ? s'engouffre-t-elle à plaisir en faisant rouler son fauteuil en arrière pour se dégager du paravent qui nous sépare.

C'est le problème avec Kara, aucun potin ne lui échappe. Une vraie pipelette de bureau. Elle sait tout sur tout le monde et a le don pour traquer les appels personnels. Assise dans le box voisin du mien avec un grand gobelet de café posé devant elle, je suis sûre qu'elle n'a pas encore commencé sa journée.

- Ce n'est pas mon chéri.

Elle suit mon regard vers son café.

- Pas de conclusion hâtive, objecte-t-elle en se redressant. Je bosse sur un nouveau concept de gobelet de voyage écolo pour Starbuck. D'ailleurs, dis-moi ce que tu préfères. Le vieil anneau en carton ondulé qui ne te brûle pas les doigts mais ne ressemble à rien tant qu'on ne l'a pas tagué de tous les messages possibles ou le gobelet télescopique en carton réutilisable ?

Je cligne des paupières.

- Le carton pliable est étanche, tu es sûre ?

Elle pense à ses merveilleux sacs, là ? Cette fille a une vraie collection d'accessoires qui doit engloutir tout ce qu'elle gagne ici et davantage encore. Je souris intérieurement. Leila fait la même chose avec les chaussures. Son placard croule sous les godasses les plus déjantées. C'est simple, en dehors de la salle de bains, je ne crois pas l'avoir vue à plat une seule fois. D'ailleurs ça me donne une idée de cadeau pour son anniversaire. J'ai remarqué une boutique de plateformes sexy sur Rush street, ce sera l'occasion d'y entrer. Ce soir en quittant le bureau. Ouais.

Deux semaines après mes débuts dans la publicité, la routine se met en place lentement. Du moins pour ce qui est de l'organisation de mes journées, suivies deux fois par semaine d'une séance de kickboxing avec Walter. La salle est sur Fullerton avenue, en plein sur la ligne rouge que je prends pour rentrer. Ensuite, je marche le long de Lincoln Park jusqu'à la maison et ça aère mon esprit. Walter est redoutable, exigeant, il ne me passe rien. Je progresse mais mon corps ressemble encore à la palette d'un peintre en mal de couleurs.

Pour le reste, rien n'a changé. Je le croyais pourtant. Ou plutôt, j'espérais qu'en me réfugiant dans le travail tout disparaîtrait aussi facilement qu'avant.

Lourde erreur.

Matthew accapare mes pensées à chaque instant, rendant le moindre acte quotidien potentiellement compliqué mais je n'ai pas le choix, je dois avancer et me trouver. Être libre, c'est d'abord se posséder soi-même. Savoir qui on est pour mieux se défendre, comme dit Walter. Me défendre, c'est ce que je veux aujourd'hui et c'est légitime.

Plus personne ne me fera du mal.

Je devrais me rendre à Cambridge et en parler à Karim pour savoir s'il veut m'accompagner. J'ai failli le faire dimanche dans la grande roue du Navy Pear, puis j'ai reculé de peur de m'impliquer trop dans sa vie, consciente qu'il avait déjà mis de côté d'autres personnes pour moi, à commencer par sa sœur à qui il ment pour me couvrir et ses copines aussi, même si je me doute qu'il rattrape le temps perdu avec elles une fois à Manhattan puisqu'il n'a rien de sérieux.

Effet de VagueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant