B-One.
Vendredi 4 juillet, 4 h du mat'
Matt
– Non !
Je crie en soulevant le rideau rouge et là le spectacle se fige sur place.
– Le petit merdeux veut regarder, lâche l'un d'eux en m'apercevant.
Une fille nue, à la peau d'un blanc laiteux, est étendue sur la table, les cuisses écartées, les poings liés aux pieds en bois torsadé par la cordelette du rideau. Je croise son regard suppliant entre ses mèches de cheveux collées sur son doux visage qui m'implore silencieusement de l'aider. Tous mes membres se mettent à trembler.
– File petit vaurien, me lance un deuxième homme debout entre ses jambes.
Je veux m'approcher, lui sauter à la gorge, et libérer la fille, mais c'est impossible. Je n'ai que dix ans et je suis aussi squelettique que la misère du monde. Je n'ai pas de force. Je suis faible. Tout ce que j'ai est dans ma tête. Il n'y a que là que je suis fort.
– Hey, mais c'est que ça lui plaît à ce petit propre-à-rien, ricane le premier en voyant ma tête.
Pas ma faute, c'est la première fois que je vois une femme nue. Mes pieds sont enfoncés dans le sol aussi sûrement que si on avait déversé du béton brûlant sur mes baskets préférées. Sans détourner le regard de la table, l'homme tire violemment le rideau rouge, me laissant juste derrière.
– Non !
Je ne sais pas pourquoi j'ai crié. Si c'est pour qu'ils arrêtent ou parce que je ne vois plus rien. Je me bouche les oreilles, mais rien n'y fait. Pas moyen d'y échapper. Ils ne me voient plus, ils ne savent même plus que je suis là. J'attends qu'ils aient fini, pétrifié sur place.
Combien de temps.
Lorsque le calme revient et que je l'entends pleurnicher, toute seule, je trouve le courage d'ouvrir le rideau. Ils l'ont abandonnée sur la table sans prendre la peine de la détacher. Elle sent mauvais. Ça me dégoute. Mais je suis incapable de détourner mon regard de ce corps offert à ma vue même si je sais que je devrais le faire.
C'est mal, me dit une petite voix.
Souvent, j'imagine que c'est maman qui parle dans ma tête et me dit quoi faire. Mais il y a quelque chose de beau dans la façon dont la fille me laisse la regarder. Quelque chose de sacré dans ce silence. Ma première femme nue. Ma première érection. Au moins huit centimètres, je suis fier. Elle le comprend et me laisse la déifier alors qu'elle est vulnérable. Je me baisse pour ramasser son tee-shirt et lui essuyer délicatement le sang entre ses jambes.
Le sang de qui ?
– ALEX ! NON...
Ma voix me réveille en sursaut.
Je me redresse d'un coup, tous muscles bandés pour échapper aux griffes de la terreur qui s'agrippent à moi. La douleur dans ma poitrine me donne l'impression d'être pris dans un étau infernal, mon cœur bat trop vite, ma peau est moite. Bon sang. Je m'assoie sur le bord de matelas, épaules voutées, et frotte mon visage entre les mains, le temps que ça passe.
Putain de merde.
J'essaie d'oublier cette peur qui ne partira jamais. Pourquoi je refais ce cauchemar depuis qu'elle est partie ? C'est la troisième fois cette semaine et là, je suis allé au bout. Les cheveux trempés de sueur, je regarde fixement le noir de ma chambre vide jusqu'à ce que l'obscurité se dissipe. Seul. Deux mille m² sur deux niveaux et je suis seul.
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Effet de Vague
RomanceEffet de Vague met en scène un industriel pharmaceutique américain au passé sombre et bien enterré et une jeune avocate pénaliste française de vingt ans, sortie major avec trois ans d'avance de sa promotion dont le rêve est de travailler à la Cour P...