détourner

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"Salut, Harry."

Pas de réponse. Le bip des machines, le souffle de celle qui l'aide à respirer. Je savais qu'il n'allait pas répondre.

"Ca fait 17 jours que t'es rentré de réa. Je compte les jours, je sais que tu trouverais ça ridicule mais je sais pas, j'en sais rien. Je pense que si je les comptais pas, j'aurais plus aucune notion du temps qui passe. On a reçu les cartons. J'ai tout déballé, tout installé. Et si ça te plait pas, on changera tous les deux mais je pouvais pas laisser nos affaires empaquetés. Alors j'ai monté les meubles.. Comme j'ai pu, on va dire."

J'entends mon rire qui résonne dans la chambre. Et je m'assieds sur le bord du lit, je fixe mes cuisses.

"En fait c'est cool. Je pensais que notre chambre allait paraitre toute petite une fois les meubles mis mais en fait ça va. J'ai réussi à tout caser, il reste même un peu de place dans la grande armoire."

Je tourne mon visage vers lui pour regarder le sien. Ses joues creusées, sa mâchoire marquée et ses traits relâchés. Il a l'air tellement paisible comme ça. Comme si il dormait, mais en mieux, sans la peur des mauvais rêves :

"Tu vas revenir pas vrai ?"

Il n'a aucun bandage, aucun plâtre, aucune attelle. Les médecins savent qu'il ne va pas bouger de toute manière. Pas de sitôt. Dans un premier temps à cause de son coma. Et dans un second à cause de l'accident, qui a surement tout foutu en l'air.

"Oui Louis."

Je prends une voix plus rauque pour imiter la sienne et ça ne me fait même pas rire. Je détourne le regard, pousse un soupir, pose ma tête sur sa cuisse et ferme les yeux.

17 jours qu'il est rentré de réa. 21 jours que nous sommes installés dans notre nouvelle vie. 20 jours et une nuit qu'il y a eu cet accident.

Par ma faute.

J'aurais du l'empêcher de boire, ne pas toucher à ce verre, ne pas le laisser repartir, me lever, l'attraper par la main et lui dire non, on rentre maintenant. J'aurais du dire non à cette soirée, non à ce départ, non à son sourire et ses s'il te plait, Lou. C'est juste une soirée, juste une soirée, juste un putain d'accident.

Et maintenant, 20 jours et une nuit après, j'suis là, allongé sur un demi mort. Et même plus sa voix pour me rassurer. J'me sens enfoncé dans une sorte de chaos, de noir total. Comme si y avait plus rien. Plus rien autour, à l'intérieur, le vide complet. Je vis seul dans notre appartement, je viens le voir tous les jours, je mange bois dors à peine. J'ai tout le temps faim mais pas toujours le courage de bouffer et encore moins de me faire à manger. Alors je bouffe des saloperies, Harry me dirait que ça va finir par me foutre en l'air de bouffer de la merde comme ça mais en fait il a rien à dire ce con. Il a pas à ouvrir sa gueule parce que c'est pas moi qui suis dans un lit d'hôpital.

Et la haine remplaça un instant la tristesse.









"Zayn ?

- Je suis dans la salle de bain."

Mes sourcils se froncent, je retire mon bonnet encore pleins de flocon et le pose, au même titre que mes chaussures, sur le radiateur à l'entrée de notre appartement. Ma veste en jean sur le porte manteau, mes mains que je frotte entre elles et moi qui pousse un léger soupir en allant jusqu'à la salle de bain. Porte fermée, lumière allumée.

SinistrésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant