exister

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Des mains qui encadrent mon visage. De longs doigts, une peau brulante. Moi qui m'effondre presque, qui me maintiens en posant mes mains sur les poignets qui s'offrent à moi, qui ferme les yeux, qui souffle, qui baisse la tête.

Le monde tourne la terre tourne l'humanité tourne la ville tourne l'hôpital tourne le couloir tourne et quand j'ouvre les yeux je le vois qui tourne aussi et j'ouvre la bouche mais rien n'en sort et je veux respirer mais rien entre alors je défais mes doigts autour de ces poignets aussi brulants que le contact à mes joues. Et j'ai envie de m'excuser.

M'excuser d'être aussi faible inutile bon à rien de pas savoir quoi faire de paniquer mais il ne se passe rien.

Rien d'autre que le noir, le noir complet.







Notre appartement à moi et Harry. Notre chambre. Et moi qui suis levé, plateau en main, sachet de thé coincé entre mes lèvres, à essayer de surveiller dans le même temps que je ne renverse pas du jus d'orange du verre, que je marche pas sur le bas de mon jogging trop grand et de ne pas me buter dans les portes.

Chaque pièce est emplie d'une délicate odeur de pain chaud et de cannelle. Ce genre de trucs qui te donne envie de vivre, de revivre, qui fout en l'air et au sol et contre le mur les idées noires et combien tu hais la vie. Et ça me fait du bien tout ça. Notre appartement, notre chez nous. Notre cuisine, notre salon, notre table à manger, notre couloir, notre salle de bain, notre dressing, notre chambre tout au bout du couloir et à l'opposé de la cuisine, mais malgré tout empli à cet instant même du délicieux parfum que dégageait le petit déjeuner que j'avais préparé.

Et quand j'entre de nouveau dans la chambre, je pose en silence le plateau sur la table de chevet de mon côté du lit avant d'aller doucement tirer les rideaux pour emplir notre chambre de la douce lumière de ce dimanche matin de plein hiver. Mon côté de lit était toujours marqué, au niveau des draps, de la position que je prenais toujours quand je dormais avec lui. Recroquevillé sur le flanc gauche, en position fœtale, une main sous ma tête et l'autre enfermant mes jambes contre mon ventre.

Le soleil était glacial. Alors je regardais Londres qui s'offrait à nous quelques secondes avant de me tourner vers la masse blottie sous la couverture et marcher lentement jusqu'à elle. Mes pas ne faisaient aucun bruit, je marchais toujours doucement, ce qui n'était pas son cas. Et avec délicatesse je pose mes genoux de chaque côté de cette forme avant de poser mon ventre et le haut de mon torse sur ce que je devine son bras. Il est allongé sur le flanc et ne dit rien du tout, se contentant de bouger sous mon corps pour se mettre sur le dos. Et moi je dégage doucement le haut de la couverture de son visage pour le regarder de mes petits yeux bleus.

Et je retrouve les siens, l'émeraude superbe de son regard, encadrée par ses longs cils et ses sourcils bien dessinés et ses tempes au dessus desquelles s'enroulent ses boucles brunes et son petit sourire du matin, celui qui veut dire qu'il est fatigué, ses lèvres rosées, pleines, bombées et lui qui referme les yeux en soupirant avant de se replier sur lui même, juste assez pour se cacher sous la couverture, jusqu'au nez :

"Ça sent bon.."

Et je reconnais sa voix, son ton, son air, ses traits tirés.

"T'as bu cette nuit ?

- Presque rien.

- Tu t'es levé pendant que je dormais pour.. T'es vraiment pas possible."

Et il rouvre les yeux pour me regarder de nouveau :

SinistrésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant