combler

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Je passe une main dans mes cheveux, je regarde le vide face à moi et je pousse un putain de soupir avant de balancer mon téléphone sur ce qui me sert de bureau, sur lequel est posé la caisse et un ordi toujours aussi pourri.

J'ai beau écrire et réécrire ce putain de message, je n'arrive pas à former une phrase correctement. J'ai perdu. Je n'ai plus les mots. Je ne sais plus parler.

Rien que le commencement est compliqué.

Cher Harry.

Non.

Harold.

Non.

Bonjour Harry.

Non non non et non.

Soupir.

Toujours personne dans ce magasin pourri. Je me lève du tabouret sur lequel je suis posé depuis une bonne demi heure et je pars dans les rangées de vêtements, dans les rayons, dans les rangements, je réorganise et réajuste, réaligne les piles, remet les cintres dans le bon sens, range les colliers et bracelets dans une certaine harmonie de couleur. Je monte à l'étage, je redescends, je remonte et redescend les escaliers, plus vite cette fois. Je tourne les talons, je regarde mes Doc Martens noires dont le bout est usé, pour pas dire foutu. Je passe une main dans mes cheveux, je me dis pour la 11e fois depuis ce matin qu'ils sont trop longs et que je dois les couper. J'attrape mon mug, celui que m'a offert Zayn et je le regarde quelques secondes. Quelle merde quelle merde putain. Je le balance dans la poubelle, me surprend à sourire en entendant le bruit sourd que sa chute fait. Puis je fouille dans le placard sous le bureau pour trouver un vieux mug qui traîne ici alors que la bouilloire fait un léger bruit. Je prends du thé parce qu'il n'y a plus que ça. Mais une bonne bouteille d'alcool me ferait plus de bien.

Harry.

Tout me ramène littéralement à lui.

Je me rassieds sur le tabouret, fixe la bouilloire et je me demande si je vais avoir la patience d'attendre que l'eau se mette à bouillir. Il s'avère que non.

Je compte jusqu'à 30 et je me redresse pour m'accroupir près du mur et verser l'eau chaude dans le mug, avec un petit sachet de thé et une petite dizaines de morceaux de sucre. Je passe une main dans mes cheveux. Je pousse un nouveau soupir. Et je me dis que je devrais vraiment arrêter de faire ça.

Je pose mes fesses sur le tabouret haut et je regarde de nouveau mes pieds, qui ne touchent même pas le sol à cette hauteur. Je regarde mes pieds, ma main gauche posée sur le tabouret, entre mes cuisses et la droite serrant le mug. Je fais le point.



Harry.

Harry et son amour, Harry et sa douceur, Harry et son parfum, Harry et sa chaleur. Rien que d'y penser, ça fait battre mon cœur plus fort, j'me demande si c'est possible que ma poitrine explose sous ces battements. Harry et ses mots, Harry et ses lèvres, Harry et son sourire, ses mains, ses doigts, sa tâche de naissance dans le bas de son dos, sa cicatrice au niveau de sa cheville. Harry et ses sales habitudes, Harry et sa dépendance, Harry et l'alcool. Harry et sa douleur, Harry et son handicap, Harry et son fauteuil, sa haine, sa hargne, son besoin de se défouler et moi qui y passe.

Je perds mon sourire, je regarde mes doigts, je me demande si je vais pleurer.

Je me repasse la scène, je me repasse mon départ, je me remémore mes poignets rougis tellement il les avait serré fort, je me remémore la haine dans ses yeux et je me remémore ses mots qu'il m'avait m'avait craché à la gueule. Je me remémore son odeur d'alcool, je me remémore ses crises de larmes et ses "je t'aime" lancés entre deux insultes.

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