The Brige of Sad Teens [en pause]

6.6; les mots coincés

La boule au ventre, Ambre marche le long des rues. Sa montre affiche dix-neuf heures treize, car l'adolescente a mis du temps à se décider si elle allait ou non au pont. Elle s'est finalement dit qu'elle venait au pont pour Émilie, pas pour Nathan. 

Ce qui s'est passé la tourmente. La cause de la dispute, c'était elle. Ce qui a déclenché l'état de Nathan, c'était elle. Bien sûr qu'il n'allait pas aller mieux en l'espace de quelques jours, ce genre de choses ne se règle pas aussi vite. Pourtant, elle se posait quand même la question. Elle aurait dû s'imaginer que s'il a trou de tristesse creusé depuis des années, c'est évident qu'il ne peut pas le remplir aussi vite.

Elle soupire, en réalité, elle ne sait pas exactement à quoi elle s'attendait. Il aurait pu dire que non, il ne se sent pas mieux, mais Ambre a l'impression de l'avoir poussé en lui disant qu'il devrait essayer quelque chose pour enlever les idées noires. Ce qu'elle a fait n'était pas approprié. Comme elle lui a dit il y a quelques semaines, la tristesse ne représente pas Nathan. Et pourtant, presque à chaque fois que les deux adolescents se voient, ils parlent de l'état de Nathan. Ça ne devrait pas se passer comme ça.

Quand le pont arrive dans son champs de vision, Ambre ralentit le pas et aperçoit une personne familière assise. Ses cheveux noirs ont l'air plus désordonnés que les autres jours et sa tête est baissée alors qu'elle est habituellement relevée, regardant au loin. La jeune fille s'approche du vieux grillage pour l'enjamber et s'installe à une dizaine de mètres du garçon.

Le silence pèse et Ambre se sent mal à l'aise. Elle veut s'excuser, elle veut faire sortir les mots de sa bouche, mais elle n'y arrive tout simplement pas. C'est comme s'ils étaient bloqués dans sa gorge et ils ne peuvent si monter, ni descendre. Elle devrait pouvoir le faire, elle a déjà fait plein de fois auparavant. Cette fois, c'est différent. Les mots sont coincés dans sa gorge et peu importe ce qu'elle dira, elle sait qu'elle ne dira pas de la bonne façon. Elle va sûrement à nouveau une bêtise et la situation va s'aggraver. 

Ce n'est pas ce qu'elle veut, elle veut présenter ses excuses pour qu'il sache qu'elle est désolée, mais ça semble plus difficile que prévu. Bon, elle peut le faire, juste dire pardon et qu'elle n'a pas voulu le mettre hors de lui hier, puis espérer un minimum qu'il comprenne. 

Ambre ouvre doucement la bouche, prête à sortir les fameux mots, puis ferme sa bouche. Elle ne comprend pas. Se sent-elle tellement mal au point de ne pas pouvoir se faire pardonner ? C'est incompréhensible, c'est comme si elle craignait que Nathan se fâche à nouveau et qu'elle avait peur de ne pas savoir quoi faire. Le garçon est tellement déstabilisant, mais elle aurait dû s'en douter. Aider une personne en difficulté n'est jamais facile. Il faut faire attention à ne pas blesser la personne tout en essayant de la réconforter, dire les bonnes choses aux bons moments. 

Le problème, c'est que l'adolescente aux yeux bleus ne sait pas réellement faire ça. Elle est maladroite, dit parfois des choses sans le vouloir et ne trouve pas tout le moment les bons mots. Ce n'est pas facile, elle avoue, mais si elle arrive à aider Nathan, alors elle peut au moins essayer. Elle inspire et expire lentement à quelques reprises, puis laisse sa bouche peu ouverte. 

- Pardon.., articule-t-elle d'une voix basse et tremblante. 

Nathan ne bouge pas les premiers instants, puis sa tête se relève d'environ cinq centimètres pour regarder légèrement sur la droite. Ambre le regarde, incertaine, et il rebaisse son regard. La fille se mord la lèvre inférieure en se demandant ce qu'il se passe. Est-ce fini ? Il en a marre d'elle, elle l'a trop mis en colère, il n'en peut plus, il est mieux seul. Comment Ambre peut-elle douter autant d'elle ? La dernière fois qu'elle a fait ça, c'était avec Émilie. 

Sauf qu'à la place de se demander si Émilie en avait marre de la brune, elle se demandait si la blonde n'avait pas plutôt besoin d'Ambre. Cette dernière s'est souvent demandée si Émilie avait lancé plusieurs appels à l'aide discrètement, mais après, elle se dit que oui, elle l'a fait. Ambre ne l'avait tout simplement pas remarqué. Elle avait des pièces du puzzle qui pouvait l'aider à comprendre la tristesse d'Émilie, mais elle n'avait jamais réellement pensé à les assembler. Pourtant, ça l'aurait tellement aidé. 

Ambre se passe une main dans ses cheveux corbeau et voit que sa montre de la même couleur affiche dix-neuf heures cinquante-et-un. Elle se relève difficilement et enjambe doucement le grillage. Éloignée d'une dizaine de mètres, elle n'a pas besoin de se retourner pour savoir que Nathan ne la regarde pas, donc elle continue son chemin.