4.5; l'absence

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Ambre ferme la porte de la maison, puis descend les quelques marches de l'escalier en faisant de nouvelles empreintes dans la neige peu fraîche. Elle traverse le long des rues tout en silence, laissant ses pensées divaguer. Elle se demande si sa relation avec Nathan ne va pas trop vite. Les deux commencent déjà à se dire ce qu'ils ressentent profondément et la jeune fille a peur qu'un malheur arrive. Certes, elle le connait sûrement un peu plus que beaucoup de personnes à l'école, mais elle ne pense pas le connaître assez pour définir sa situation et ce qu'il ressent.

C'est peut-être pour ça qu'Ambre appréhende. Elle est en train de connaître Nathan, c'est en progression. Il est en train de lâcher quelques bouts de son histoire de temps à autre et l'adolescente espère seulement qu'elle attrapera tous les morceaux à temps pour les assembler et éviter qu'un triste accident arrive.

À la vue du pont si familier, Ambre ralentit le pas. Sauf que cette fois, quelque chose est différent. Il n'y a pas de figure assise sur le rebord comme il y a habituellement. La fille aux cheveux enjambe le vieux grillage et regarde sur la gauche où se trouve généralement le garçon, mais il n'y a personne.

Plusieurs questions s'installent dans son esprit. Pourquoi n'est-il pas là ? Est-il malade ? Est-il en retard ? A-t-il un empêchement et ne peut pas venir ? A-t-il... sauté ? Un nœud se forme dans le ventre à l'adolescente. Il ne peut pas avoir sauté, ce n'est pas possible, elle refuse de croire ça. Elle regarde en direction de l'eau qui s'agitent doucement et elle n'y voit aucun corps. Il n'a pas sauté, ça ne se peut pas. Pas encore. Il l'aurait prévenue, il n'aurait pas fait la même chose qu'Émilie. Ambre tient sa tête avec ses mains et s'assoit sur le rebord du pont. Il a sûrement un empêchement, c'est sûrement ça. Elle enlève sa main gauche pour vérifier l'heure sur sa montre, dix-neuf heures vingt huit.

Il devrait être là, à quelques mètres d'elle, en train de raconter ce qui ne vas pas dans sa vie. Pourtant, il n'y a personne et Ambre sent un vide, comme s'il occupait une place dont elle ignorait l'existence. Peut-être que le fait de parler de ses problèmes avec quelqu'un et de discuter sans prononcer un seul mot permettait à Ambre de se libérer et se sentir mieux. Sa tête commence à lui faire mal et elle se force à croire qu'il n'a pas sauté, il ne peut pas, il ne doit pas. Elle soupire, puis ferme ses paupières pendant plusieurs secondes. Quand elle les rouvre, elle observe les douces vagues s'onduler et se force de ne pas penser à Nathan. Ses pensées dérivent vers Émilie, mais elle tente de faire aussi disparaître cette pensée.

Ce soir, elle souhaite ne pas penser à quelque chose de positif. Comme le texte qu'elle a écrit pendant un cours ennuyant ou son mascara qu'elle a appliqué facilement et sans déborder ce matin. C'est ça, des choses positives. Ambre ignore si ça va la permettre de passer au-dessus d'Émilie, mais pour l'instant ça fonctionne. 

Elle ne veut pas oublier la blonde défunte, elle veut seulement se rappeler de cet événement sans que ses yeux s'humidifient et que sa gorge se serre. Elle veut pouvoir en parler aux autres en tant qu'événement du passé qui lui a pris du temps à s'en remettre, mais qui lui a permis de surmonter une épreuve de la vie et d'en sortir plus forte.

L'adolescente brune regarde rapidement l'heure affichée sur sa montre noire, dix-neuf heures quarante neuf. Un soupir sort de ses lèvres et se relève doucement, puis enjambe le petit grillage. Pourquoi faire un grillage aussi facile à enjamber ? Ambre ne connaîtra sûrement jamais la réponse et ça ne la dérange pas. Quand elle s'éloigne d'une dizaine de mètres, elle se retourne comme si Nathan allait sortir de nul part. Sauf qu'il n'y a personne. Elle se retourne à nouveau et marche en direction de chez elle.



The Brige of Sad Teens [en pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant