4.1; la lettre

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Ambre marche doucement dans les rues de la ville pratiquement désertes avec les lampadaires éclairant son chemin. En ce mois de novembre, l'air se rafraîchit petit à petit et elle pense que la neige ne va pas tarder. À la vue du pont, elle ralentit progressivement son pas, jusqu'à s'arrêter net devant le petit grillage. Elle l'enjambe rapidement, puis s'assoit à une distance d'environ cinq mètres du garçon.

Cette fois, aucun ne parle et l'adolescente apprécie le bruit de l'eau se remuant délicatement. Elle laisse son regard bleu clair se fixer sur les douces vagues et elle se sent attirée par elles.

- Tu n'es pas obligée de répondre, commence le garçon, brisant le silence, mais qu'avait marqué Émilie dans sa dernière lettre ?

La jeune fille détache son regard de l'eau claire et regarde le garçon ayant les yeux de la même couleur.

- En résumé ou le texte en entier ?

- Comment ça «le texte en entier» ? Tu le connais par coeur ?

- Presque, admet-elle doucement.

- Eh bien, je suis curieux.

- Je vais pas te le réciter, mais je préfère te le dire à la troisième personne.

- Comme tu veux. Juste, si tu n'as pas envie ou autre, ne te force surtout pas, dit-il.

Ambre secoue la tête de gauche à droite, comme pour dire que ça ne la dérange pas.

- Elle a commencé à s'excuser, comme quoi elle voulait rester, elle vraiment rester, mais elle ne pouvait tout simplement pas. Elle dit que les idées noires sont venues lui hanter l'esprit depuis un bon moment et parfois, il suffit d'une journée, d'une heure, d'une minute ou d'une seconde, pour que ce soit de trop et que tout s'écroule. Elle a réécrit la lettre une, deux, trois et même sept fois avant de garder cette version. Elle insiste sur le fait que ce n'est la faute de personne et même si je ne la crois pas personnellement, elle insiste réellement. Elle explique qu'elle ne se sentait pas vraiment à sa place, parfois, elle se sentait de trop. Elle a réfléchi un nombre incalculable de fois avant de choisir sa façon de partir. Elle ne voulait pas se couper les veines, car elle ne voulait pas que ses parents nettoient le sang derrière elle. Elle ne voulait pas avaler des médicaments avec une tête de mort, car elle ne voulait pas risquer de rater son coup et d'aller à l'hôpital pour un lavage d'estomac. Elle ne voulait pas se tirer dans la tête, car, eum, elle ne savait pas comment se procurer une arme. Elle a finalement opté pour le pont, car quand elle se penchait au dessus des vagues, ces dernières semblaient si... si tentantes, qu'elle disait à tout prix vouloir les, euh, rejoindre.

La jeune fille renifle un coup et quelques larmes dévalent ses joues si pâles.

- Pardon, dit-elle doucement.

- Non, c'est moi qui suis désolé, répond-t-il. Je n'ai pensé pas que ça pouvait te rendre dans un tel état, j'étais juste curieux... Désolé.

- Ce n'est rien. Dans un sens, j'ai apprécié en parler, car ça fait tellement longtemps que j'y pense. Il fallait que j'en parle pour me libérer et avancer.

Nathan hoche la tête, comprenant ce qu'elle veut dire. Quand il a parlé de sa mère hier, ça l'a aussi libéré.

- Merci de m'avoir fait partager ça.

Ambre sourit faiblement et essuie ses larmes avec la manche de son manteau noir. Ils ne disent plus rien après ça et elle continue à essuyer ses yeux jusqu'à que les larmes se semblent plus couler. Rapidement, elle regarde sa montre et remarque qu'il est bientôt vingt heures.

Elle se relève délicatement et comme d'habitude, regarde le garçon après avoir enjambé le grillage. Ce dernier lui fait un faible sourire et elle lui fait de même avant de renifler un dernier coup et rentrer à la maison.

The Brige of Sad Teens [en pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant