- Je n'ai pas compris. Explique-moi s'il te plaît !Surprise, je lève les yeux de mon écran et croise ceux de ma soeur. Elle se tient debout, au pas de ma porte, appuyée contre. D'un geste las, elle passe sa main dans ses cheveux et me désigne son livre de mathématiques tenu contre elle. Elle lève les sourcils d'un air interrogateur et suppliant à la fois.
Emilie vient souvent me demander de l'aide, et moi, je fais de mon mieux pour lui expliquer. Qu'importe la matière, elle passe habituellement chaque soir de semaine dans ma chambre, un nouvel exercice inconnu à ses yeux, ou bien parfois elle sait y répondre, mais elle aime s'installer à côté de moi pour que je sois là en cas de besoin. Ma mère me remercie souvent de remplir mon rôle de "grande soeur" comme elle dirait. Je n'appellerais pas ça comme ça, mais je sais que si j'avais eu une grande soeur, j'aurais aimé pouvoir me tourner vers elle pour chercher du soutien, aussi moral soit-il que scolaire. Emile est intelligente, elle est forte à l'école, elle a de bons amis, est appréciée. Elle a le niveau pour faire des études supérieures. Mais ça n'empêche pas qu'elle vienne me voir, où s'asseoir à côté de moi pour avancer silencieusement ses devoirs ou révisions. Ça se termine parfois par le fait qu'elle s'endorme avec moi, quand nous veillons tard, chacune de notre côté.
- Montre.
Je lui fais signe d'entrer et elle s'agenouille sur mon lit, à côté de moi. Je mets mon film en pause et l'écarte de mes genoux, en retirant mes écouteurs des oreilles. D'un geste furtif, je lui prends le livre des mains et me positionne contre le mur, les jambes ramenées vers moi. Emilie pose son doigt sur l'exercice en question et me sourit comme pour formuler une demande silencieuse. Je lis donc l'énoncé et me mords la lèvre inférieure. Ah, les mathématiques, même si j'ai déjà passé l'année scolaire d'Emilie, ça n'a pas été mon point fort. En plissant des yeux, je tente de formuler une explication rationnelle pour l'aider à comprendre comment raisonner et arriver à la résolution finale. J'effleure la page de mon doigt sous les mots pour mieux me concentrer et soupire. Emilie s'approche et pose sa tête sur ses genoux en attendant tranquillement que je me mette à parler. Je tapote nerveusement la page et hoche de la tête, comme si je me mettais en accord avec moi-même. D'un mouvement en l'air, je lui explique clairement comment moi je vois la résolution.
- Ok, alors dans cet exercice, il fait que tu trouves la valeur de x dans chacune des situations a), b), c), d) et e). Il faut d'abord que tu choisisses de quel côté tu trouves préférable de garder ton inconnu, et simplifier les calculs. Prenons le a). Distribue ces chiffres-ci pour supprimer les deux parenthèses, en prenant garde à ne pas te tromper dans les signes.
Emilie hoche de la tête et débouche son stylo pour écrire le début du calcul. Je suis les traits d'encre des yeux, en attendant la suite. Elle continue alors d'elle-même l'exercice et je la corrige en cas de fautes. Elle m'adresse un sourire de remerciement quand elle écrit le dernier chiffre de l'exercice, et ferme son cahier et son livre, son stylo dans sa trousse, le tout contre elle, et sort de ma chambre.
Je la suis du regard jusqu'à ce qu'elle disparaisse de mon champ de vision et reprends mon ordinateur devant moi. J'appuie sur la touche espace et le film continue.
Une heure plus tard, alors que j'éteins l'appareil et range le tout, je remarque que j'ai un message de mon père. Surprise, le ventre noué, j'hésite à le lire ; il va me faire pleurer. Je m'assieds sur mon lit. En respirant profondément, je déverrouille mon téléphone et le lis. Des larmes coulent lentement sur mes joues. Puis je le repose violemment sur mon lit en clignant des yeux pour chasser les quelques larmes qui s'y nichent. Et voilà, je m'y attendais ! Un message pour s'excuser une fois de plus... Toujours de mauvaises nouvelles. Jamais il ne m'a appelé, ou envoyé un message pour me prévenir de son arrivée. Lorsque c'était le cas, il passait la nouvelle par l'intermédiaire de ma mère. Les seuls messages enregistrés sur mon téléphone sont ceux de ses excuses. Je les efface régulièrement pour ne pas les relire. Ça me fait de la peine de ne le voir que deux fois, et avec chance parfois trois, par année. Je déteste me plaindre sur mon sort, c'est bien pour ça que je garde tout ça pour moi. Je finis par m'endormir mon téléphone à la main.
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Contr-adiction
Teen Fiction#EXTRAIT " − De toute manière tu ne crois en rien Alsa. − Pas en rien. Mais à l'amour véritable qui te fait perdre la tête. C'est de la comédie. Les gens veulent juste pimenter leur couple en simulant une folie dûe à l'amour. Au fond, peut-être que...