Contr-adiction

11.

- Alors pourquoi t'as été lui répondre quand il m'a traité d'animal de ferme ?

J'ouvre la bouche, surprise, ne m'attendant en aucun cas à cette question. Je reste une fraction de seconde ainsi avant de la refermer dans un claquement sec. Carla me fixe de son air inquisiteur, une lueur agacée dans les yeux. Elle fronce des sourcils en attente d'une réponse. Je soupire et me redresse sur le dossier de la chaise. En croisant des bras, je lève les sourcils.

− Parce que...

Ça me fait mal de m'excuser, et connaissant Carla, ce doit être parfois pareil pour elle. Mal dans le sens que ça m'est difficile. Toutes les deux on déteste mettre notre fierté de côté, même pour un problème mineur. Je la dévisage d'un air hésitant. Elle tapote sur la table de ses doigts, visiblement impatiente. Elle a l'air de n'avoir pas beaucoup dormi, je remarque en observant son visage aux traits tirés. Ses yeux sont un peu gonflés, et elle a des cernes. Qu'a-t-elle fait cette nuit ? Je veux lui demander... Mais d'abord, il va falloir que je finisse cette phrase déjà dite dans ma tête.

− Parce que tu es ma meilleure amie et je ne peux pas laisser passer une remarque comme ça, soupiré-je finalement, en esquissant un bref sourire.

Carla ouvre les yeux, surprise mais se reprend. Elle sourit d'un air moqueur.

− En gros, je n'avais pas le droit de réagir face à ses remarques mais toi si? Florent lui-même m'a servi une explication plus rationnelle. Il m'a reproché mon caractère de merde et m'a dit de ne plus réagir comme ça. Mais toi... (elle se mord la lèvre en levant les yeux au ciel pour ne pas rire) Toi, tu me reproches d'avoir mal répondu alors que tu as fait de même, et tu me sers comme excuse que c'est parce qu'on est amies? C'est la pire excuse que j'ai entendu de ta part.

Je secoue la tête, ne sachant que répondre. Elle rit doucement, et je n'arrive pas à discerner si elle est toujours en colère ou pas. Ses sourcils restent froncés et elle ne me sourit pas. Elle dissimule son humeur comme régulièrement, et ça m'énerve de ne pas savoir. En fait, je vais laisser tomber. La pire excuse... est-elle si mauvais que ça ? Je souris pour moi-même en me disant qu'on dirait les disputes entre Florent et elle. Je ne me suis pas excusée car je n'en ai pas besoin, on va voir comment la discussion continue. Je l'entends souffler.

− OK, Carla, je vois qu'il n'y a rien à ajouter. Excuse de merde ou pas, c'est comme ça.

Elle hoche de la tête sans ajouter un mot. On ne dit rien jusqu'à ce que Muriel revienne et prenne la chaise devant elle. D'un air heureux mais à la fois hésitant, elle lance d'une voix assurée :

− Bon allez, on oublie tout ça, on sourit les enfants! Je veux vous voir les deux demain soir, Jordan organise à nouveau une soirée, mais attention, celle-ci sera spéciale.

Je lève lentement les yeux vers elle, en plissant les yeux. Elle nous fixe les deux tour à tour puis, en s'assurant qu'elle aie notre attention, elle nous sourit, fière d'avoir réussi à nous rendre attentives.

− Demain soir, c'est soirée mousse. Vous connaissez, on y a été chez quelqu'un d'autre l'an passé, mais c'est la première fois que Jordan l'organise. Mais il a décidé de rajouter un petit plus, à part la piscine, l'eau, les projecteurs, la musique...

Elle s'interrompt pour nous dévisager. Je me demande comment elle est déjà au courant, nous n'avons reçu aucun message ou aucune notification sur cette fête, d'habitude il poste un message préventif sur Facebook. D'un air surpris, j'attends la suite de son monologue. Elle passe sa main dans les cheveux, puis la pose devant elle, sur notre table.

− Hm, dit Carla après un silence. Pas mal comme idée...

Elle hausse des épaules et acquiesce, puis me regarde. Je ne sais même plus si nous sommes encore fâchées, mais je ne vais pas cherchée plus loin. Je crois que la meilleure façon est de laisser passer. Autant oublier cette dispute tellement enfantine à vrai dire... Haha, je pourrais presque en rire. Je croise son regard et souris, approuvant.