Chapitre 11 - Sur l'échiquier de sa vie

336 22 14
                                    

(Extrait de la chanson "La Superbe" de Benjamin Biolay)

---

« On reste Dieu merci à la merci d'un sacrifice,
D'une mort à crédit,
D'un préjugé né d'un préjudice,
Le soleil s'enfuit,
Comme un savon soudain qui glisse,
Quelle aventure, quelle aventure... »

Baekhyun s'était assis dans la douche, à même le carrelage froid. L'eau chaude ruisselait sur sa peau, suivait la forme de son corps nu avant de couler jusqu'au caniveau. Il avait déposé la tête contre le mur et ne pensait à rien. Il était vide. Il ne ressentait rien, ni la douleur, ni le soulagement. Sa peau nue avait rougi sous le jet d'eau mais il ne s'en souciait pas. Il avait simplement besoin de rester là sans rien faire, sans rien dire, rester là et ne pas devoir s'expliquer. Chanyeol n'allait pas tarder, de toute manière. Il ne regrettait rien. Il ne s'en voulait pas d'avoir réagi ainsi face à Minseok même si quelque chose en lui s'émouvait. Il aurait vraiment voulu ne pas en arriver là.

Sa chevelure était trempée. Son regard fatigué et bouffi se posa vers la fenêtre de la salle de bain. Les larmes avaient cessé. Maintenant ses yeux n'étaient plus que douloureux et rouges. Il décolla son crâne du mur, baissa la vue sur son corps, sur ce qu'il était et sur ce qui le composait. L'impression de saleté constante ne l'avait jamais quitté. Cette peau, qui enveloppait son corps, cette peau était maculée de taches, de saletés. Mais cette peau ne se renouvelait plus. Elle restait la même. Sa chair était marquée, comme des morsures dont on voyait les vilaines traces. À l'intérieur des cuisses, il avait plusieurs cicatrices, des vrais, pas des abstraites que son regard faussé lui infligeait. Des petits ronds blancs, quatre ou cinq. Il passa un doigt dessus, comme si ce geste allait les effacer. C'était les cicatrices de brûlures de cigarettes. Peau sensible sur laquelle on avait éteint des cigarettes consumées. Il ne les avait pas faites lui-même, il ne s'était jamais mutilé.

Son regard remonta sur son corps, vers le bas de son ventre. Il prenait chaque parcelle de peau à la loupe. À cet endroit, les cicatrices de la mutilation au cutter. De nombreux traits parfois au même endroit, jusqu'à former un nombre entier. « 76 ». Heureusement, la cicatrice s'était beaucoup atténuée. Elle n'attirait plus autant son regard qu'avant. Les hématomes de l'incident avec Minseok avaient presque entièrement disparu, eux. Il avait aussi une vilaine cicatrice sur la tranche de la main, survenue un jour où il avait dû se cacher dans le coin d'une pièce. Il appelait cela une pièce, mais ce lieu avait servi de chambre. Une des chambres d'une maison isolée, dont Baekhyun ne connaissait pas l'adresse. Il ne savait toujours pas où elle s'était trouvée. Elle avait été bien choisie. Elle était très discrète, très seule, avait l'apparence d'une maison quelconque. C'était tout ce qu'il savait à son sujet. Pendant un an, il n'en était jamais sorti. On venait à lui, pas le contraire. Il y avait vécu avec plus ou moins huit autres adolescents, il ne se rappelait plus exactement. Il ne voulait pas se souvenir. Le jour où il s'était fait cette blessure, il l'avait retenu. La chambre était en mauvais état, le parquet avait tendance à se défaire, il y avait de nombreuses échardes épaisses et pointues qui ressortaient du bois. Il n'y avait pas de meubles exceptés les deux ou trois matelas au sol. Ce jour-là, Baekhyun avait pris peur et s'était isolé dans un coin de la pièce. Les autres adolescents ne se trouvaient pas dans la même pièce que lui, un peu dispersés partout de la maison. Il avait pris peur et avait refusé de bouger de là. Le client s'était impatienté et il l'avait pris par le poignet. En le tirant, Baekhyun s'était enfoncé un morceau de bois dans la tranche de la main.

Il avait un peu appris, au fil du temps, ce qui se passait réellement. Il avait compris que ce n'était pas la seule maison. Il était le numéro 76. Il y en avait donc sûrement d'autres. Pour chaque demeure, il y avait deux hommes et même une femme responsables. Baekhyun se rappelait bien son visage parce que cela l'avait marqué, de voir soudainement un visage féminin et mature au beau milieu d'un monde obscur. À un certain moment, il s'était douté que cette femme se trouvait là pour s'occuper des autres filles. Un des deux hommes venaient aussi parfois pour voir comment ils allaient. Ce n'était rien de tendre, rien de très soucieux, c'était simplement une sorte de routine. Comme un éleveur de cochons qui contrôlait la santé de ses animaux avant de les envoyer à l'abattoir. Si un des adolescents était blessé, on le soignait quand c'était possible. Quand Baekhyun s'était fait cette blessure à la main, « Silence » était venu s'en occuper, spécialement. La plaie s'était infectée et il lui avait fait les soins nécessaires. Il lui avait également fait une injection, qui l'avait longtemps inquiété. Maintenant il savait que cela avait dû être un vaccin contre le tétanos ou quelque chose comme cela.

Envol d'un papillon de nuit [TOME 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant