Chapitre 12 (partie 1) - Montre tes mains

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(Poème de Baudelaire, "Tu mettrais l'univers entier dans ta ruelle", que j'ai légèrement modifié pour qu'il s'adresse à un garçon et non pas une femme.)

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« Tu mettrais l'univers entier dans ta ruelle.
Garçon impur ! L'ennui rend ton âme cruelle.
Pour exercer tes dents à ce jeu singulier,
Il te faut chaque jour un cœur au râtelier.
Tes yeux, illuminés ainsi que des boutiques
Et des ifs flamboyants dans les fêtes publiques,
Usent insolemment d'un pouvoir emprunté,
Sans connaître jamais la loi de leur beauté. »

{ Trois mois plus tard. }

Les rayons de soleil étaient faibles et la brume matinale épaisse. Il entendait des bruits, incessants, le bruit des vagues ou peut-être celui de la foule. Assis sur le bord de son lit, habillé et immobile, les yeux fermés, il écoutait. La pièce était silencieuse, dénuée de paroles et de regards. Des regards, il n'y en avait plus. Il regardait le sol, le bout de ses chaussures. Il n'y en avait plus car c'était devenu trop fatiguant. La fatigue, seul mot qui lui traversait l'esprit depuis quelque temps maintenant. Seul mot qui lui semblait adapté à la situation. Ni plus, ni moins.
Le bruit devint soudainement plus clair, les voix, les très nombreuses voix. La porte de la chambre se referma, on avança calmement vers lui, puis prit son crâne entre les mains et le posa avec douceur contre un torse. Il se laissa faire. Il s'était calmé, entre-temps. Après avoir usé de ses rares forces à crier et à jeter les objets dans la pièce, il s'était calmé. La silhouette ne le regardait pas, ne faisait que garder sa tête contre son torse, debout. Et lui, il ne bougeait pas. Contre son oreille, il entendait le battement régulier de son cœur, calme et apaisant, venant remplacer le bruit des voix qui résonnait, en bas de l'immeuble, dans le couloir. Un cœur qui battait pour lui, avec sérénité, avec tendresse. Ses cordes vocales étaient immuables, pas moyen de sortir un son de sa gorge à présent, alors il se concentra sur cette pulsation sourde, comme recouverte de velours. Il compta dans sa tête. La main sur son crâne était chaude.

- Tu es prêt ?

Il ne répondit pas. Chanyeol s'accroupit. Il ne le regardait pas, il ne l'y força pas. Il prit le foulard plié sur sa droite et l'entoura délicatement autour du cou de Baekhyun. Les traces de mains et de doigts à présent orangées disparurent derrière le tissu. Les blessures à son visage avaient presque complètement cicatrisé. Ses lèvres étaient sèches et gercées. Il lui posa un baiser sur la commissure, faisant attention de ne pas lui faire mal. Il s'empara ensuite du masque en tissu posé sur la gauche et le lui mit convenablement sur le visage. Sur la table de chevet étaient disposées les cartes lui souhaitant bon rétablissement. Des inconnus, mais pas que. Les fleurs avaient été remises en place après avoir été valsées à travers la chambre d'hôpital. Chanyeol ne lui en voulait pas. Il l'aida à mettre la capuche de son pull, laissant ses yeux à peine visibles. Sur lui, le pull paraissait bien trop grand et le pantalon flottait autour de ses cuisses. Il fixait ses chaussures. Chanyeol se leva, Baekhyun saisit sa main, presque par réflexe.

- On nous attend en bas, dit Chanyeol.

Il serra sa main en retour, remonta son col et frappa une fois contre la porte, indiquant à l'agent de police devant la porte qu'ils étaient prêts. La porte s'ouvrit et ils s'avancèrent aussitôt vers l'ascenseur. Ils se serraient la main comme jamais. Le policier appuya sur le bouton pour le rez-de-chaussée et les bruits s'amplifièrent considérablement. Le cœur de Baekhyun se mit à battre la chamade. Dans un sac Chanyeol gardait tout le matériel médical dont il avait besoin. D'une main, il tenait son col pour camoufler son visage, de l'autre il tenait fermement sa main. La porte de l'ascenseur s'ouvrit et les flashs les éblouirent sur-le-champ. Les voix devinrent bruyantes, hectiques, intenses. Baekhyun chancela brièvement, la main de Chanyeol lâcha la sienne pour passer son bras autour de sa taille. Les voix étaient assourdissantes. Une foule de journalistes inondait la réception de l'hôpital jusqu'au trottoir. Des agents de police les aidèrent à se frayer un chemin à travers la masse et le chaos des questions. L'endroit était noir de monde. Les appareils photo les immortalisèrent, les micros se tournèrent vers eux. Baekhyun leva le regard, le visage livide à peine visible sous la capuche et le masque. Il avait l'impression que tout s'arrêtait autour de lui. Il sentait le bras de Chanyeol serré fermement autour de sa taille, qui le soutenait, l'incitait à avancer, et le son des voix, sourd, à peine audible. Il regardait autour de lui, au ralenti. Il rencontrait les regards, les hommes, les femmes qui parlaient à toute allure, le regard figé sur lui, lui tendant un micro que les agents s'empressaient de repousser. Il cligna des yeux, une fois, deux fois. Les voix, les flashs, les mouvements, les regards, tous sur lui, comme mis à nu malgré la capuche, le masque, le foulard, le pull, tout ce qu'il portait. Par réflexe, il porta les mains au visage. Ils furent brièvement bousculés, puis la portière de la voiture de police fut ouverte, ils s'assirent, la portière fut claquée derrière eux et le son s'atténua. Les gens s'attroupèrent autour, tentèrent de percer ce mur de silence qui entourait Baekhyun. Les vitres étaient teintées, il les observa. La voiture démarra et la foule s'écarta. Des motos s'ajoutèrent à celles de la police, devant et derrière la voiture. Chanyeol ne l'avait pas lâché. Ils roulèrent calmement.

Envol d'un papillon de nuit [TOME 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant