Dans la cabine de pilotage, Franck somnolait enfin. Le commandant Léoret jetait vers lui un regard paternel et bienveillant. « Il est bon ce petit, » pensait-il, « il ira loin. Ce sera un grand commandant de bord ! »
Devant lui, une étoile filante passa et Richard décida d'interpréter l'événement comme un bon présage. Tout était calme et il ne devait pas y avoir plus d'une dizaine de personnes éveillées dans l'appareil. Il était exactement 3h17.
La boîte noire de l'avion cessa ces enregistrements à 3h32. L'enquête n'élucida jamais la raison du crash. Les enregistrements de bord ne furent jamais retrouvés, perdus au fond de l'Atlantique.
À 3h18, un bruit épouvantable réveilla les passagers. Alistair, de son point d'observation put voir clairement le réacteur externe exploser, transperçant d'une éclatante boule de flamme la noirceur épaisse de la nuit. Un cri de métal déchiré suivit immédiatement la déflagration et Alistair vit l'aile du 747 se rompre en plein milieu et l'extrémité tomber dans un tournoiement de feu. Aussitôt, l'avion, majestueux pélican d'acier, dont l'aile gauche apparaissait comme un moignon sanguinolent, piqua en gîtant sur la gauche. D'abord faible, l'inclinaison ne tarda pas à s'accentuer. Les cris des passagers, surpris en plein sommeil, envahissaient l'habitacle. La plupart, n'eurent même pas le temps de comprendre ce qui se passait. Ils furent éjectés de leur siège par la violence et l'ampleur de l'inclinaison et vinrent s'écraser sur les fauteuils et les coffres de la partie gauche de la carlingue.
Dans le poste de pilotage, Franck se redressa aussitôt et jeta un regard paniqué vers son commandant. Ce dernier avait déjà saisi le manche et tentait tout son possible pour maîtriser le Boeing. Ils savaient tous les deux que c'était impossible. Richard Léoret modifiait les poussées des réacteurs restant et tirait sur le manche de toutes ses forces, mâchoires crispées.
Témoin privilégié de l'explosion, le premier réflexe d'Alistair avait été de boucler sa ceinture et de redresser son siège. Surpris lui-même par son calme et son détachement, l'opération lui avait pris moins de trois secondes. Puis, toujours aussi calme, il s'était affairé à boucler la ceinture de Daniel qui, s'étant profondément rendormi, mettait quelques secondes à réagir. Le cerveau d'Alistair travaillait à cent à l'heure, il avait suivi les consignes au décollage et vérifié la présence du gilet de sauvetage sous son siège. Il le tira et le posa sur ses genoux. Par réflexe, il prit la position de crash en se servant du gilet comme oreiller. Ce faisant, il hurla à Daniel de faire la même chose.
Son compagnon n'était pas homme à paniquer facilement, pourtant, il sentit que l'horrible bête noire de la terreur commençait à s'insinuer dans les méandres de son esprit. Daniel secoua la tête comme pour se débarrasser de l'animal. Puis, aussi calmement que possible, mais ses mains tremblaient, il vérifia la fermeture de sa ceinture et sortit le gilet de sous le siège. L'inclinaison de l'appareil ne laissait maintenant plus aucune chance à ceux qui n'avaient pas encore attaché leur ceinture. Même les passagers qui avaient eu le vain réflexe de se cramponner à leurs accoudoirs devaient lâcher prise et commençaient à être violemment extirpés de leur siège et propulsés vers l'avant dans une multitude de sacs, trousses et autres objets plus ou moins contondants échappés des coffres ouverts et des armoires de l'équipage. La ceinture cisaillait les ventres des chanceux qui en avait une et qui, oubliant même la posture de crash, poussaient de toutes leurs forces sur les dossiers de devant, engageant une lutte sans merci contre les lois de la gravité.
Dans cette atmosphère de panique, Alistair restait toujours aussi calme, comme anesthésié. La partie rationnelle de son esprit estimait qu'en temps normal, il aurait certainement cédé à la terreur la plus pure, mais là... non, rien. Il était résigné à son sort ou confiant en sa bonne étoile, lui même ne savait pas vraiment. À moins qu'être le seul témoin des origines de leur situation actuelle soit une explication plausible ? « Non, » décida-t-il, « c'est ridicule ! » Sortant de son introspection, il risqua un coup d'œil vers Daniel. Il semblait devoir garder son calme, lui aussi, mais ses mâchoires serrées, ses articulations blanchies sous la pression de ses mains, ses yeux fermés et sa respiration courte indiquaient clairement qu'il luttait pied à pied contre la panique.
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Magies et Fascination
Fantasy"Ses ongles étaient sombres, mais il ne s'agissait pas de vernis. Il replia les deux doigts du milieu et traça quelques signes dans l'air, tandis que d'étranges paroles s'échappaient de ses lèvres. Aussitôt, un serpent d'énergie se matérialisa et s...