Lystair regarda autour de lui, encore une fois, le paysage printanier que lui offrait la prairie. Grâce aux révélations de Laqkem, il sut ce qui l'avait gêné la veille. La campagne était réellement vierge et aucun fil électrique ne venait barrer la vue. Le ciel était clair et aucune trace blanche, laissée habituellement par les avions, ne zébrait le bleu éclatant des cieux. Il se souvenait de ses promenades dans la campagne française et, quel que soit l'endroit, il fallait toujours que le regard se porte sur une ligne de poteaux de bois, de béton ou d'acier reliés par un faisceau de fils électriques ou téléphonique. De même, il était rare qu'en levant les yeux vers le ciel, il n'ait pas aperçu soit un avion, point minuscule très haut, soit les traces de son passage, longues traînées blanches plus ou moins larges. « Quel que soit ce monde, » pensa-t-il, « il doit être assez éloigné de l'ère technologique ». Lystair était habitué à son confort et ne crut pas être capable de vivre très longtemps dans une époque prétechnologique. Par analogie avec le moyen-âge européen, il comprit l'état physique de Laqkem et son évident manque d'hygiène. Lystair se souvenait de ses cours sur la cour de Louis XIV à Versailles. Il se rappelait la description de la splendeur de l'époque, mais aussi de l'aversion quasi maladive de ces gens pour l'eau. Il se remémorait des histoires sur le poudrage des cheveux, l'aspersion de parfums et frissonna en imaginant l'odeur qui devait régner aux côtés du monarque, mélange de crasse, de sueur, de arômes multiples et d'autres fragrances peu ragoûtantes.
Lystair, après avoir vu Laqkem, estimait que ce monde n'en était tout de même pas là. Cependant, il doutait fort que ces habitants prennent une douche par jour. « Qu'importe, » pensa-t-il en haussant les épaules. « Je pars ! »
Redevenu Alistair, il leva les deux mains, formant la fourche à gauche et le trident à droite. Il se concentra quelques instants, cherchant à maîtriser les flux noirs de sa senestre, puis il y adjoint les flux blancs, portés par sa dextre. De la même manière que chez Daniel, il ne s'agissait pas d'élaborer un sort complexe et encore moins un rituel. Cela était parfaitement impossible en utilisant les deux flux magiques, la gestuelle et les paroles étaient par trop différentes entre les deux types de magie. Non ! comme pour repousser le bélier de Daniel, il lui fallait simplement user des flux dans leur forme la plus brute : en tant que force pure. Il s'agissait là du premier entraînement que doit accomplir un novice, et c'est ce qu'il avait utilisé pour déplacer ses verres à Avalon et pour briser ses briques à la Tour Sombre. C'était le B. À. BA de la magie et seule la volonté intervenait dans l'exercice. Son double enseignement en magie lui avait donné l'idée de mêler les énergies pour repousser l'attaque de Daniel. Jamais, dans l'histoire de la magie, il n'y eut de novice « double » avant lui. Sans doute n'y en aurait-il plus jamais.
Alistair regarda, avec plus d'attention, cette fois, les flux se mêler et s'épouser. Il n'eut pas longtemps à attendre avant que le phénomène ne se reproduise. Les deux flux se fondirent l'un dans l'autre et une sphère grise apparut. Elle se mit à croître, lentement, absorbant sur son passage les flux noirs et blancs. Alistair regardait la sphère gagner du terrain vers lui avec autant d'impatience que d'appréhension. Lorsque le globe fut sur lui, il ferma les yeux et se prépara au choc du transfert. Il y eut bien un choc, mais pas celui qu'il attendait. Il fut projeté vers l'arrière, repoussé par l'énergie grise, laquelle avait pris la consistance du caoutchouc. Alistair ouvrit les yeux, incrédule. Il se jeta littéralement sur la masse grisâtre, espérant en forcer le passage. Il rebondit sur la surface avec un bruit mou. Il se relevait lorsque la sphère se mit à rétrécir, rapidement. Une dépression se créa et Alistair se vit soulevé du sol, aspiré vers l'énergie grise. Une dernière fois il prit contact avec la surface du globe. Il avait perdu sa consistance plastique pour se durcir. Le choc fut violent et Alistair en fut quelque peu sonné. Lorsque l'effet de succion s'arrêta, il retomba sur le sol, juste sous la sphère qui commençait à luire avec éclat. Sa vision était brouillée par le choc et sa tête tournait un peu. Il put cependant voir la fin du phénomène magique. Lorsque le globe fut aussi brillant qu'une ampoule halogène et qu'il eut atteint la taille d'une boule de bowling, une fissure apparut en son sommet et s'ouvrit, suivant un méridien. Alors, comme une baudruche qui éclate, la peau lumineuse se rétracta vers le bas tandis qu'une bulle d'énergie magique originelle commençait à s'élever dans les airs. L'enveloppe fut dissoute avant de toucher la terre, et la boule d'énergie originelle commença bien vite à perdre sa forme ronde pour se disperser au gré des courants magiques.
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Magies et Fascination
Fantasy"Ses ongles étaient sombres, mais il ne s'agissait pas de vernis. Il replia les deux doigts du milieu et traça quelques signes dans l'air, tandis que d'étranges paroles s'échappaient de ses lèvres. Aussitôt, un serpent d'énergie se matérialisa et s...