Partie 2: Isadora - chap I

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Alistair reprit doucement conscience.

Il était étrangement bien et serein. Il sentait une légère brise caresser son visage et un chaud soleil lui réchauffait le front. Au fur et à mesure que ses sens reprenaient du service, il découvrait son environnement. Son toucher lui indiqua qu'il était étendu sur de l'herbe. Une bonne herbe grasse de prairie, souple et sans doute bien verte. Son odorat lui apporta des odeurs qu'il avait oubliées. Le parfum des feuilles et de la nature. Il se souvint de ses vacances, quand il était enfant, à la campagne. Il se remémora les senteurs printanières qui lui chatouillaient les narines lorsqu'il partait en promenade avec ses parents. L'odeur forte et entêtante de la forêt, la fragrance plus douce des champs et des prés. Il aimait ces parfums, il se sentait entouré par la nature, protégé par elle. Son ouïe confirma ses autres sens. Il entendit le trille joyeux d'un rossignol et le roucoulement enlevé d'une colombe. À sa gauche, il perçut un bruit rapide qu'il identifia comme la course d'un petit animal, sans doute un lièvre. Puis, doucement, il se décida à ouvrir les yeux. Lentement, ses paupières s'écartèrent. Ses cils filtrèrent le soleil et lui permirent de s'habituer à la luminosité sans désagrément. Il vit le ciel bleu qui s'étendait au-dessus de lui et quelques gros nuages d'été, paresseusement entraînés par le vent. Un oiseau traversa son champ de vision. Alistair sut qu'il s'agissait d'un rapace, mais ses connaissances en ornithologie, assez limitées, ne lui permirent pas de l'identifier. Basculant la tête vers sa droite, il contempla la prairie. Une vaste étendue d'herbes, de fougères et d'arbustes en fleur, doucement vallonnée, vierge. Quelque chose, cependant, le gênait, mais il ne put dire quoi. C'était une impression diffuse qui se dégageait du paysage, à la limite de sa conscience, mais hors de portée.

Alistair tenta de se souvenir du nom de cet endroit. En pure perte. Tandis qu'il découvrait son environnement, il s'était imaginé avoir décidé de dormir un peu, en pleine nature, sans doute au terme d'une longue marche. Mais, maintenant que la partie rationnelle de son esprit se réveillait à son tour, il savait que ce n'était pas ça. Il fronça les sourcils et une ride de réflexion apparut sur son front. Soudain, le souvenir des événements lui revint. Ce fut comme une explosion, comme si une grosse bulle d'air venait de percer la surface calme de sa pensée. Elle explosa et déversa son savoir sur son esprit.

Daniel !

Alistair se leva d'un bond et sa main gauche format la fourche. Immédiatement, il sut deux choses. La première, que Daniel n'était pas ici et qu'il ne le menaçait plus. La seconde, que son corps n'était pas préparé à un effort si soudain. Des courbatures nouaient tous ses muscles et son brusque redressement les avait toutes réveillées, sans exception. Tous ses membres se rebellèrent contre ce mauvais traitement et le lui firent savoir. Ses jambes ployèrent sous son poids et sa tête se mit à tourner. Alistair tomba plus qu'il ne s'assit et laissa le vertige passer. Lorsque sa vision fut enfin redevenue claire, il ramena ses genoux contre sa poitrine, croisa les bras par-dessus et plongea sa tête dans le nid ainsi formé. Il tentait de se rappeler, de combler le trou de sa mémoire. Il se souvenait avoir usé des deux magies, puis, plus rien. Il dut faire un réel effort de concentration pour que les images du passé deviennent assez nettes...

... les trois jeunes mages, Daniel, Alistair et Stéphanie, virent les deux magies se joindre, se mêler et s'épouser pour repousser le bélier. Daniel ne pouvait rien faire. De grosses gouttes de sueur coulaient sur son front ridé par l'effort. Son rictus avait disparu et ses lèvres étaient maintenant fermement serrées l'une contre l'autre. Ses narines se dilataient à intervalles réguliers, laissant passer l'air à grandes goulées vers ses poumons. Sa poitrine se soulevait rapidement, comme un soufflet de forge. Tous ses efforts ne servaient à rien, l'étrange agglomérat de magies repoussait le bélier, régulièrement, sûrement. Puis, soudain, le bélier stoppa et resta suspendu entre les deux hommes. L'agrégat d'énergies noires et blanches échappa au contrôle d'Alistair qui, après avoir tenté de le reprendre, finit par laisser tomber les mains, fasciné par le spectacle.

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