Magies et Fascination

Partie 2: Isadora - chap IV

L'après-midi était bien avancé et Lystair et ses compagnons étaient entrés dans un sous-bois à la fraîcheur agréable. Les arbres filtraient les rayons du soleil, plongeant le chemin dans une clarté verdâtre. Lystair sifflotait en marchant, mais les autres semblaient plus tendus. Lorsqu'il y repensa, plus tard, Lystair aurait aimé se dire qu'il avait noté qu'il s'agissait d'un bon endroit pour une embuscade. Mais cela aurait été un mensonge. Il fut certainement le plus surpris des quatre voyageurs.

Le Français perçut le claquement sec d'une corde qui se détend et le sifflement caractéristique de la flèche. Elisael avait perçu le danger bien avant cela et il avait hurlé un avertissement. C'est sans doute cette alarme qui sauva la vie de Gerdan. Le géant avait commencé à se détendre, sautant en direction des fourrés. La flèche s'enfonça dans son épaule gauche. S'il n'avait pas bougé, elle se serait fichée en plein entre ses omoplates. La douleur lui arracha un cri et lui fit rater sa réception, il effectua un roulé-boulé quelque peu désordonné et poussa un nouveau grognement de douleur. Ils entendirent tous le bruit sec de la flèche lorsqu'elle se brisa sous son poids. Ils virent la pointe surgir sur le devant, le traversant de part en part. Un flot de sang rougit sa cotte de mailles.

L'elfe n'avait suivi la cascade de son compagnon que du coin de l'œil. Juste après avoir crié, il s'était jeté vers le bas-côté, avait effectué une roulade et s'était retrouvé avec son arc à la main en se relevant. Une flèche s'y trouva encochée à la vitesse de l'éclair et fila vers sa cible. Le corps de l'archer qui avait touché Gerdan émit un bruit mou en touchant le sol. La flèche d'Elisael dépassait de sa gorge. Son propre trait s'était fiché deux pas devant l'elfe, inoffensif.

Pendant ce temps, Letha avait dégainé son épée et attendait les comparses de l'archer de pied ferme. Ils ne furent pas longs. À peine le corps de leur camarade avait-il heurté le sol, qu'ils surgissaient, encerclant le groupe. Ils étaient quatre, armés d'épées et protégés par des plastrons de cuir.

Lystair n'avait toujours pas bougé.

Gerdan se releva en grimaçant de douleur et dégaina sa longue épée. Son bras gauche était inutilisable et il devait manier son arme d'une seule main. Il se précipita vers le brigand le plus proche. La lame décrivit un cercle au-dessus de sa tête et s'abattit sur l'homme. Le géant poussa un cri de bûcheron en frappant. Il avait mis toutes ses forces dans ce coup. Gerdan savait qu'entre sa perte de sang et l'obligation de manier son arme à une seule main, il ne pourrait soutenir un long combat. Il devait vaincre sur les deux ou trois premiers coups. Son adversaire leva son épée et dévia le coup, sans trop de difficultés. Il était évident que Gerdan n'avait pas l'habitude d'utiliser sa lame de cette manière. Son coup était puissant, mais mal ajusté.

Elisael se retourna dès que les brigands jaillirent des sous-bois. Son adversaire était trop près pour qu'il puisse utiliser son arc, il le laissa donc tomber et sortit sa courte épée. Après quelques engagements, il apparut clairement que l'elfe était bien meilleur à l'arc qu'à l'épée. Il semblait qu'il n'avait que peu de chances de sortir victorieux de l'engagement. Son agilité et sa dextérité lui permettaient d'éviter les coups, mais il se bornait à cela, sans jamais porter d'attaque. À ce rythme-là, sa seule chance était que son adversaire s'écroule de fatigue.

Letha, quant à elle, tenait tête à son adversaire de fort belle manière. Les deux combattants étaient de force sensiblement égale et le combat pouvait s'éterniser. Bientôt, ils eurent tous deux un certain nombre d'estafilades, rien de plus grave qu'une écorchure.

Lystair avait enfin réussi à se sortir de la torpeur provoquée par la surprise. Il avait dégainé l'épée que lui avait prêtée Gerdan. L'arme était vieille, la bande de cuir qui recouvrait la garde en métal était usée jusqu'à la corde. La lame était parcourue de nombreuses rayures et d'innombrables affûtages avaient aminci le fil. Il avait passé presque la totalité de son tour de garde de la veille à s'entraîner avec et à en éprouver l'équilibrage. Le problème était qu'il est bien plus difficile de se battre contre un homme armé que contre des arbustes inoffensifs. Très vite, Lystair se trouva dans la même position que l'elfe : il menait un combat purement défensif, sans oser lever sa garde pour attaquer. À chaque attaque de son adversaire, il reculait d'un ou deux pas.