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Quand ma mère décrète que je dois passer mon dix-septième jour de l'an avec mon arrière grand-mère dans la maison de retraite de Trowtburg, un trou paumé au beau milieu de rien du tout, je suis plutôt content. Pour la première fois de ma misérable vie, j'ai l'intention de faire un truc spécial en ce jour spécial. D'ordinaire, je me contente de manger des Oreos frits, glacé, double stuf, golden et enrobé de chocolat blanc en écoutant le décompte de la nouvelle année à la radio. Voilà comment je me retrouve à prendre le train pendant trois heures. Ce qui m'amène aussitôt à dire qu'il s'arrête. Bien sûr, j'ai plusieurs théories. Primo, la petite bourgade de Trowtburg au milieu de la cambrousse change son habituel show du nouvel an où les petits vieux vont chanter des champs de noël aux portes au profit d'une parade de pom-pom girls en mini jupes qui répètent leurs pyramides et leurs grands écarts. Deuxième hypothèse : un bison bison bison, outre le bison des plaines paumé de Trowtburg est en train de faire caca sur le ballast. Troisième suggestion : tempête de neige. En fait, le train s'arrête car il est en gare sauf que le bled est tellement petit qu'aucune voie automatique ne l'annonce. Et qu'il n'y a même pas de pub avec des lampions lumineux en guise de bienvenu, info tirée du mec assis sur la même banquette que mon cul. C'est une vieille qui voit mon billet à la main qui me tapote l'épaule en me disant eh petit tu dois descendre. Donc je descends. Pas de bison bison bison mais une bourrasque de vent soulève mon bonnet et je reçois dix milles flocons dans la figure. Je mets en marche le GPS piqué dans le vieux monospace de mes parents. Puis, j'arrive à la maison de retraite et j'apprends que mon arrière grand-mère s'est échappé de la traditionnelle chorale du chant des vieux pour s'éclater à chevaucher le prêtre quadragénaire dans un pub. Je retourne à la gare où je tente d'appeler mes parents. Pas de réseau dans ce trou, le talkie-walkie grésille. Aucuns signaux. Ni de radio pour le décompte. Ni d'Oreos. Ni de train en gare à cause de la tempête de neige. Joyeuse nouvelle année de mes deux au mécanicien de la vieille locomotive. Être positif. Nouvelle résolution. Je dois positiver. Après tout, il n'est pas encore minuit. D'après le GPS, il est vingt-deux heures cinquante deux. Mais comment être positive alors que je suis en train de me cailler les burnes au milieu d'un bourg où la température est si basse que je me demande s'il n'est pas au milieu de l'antarctique ?

Nouvel an tout merdique.

Tout pourrit.

Tout merdique.

Tout. Tout. Tout. Pourrit. Merdique.

Ma grand-mère m'abandonne, préférant la compagnie d'un vieux croyant aux auréoles plutôt que celle de son petit fils. Mes parents ont dû couper le téléphone pour ne pas être déranger. Le soir du nouvel an. Qu'est-ce qu'ils peuvent bien faire un soir de nouvel an qui soit plus important que mes couilles en train de geler sous les diverses formes varier de flocons : les plaquettes, les aiguilles, les boutons de manchette, les étoiles, les pissenlits, les étoile géométrique, l'hexagone et les cylindrique ? Bien sûr que je le sais.

Bien sûr que tu le sais crétin. Idiot. Crétin. Idiot. Idiot.

— Tais toi Ferg.

Bien sûr que je le sais. Ils font l'amour ? Un grand Peut-être. Je n'en sais rien. Bizarrement, je ne trouve pas ça dégueu. Je suis content pour eux. Je ne veux pas faire mon égoïste. Voilà. C'est ça. Ma nouvelle résolution.

Ne pas être égoïste.

Ne pas être égoïste. Égoïste. Égoïste.

Le monde ne tourne pas autour de ton nombril. Dois-je préciser que « ce monde » englobe que la personne de papa et maman ? Le reste du monde s'en fout. Sauf les profs. Sauf le docteur Bulle. Sauf papa. Sauf maman. Sauf papa. Sauf papa. C'est très répétitif. C'est très lassant. Mais avec le temps on s'habitue. À être aveugle, je veux dire. À ne rien voir. Presque ne rien voir du tout.

Pas son papa.

Pas sa maman.

Même pas sa tronche de connard. D'idiot. De débile mentale. De Fol Œil.

Ouais. On dit que je ressemble à peu près à ça. La ressemblance avec Fol Œil est si frappante que mes camarades du lycée m'appellent comme ça. Fol Œil. Mes camarades ? Des cons. Merde. Mince. Ne pas dire de gros mot. Depuis quand ? Nouvelle résolution.

J'ai froid. C'est sûr mes couilles vont être gelé gelé. Stalagmitiques. Stalagmites. Stalactite. On va devoir les amputés. Merde. Pas de gros mot. Est-ce possible ? Je ne suis pas un alpiniste. À regarder sur internet. Ah non. Risque de tomber sur des images de couilles. Pleins d'images de couilles. Après mes parents vont voir dans l'historique « couille d'alpiniste » et ils vont penser que je me mets aux pornos. Débile. Très débile. Je suis aveugle. Ils vont s'imaginer des trucs bruyant avec des couilles que l'on masturbe et. Flippant. Non. Oh non.

Et si je mettais mon bonnet sur mes. Non. Mauvaise suggestions. Si des enfants passent devant moi avec leurs parents, ils vont me prendre pour un pédophile. Ils vont s'imaginer que je suis alpiniste avec une stalactite. Bon. Je crois que je vais me les faire amputé. J'inventerai que je serai un super alpiniste qui est tombé dans une crevasse pendant trois jours et qui a dû s'alimenter avec des flocons hexagones. Et de son pipi. S'il n'est pas gelé.

De toute façon, je ne crois pas qu'elles me serviront à grandes choses. Non pas que je sois homosexuel. Je n'en sais rien en fait. Je ne sais même pas si je suis hétérosexuel. Je ne crois pas non plus que je sois atteint du trouble de la génophobie. Peur du sexe. Elle se déclenche généralement après un traumatisme. OK. J'ai subit un traumatisme avant même d'être un gosse mais. Non non. Juste, qui voudrait sortir avec un garçon qui ne peut même pas vous regarder et vous dire qu'il vous trouve beau/belle puisqu'il ne pourra que le supposé et donc mentir et donc vous le considérerez comme un gros connard. Et franchement, dans une relation, je miserais plus sur le toucher et non la vue pour jouir du moment présent. Gros gros pervers. Voilà. Tout le monde pense ça. Donc je préfère m'abstenir du sexe. De l'utilité de mes couilles en stalagmites. En stalactites. Oui. Stalactite. Vers le bas. Je ne bande pas. Je ne peux pas, il fait trop froid et. Merde. Mince. Nouvelle résolution. J'en sais rien. Je suis peut-être génophobe en fait. Une peur verte du sexe. Pas bleu. Je ne vois pas le bleu.

Jacques a dit fermez les yeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant