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Méchantes chaussettes. Méchant matelas. Méchante maman. Méchant tiroir. Méchante boîte à chaussure. Méchant Jacques. Méchante maison. Méchant Trent. Méchant Ferg. Méchantes pom-pom girl. Méchants alpiniste. Méchant chronomètre. Méchant revolver.

La maison ne va pas bien. Elle fait partit des quarante-deux millions de maisons américaines à abriter une arme. Moi aussi je ne vais pas bien. Je vomi partout sur mes vêtements et sur mon matelas. Pardon maman. Pardon pantalon. Pardon matelas.

Bonjour MR-83. Ce n'est pas un revolver rescapé des chambres à gaz, ni d'un nazi, ni d'Al Capone, ni de James Bond. C'est le revolver de mon arrière grand père. Le revolver du voleur masqué. Grand père portait une cagoule et dévalisait les banques et tout et tout. Trop chouette. J'ai retrouvé le revolver dans une boîte à chaussure verte au fond du tiroir à chaussette de papa. Papa et maman ont oublié que je ne pouvais pas voir le vert sinon la boîte aurait été jaune ou orange ou bleu ou violette ou rouge. Papa et maman sont idiot. Oups.

C'est toi l'idiot de la famille, Jacques-couille ! Eux, ils ont le cerveau en entier. Pas coupé par les médecins bûcherons.

Mes chaussettes sont divorcées. Maman m'en achète de toutes les couleurs. Mais je ne sais plus quelle est la jaune quelle est la rouge quelle est la rayé quelle est celle à abeille quelle est celle à pâquerettes. Alors maman n'est pas contente parce que je ne mets jamais les chaussettes qui vont ensemble. Maman pas contente, moi pas content. Maman triste, moi triste. Maman sourit, moi souris pas car je ne vois pas quand elle sourit. Dans le tiroir à papa, les chaussettes sont mariées, elles sont bien rangées par pair. J'ai vu du vert et je croyais que c'était une chaussette mais c'était le couvercle de la boite à chaussure. J'ai emmené la boîte à chaussure dans ma chambre. Je l'ai ouverte et mes doigts ont beaucoup beaucoup masturbés le revolver pas nazi. Dès que j'ai eu finis sa découverte, je l'ai rangé sous mon lit. Mais cette fois, je fourre le revolver dans mon jean à velours. Dans mon boxer, en fait. Je porte un boxer parce que c'est élastique ce qui permet de maintenir le revolver contre mes couilles. Le métal est froid et gèle l'Engin.

Je n'aie pas le GPS pour m'indiquer quel est le plus haut immeuble de la ville. Je monte donc sur le toit de ma maison par l'échelle d'extérieur réservé à une fuite de gaz ou un incendie. Je me mets à avancer à quatre pattes car j'ai trop peur qu'un pas trop grand de ma part cause ma chute dans le vide.

Vous avez déjà sentit ?

Ce sentiment marrant de se sentir géant.

Dominer les gratte ciels et bouches d'égout.

À côté de moi, posé à plat.

Un revolver.

Il est gelé.

J'entends les rires de mon ami imaginaire.

Je suis seul.

Ça fait trop longtemps.

Idiot.

Couille d'alpiniste.

Quand je danse dans ma chambre en cachette.

Quand je sépare la chantilly d'un brownie.

Je pense au revolver.

Est-ce qu'il faut que je le mette dans la bouche ? Je le fais, ce n'est pas confortable. Le métal gelé me glace la langue et tamponne mes dents. Je pousse un cri de douleur. Une de mes dents a bougé. Je serre le revolver et pose le canon sur ma tempe. Juste derrière, c'est l'endroit dans ma tête où j'ai le plus de cerveau. Je fais sauter tout ça. Plus de cerveau. Plus de Ferg. Plus d'insulte. Plus de pisse. Plus de Trent. Plus rien. J'enjambe la rambarde et m'asseye les jambes dans le vide. Ce n'est pas un pot de Nutella qui me sépare du sol mais je pencherai plus pour vingt mille pots. J'appuie et déséquilibré je tombe ensuite avec le chronomètre j'atterri sur une bagnole ou devant le vieux aux pigeons, les gens poussent des cris je suis mort et le chronomètre affiche un record. Voilà ce que je vais faire. Je n'ai pas besoin de compter, je me perdrais dans les chiffres. Je positionne le revolver MR-83 au bord de ma cicatrice, pile au dessus de l'oreille.

J'entends un cri, là, en bas. Je crois.

Papa. Maman. Le docteur bulle tout merdique. Grand-mère. Monsieur Shlurp. Le monde entier. Je vous demande pardon. Est-ce que je dois faire une lettre au monde entier pour dire « adieu » ? Idiot. Pourquoi faire un « adieu » ? Maman et papa ne sont pas chrétiens. Ils ne croient pas en Dieu. Et de toute façon, s'ils y croyaient, je ne les reverrais pas « à Dieu ». Chez Jésus ? Je n'irai pas au paradis. Pas pour avoir flingué ma tête. Ni pour avoir voulu le faire avec celle de Trent. Une lettre d'adieu, non, débile. Si on ne croit pas en Dieu, où est-ce que l'on va ? Dans le néant total là où tu étais quand tu n'étais pas née. Nulle part. Je décide de faire une lettre de néant. De nulle part. Par télépathie. Pour maman. Pour papa. Je prie, débile puisque je ne crois pas en Dieu, pour qu'ils entendent ma lettre mentalement.

Maman, Papa, Le monde entier pendant que j'y suis même si le monde entier compte peut-être un chrétien. Est-ce que le docteur Bulle est croyant ? Et grand-mère ? Je vous transmets ma lettre de néant. Si grand-mère et le docteur Bulle sont croyants je vous envoie ma lettre d'adieu. Néant. Adieu. Nez de dieu. Est-ce qu'il a un nez Dieu ? Neandertal. Et lui ?

S'il vous plaît pardonnez-moi si je veux mourir

Tu crois que je danse dans ma chambre en cachette

Ou que je fume des milliers de cigarettes

Mais j'examine mes hématomes violets

Etalés sur mon sexe, mon ventre et mes yeux

Et j'aimerai tellement sourire à l'endroit

Quand je souris au fond de moi c'est à l'envers

Parce qu'ils me frappent à chaque fois comme des dingues

Sur mon lit, autour de mon cou, j'enroule un drap

Mais je ne réussis pas à bien m'étrangler

Alors je pédale comme un fou mon vélo

En zigzaguant sur l'herbe avec mon VTT

Au bord de la route, je lâche le guidon

Et quand je regarde en bas, debout, sur ce pont

Je vois ta jeep et j'ai plus envie de sauter

Je rentre à pieds et soudain je sais ce qu'il faut

Quand je trouve après avoir dans l'tiroir fouillé

Je m'assis bien en tailleur sur mon matelas

Et dans la boîte à chaussure je prends le flingue

Celui de mon arrière grand père à la guerre

Un très vieux revolver MR-83

Alors je l'enroule dans mon tee-shirt bleu

Pour pas mettre du sang partout sur mon chevet

Peut-être bien pour me faire sauter la tête

Qu'hilare, ils mettent tout le temps dans les toilettes

Mais de ça, maintenant, ils ne pourront plus rire.

Jacques.

Trent ne pourra plus rigoler. Ma tête aura sauté. S'il souhaite encore l'enfoncer dans les toilettes, il devra recoller les morceaux de cervelles. Puzzle de cervelle. Ce ne sera pas drôle. Ce sera dégueu.

J'enclenche le chronomètre. Ferg se manifeste dans ma cervelle.

Est-ce que t'as les couilles de sauté, Jacques-couille ?

Couille d'alpiniste.

Je cri comme un fou. Couille d'alpiniste. Couille d'alpiniste. J'ai les couilles du plus nul alpiniste.

Tête. Tête dans les nuages. Tête en l'air. Tête à claque. Tête tête. Je ne ressens rien là où je devrais ressentir la balle. Dans la tête. Dans le peu qui me reste. Par contre je ressens un choc contre mes épaules, et je me retrouve soulevé en l'air et catapulté par terre. Obus. Je ne suis pas mort. Pas obus oups. Quelqu'un m'a sauvé. Le type qui criait en bas ? Je suis en colère contre lui. Je l'entends, essoufflé. J'imagine sa posture, plié en deux, s'appuyant sur ses genoux. J'ai pas sauté. On m'en a empêché. J'ai envie de pleurer. Je n'ai pas eu les couilles de sauté. Couille d'alpiniste. J'ai les couilles d'un bon alpiniste. Pas le plus nul. Je suis un bon alpiniste. Un bon alpiniste ne chute pas.

— Je confirme tu es idiot.

Jacques a dit fermez les yeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant