Champs Elysées - 25 février - 18h30
Merde, c'est... bizarre.
On parle et... Il est tellement différent... Tellement celui que je rêvais qu'il devienne à l'époque. Il est... J'aime l'écouter. J'aime l'entendre se raconter. Qu'il en a assez de ne plus jouer, qu'il a peur de se réveiller un matin en se disant qu'il a manqué sa vie à bosser tout le temps pour poursuivre une carrière loin de ses ambitions.
Il me sourit, je lui souris. Un sourire non réfléchit, de ceux qu'on adopte de manière irrépressible quand la personne en face nous captive de plus en plus. Une pensée complètement idiote me traverse l'esprit : j'ai envie de lui plaire. Je ne sais pas si ses regards à l'époque étaient du flan. Oui, je le pense. C'était du flan.
Je sais qu'il m'appréciait en tant qu'enseignante, ça je n'en doute pas. Il a... Je... l'ai soutenu...
Est-ce le mot ?
... à un moment où il était vraiment mal.
Ça compte n'est-ce pas ? Est-ce que ça compte?
Mais aujourd'hui, pour une raison étrange, j'ai envie de lui plaire en tant que femme, pas en temps que prof sympa. C'est idiot. Pourquoi ce besoin ? Je ne suis pas célibataire, loin de là. Qu'est-ce que cela va m'apporter ?
Peut-être à cause de cette chaleur qui m'envahie, ce bien-être qui m'habite alors que la discussion se prolonge et que nous plaisantons sur son absentéisme forcené.
- Ok, tu sais que je venais surtout pour te voir ! finit-il par balancer.
Je hausse les sourcils. ll se détourne, a même un geste brusque et nerveux. Il est tellement fermé depuis qu'il est arrivé : bras croisés sur la poitrine. J'ai tenté de me rapprocher en me penchant par-dessus de la table, il s'est écarté dans la seconde, instinctivement. Il ne s'en est même pas rendu compte.
Il souffle bruyamment.
Mince, il est beau. Vraiment beau cet abruti. Et ce qu'il dégage est toujours aussi... Je ne trouverai probablement jamais le mot exacte pour décrire cette aura incroyable qui doucement m'environne et me projette en arrière. Sauf qu'en plus, aujourd'hui, c'est un homme posé, plus raisonnable, avec un air, un ton, des propos sérieux et réfléchis qui le rendent franchement sexy. Il doit toutes les rendre folles.
- On en est aux confidences ?
Je sursaute. Son ton est brusque. Est-ce vraiment une question ? Pas le temps de réagir, il lâche :
- Tu sais que j'étais dingue de toi au lycée. Pendant deux ans, j'étais complètement fou de toi.
Quoi ? What ? Non !
Ça monte. Je sens que ça monte. Je gémis. Autant le prévenir, car je n'y couperai pas.
- Mince, je rougis!
Je tente de me cacher, mais c'est trop tard. L'émotion a gagné mon cou, mes joues, mon front. Je suis cramoisie. Il me dévisage et se marre, l'enfoiré !
- C'est trop mignon !
Non ! Ne dis pas ça !
Pas "c'est trop mignon". C'est trop mignon gomme la distance. Cette petite affirmation m'arrache à ma position de vieille prof qui revoit son ancien élève, pour me coller dans celle de la trentenaire qui retrouve son ancien fantasme.
Mais il ne se doute de rien et répète :
- C'est trop mignon.
C'est à ce moment-là que je le retrouve pour la première fois : son regard. Ce regard trop intense pour moi. Là. Maintenant. Après m'avoir avoué qu'il craquait pour moi il y a cinq ans, après avoir souri en me disant "c'est trop mignon", il me regarde comme avant. Ethan. Sa mâchoire carrée, son visage mince, ses yeux tendres. Je n'ai plus trente ans, j'en ai vingt-cinq et je suis à nouveau totalement bouleversée par la façon qu'il a de me regarder.
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The way she falls
RomantiekJe suis congelée. Qu'est-ce que je fiche là ? Je n'aurai jamais dû venir. J'allonge le pas pour me maintenir à sa hauteur. - Ethan, ralentis, je n'arrive pas à te suivre.