Métro parisien - 25 février - 19h15
Je consulte à nouveau mon portable. Il ne répond pas.
Merde. La honte. Oh je m'en fiche. Ça fait du bien de l'avoir écrit. Je le lui envoie. Après tout zut. C'est lui qui a commencé.
[Oh la vache ! Ça fait du bien de l'avoir écrit !]
C'est fait. Adieu Ethan. Il n'acceptera plus aucun café avec moi après ça.
La rame s'arrête à la station où je descends. Sonnerie. SMS. Il a répondu. Petite accélération cardiaque. Ridicule.
[Sarah... Tu me tues là. :) Et tu attend 5 ans, une fois que je pars pour me le dire !]
...
[Hahaha, j'aimerais dire au petit de 19 ans que j'étais d'insister !]
J'aurai voulu qu'il insiste ? Oui. Mais ça n'aurait tellement rien donné...
[Erreur, ça aurait été un carnage. Tu as été un merveilleux fantasme. Mais je serai volontiers tombée amoureuse de l'homme que tu es devenu. Mauvais timing je suppose.]
C'est vrai que si j'avais croisé à l'époque un type tel que lui, j'aurai foncé sans hésiter. Je rêvais de rencontrer quelqu'un qui me transporte et n'attirait que des loosers. Si cela peut lui faire du bien de savoir que celui qu'il est aujourd'hui aurait pu arriver à ses fins si la machine à remonter le temps existait, on ne se sera peut-être pas revus pour rien.
Sonnerie.
[Tu m'achèves.]
Mince, son interprétation de mon message n'est peut-être pas la bonne. Je ne suis pas en train de lui faire une déclaration d'amour là ! Je voulais juste qu'il sache que je suis heureuse qu'il soit devenu quelqu'un de bien !
Sonnerie à nouveau.
[Oui, très mauvais timing, je confirme. Je vais penser à la femme que je rate pendant un moment... Que ça ne te dissuade pas de me revoir.]
Alors... Je lui ai plu un peu quand même ? Il écrit bien. J'aime cet échange. Evidemment cela ne me dissuadera pas de le revoir. Ce n'est pas comme si le croiser une fois de temps à autre allait bouleverser nos vies. J'ai été retournée lorsque j'ai rencontré brièvement à nouveau dans ses yeux cet éclat incroyable. Mais j'ai dû me faire des films, c'était si bref. Il me plait, il le sait. Il ignore que les bouffées de sentiments qui m'ont traversées pendant notre café étaient un peu trop fortes pour être anodines. Tout va bien. Dans un mois, lorsque je reviens à Paris, il aura oublié.
[Chut. On fera comme si de rien était et que tu me laisses totalement indifférente.]
Qu'il se rassure, je ne lui sauterai pas dessus.
A la sortie de la bouche de métro, le vent froid m'attrape d'un seul coup. Je traverse la rue en pressant le pas, rejoints l'immeuble où habite mon père et où je dors cette nuit avant de retourner à Bordeaux dès demain. Je pousse la porte, croise rapidement mon reflet dans les miroirs du hall d'entrée.
Quelle horreur. On dirait un chiffon. J'avais pourtant fait un effort pour mon rendez-vous pro juste avant.
J'écarte la grille de l'ascenseur. Bruit derrière moi. Une vieille femme tirant son caddie de courses se précipite pour profiter de l'aubaine. Il est tout petit, mais on tiendra. Je lui tiens la porte. Elle ne m'offre même pas un coup d'œil, me roule sur les pieds avec son engin, appuie sur le bouton de son étage sans avoir la politesse de me demander où je vais et me tourne le dos.
Sympa.
La cabine s'ébranle.
[Chut. On fera comme si de rien était et que tu me laisses totalement indifférente.]
J'ai été contente de le revoir et cet échange était mignon. J'ai chaud. Un peu. C'était agréable d'être secouée à nouveau. Dingue tout de même l'effet qu'il me fait tant d'années après alors que nous ne nous sommes pas revus du tout et quasiment pas contactés.
[Chut. On fera comme si de rien était et que tu me laisses totalement indifférente.]
Je serai contente de le revoir dans un mois. Il faudra que je me prépare psychologiquement pour ne pas rougir.
[Chut. On fera comme si de rien était et que tu me laisses totalement indifférente.]
Sonnerie.
Comment ça, il me répond encore ? Je glisse mon doigt sur l'écran pour consulter le SMS.
[Impossible.]
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The way she falls
RomanceJe suis congelée. Qu'est-ce que je fiche là ? Je n'aurai jamais dû venir. J'allonge le pas pour me maintenir à sa hauteur. - Ethan, ralentis, je n'arrive pas à te suivre.