Vendredi matin

6 0 0
                                    

Convention - 26 février - 8h


Mes yeux me brûlent. Je suis épuisée. Je n'ai fait que me tourner et me retourner dans le lit de ma sœur. Elle est chez son copain, j'ai sa chambre pour moi. C'est pratique mais j'ai perdu depuis longtemps l'habitude du bruit d'ambiance parisien. Les gens ne dorment-ils donc jamais ?

Et puis il a hier soir. Ce SMS auquel je n'ai pas répondu.

[Impossible.]

Impossible d'oublier. La simple lecture de ce petit mot m'a totalement retournée. C'est terrible, je voudrai le revoir tout de suite pour mettre les choses au clair. Je ne peux pas attendre un mois pour savoir... si en fin de compte tout ça le met dans le même état que moi. Il faut que je sache.

Je passe une main hors de la couette et saisi mon portable. Je tente quelques textes. Mais lui écrire quoi ?

"Hey ! En fait, ça m'a fichu par terre de te revoir. Je me suis dit que ce n'était pas grave, mais visiblement même effet pour toi. Même effet pour toi où j'extrapole mes désirs à mort ?"

Génial. Non, je ne peux pas envoyer ça.

Mes désirs...

Je nous ai tellement imaginé tous les deux... nus et euh... il y a quelques années... La frustration hier soir m'a poussée à laisser ma main glisser le long de mon ventre, entre mes cuisses. Je me suis caressée en pendant à lui, à une soirée qui n'aurait pas fini par un échange de SMS, mais par quelque chose de beaucoup plus chaud.

Je ne me sens pas mieux ce matin. Juste plus frustrée. Je tente un nouvel essai de texto.

[Sarah stop. Poses ton portable, tu es ridicule et tu as du boulot. Oui, mais je suis un peu naze tu vois, une quasi nuit blanche ça n'aide pas à être raisonnable. Ok, l'excuse de la fatigue. Alors dis moi : quel besoin a-t-il de savoir ? Aucun. Donc pose ce portable tu es ridicule. Fiches lui la paix. Oui tu as raison. J'arrête.]

Envoi.

Une fraction de seconde je pense à Paul. Je me surprends à ne pas culpabiliser plus que ça. Je suis fiancée, pas morte ! Je ne suis pas en train de coucher avec quelqu'un d'autre, juste d'être franche avec Ethan que j'ai rencontré il y a cinq ans, qui m'a mise le cerveau à l'envers un nombre incalculable de fois et que j'ai à moitié perdu de vue sans avoir jamais eu de réponses à mes questions. Il ne répondra pas. Je le sais.

Il ne répond pas.

Je file me doucher et je me mets au boulot. Je suis juste en train de jouer les flemmardes et de perdre mon temps.

***

Lorsque je reviens de la salle de bain, traversant l'appartement vide de ses occupants, mon père et ma belle-mère à leur cabinet, mon petit frère au lycée où il passe son bac. Ironie... je me jette sur mon téléphone. Suis-je surprise que la petite enveloppe annonçant un nouveau SMS apparaisse ?

Je joue à me dire qu'il s'en fou, mais je sais que c'est faux. En vrai, je sais que c'est faux. J'ai compris, c'est bon. Son dernier SMS a suffit. C'est la raison pour laquelle je n'aurai jamais dû lui en renvoyer un ce matin. Je suis fiancée. Il n'aurait pas dû m'envoyer ce "impossible" hier soir et à défaut, j'aurai dû être raisonnable pour deux et ne pas le relancer ce matin.

Maintenant l'enveloppe est là, et je sais que ce que je vais y lire va probablement bouleverser la suite des événements.

[On est deux donc. Impossible d'écouter ce qu'il se dit en studio, je n'ai clairement pas la tête à ça. Je ne devrais pas y penser pourtant.]

Oui, c'est vrai. Tu ne devrais pas Ethan.

Un second message est arrivé dans la foulée.

[Tu es définitivement occupée toute la journée ? Libère toi et on déjeune ensemble !]

Ok, il me tue avec cette phrase. Je dois déjeuner avec un vieil ami de l'école de journalisme avant de rentrer chez moi. Paul est absent tout le week-end, mais il ne part que demain matin. Nous devions passer la soirée ensemble avant son déplacement.

Libère toi...

J'adore cet impératif. J'aime l'imaginer impérieux. Et moi l'indépendante farouche, j'ai envie de céder à son ordre. Non. Si je modifie mon planning, je franchis une frontière. Solution : botter en touche.

[La bonne réponse était : "Sarah cela remonte à cinq ans. J'ai quelqu'un et je suis très amoureux." Tu n'es pas très coopératif.]

Il ne répondra pas.

Sonnerie.

Non Ethan ! Ne réponds pas !

[Je sais. Je suis conscient que tu as ta vie, ton homme. Mais comprends que tu m'as chamboulé.]

Sonnerie une fois de plus.

[Je n'ai clairement pas envie que tu repartes sur Bordeaux sans te revoir une dernière fois. Mais je vais m'y résoudre ne t'inquiète pas. Soyons "coopératifs".]

Je m'écroule en serviette sur le lit. J'ai un gros gros mal de cœur, très très pesant. Je n'ai plus qu'une seule envie : le revoir. Même pas envie de lutter. Mon âme saigne à l'idée de ne plus être en sa présence pendant un mois entier maintenant.

Pourquoi est-ce si fort ?

The way she fallsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant