1.

816 33 4
                                    

Lonely Girl - Julie London.

Ce matin, je suis allée à l'université. Je suis dans une école populaire, je ne sais pas réellement quoi faire de ma vie. Il faut dire que n'ayant pas réussi à entrer au SFAI ni dans une bonne école, je n'ai pas non plus eu le choix.

Maman m'avait laissé un pain au chocolat pour mon petit déjeuner, il y avait également un mot.
"Je compte sur toi pour ne pas passer ta pause de midi à la bibliothèque toute seule, on t'aime !"
J'ai mangé le pain au chocolat, puis j'ai corrigé sur le papier, le "on" en "je". Maman fait toujours cette erreur, depuis que papa est parti. Il n'est pas juste parti, d'ailleurs. Il est mort. Mais je ne vois pas l'utilité de revenir sur le drame qui a détruit notre famille de la façon la plus horrible qu'il soit. Je me trompe ?

En tout cas, j'ai corrigé l'erreur puis je suis partie. J'ai pris le bus et j'ai eu cours, je n'en ai loupé aucun. Entre midi, j'ai mangé une salade, cachée dans une allée sombre de la bibliothèque, tout en écoutant de la musique et en lisant une pièce de théâtre. Elle était très profonde, elle aussi. Comme les films que je regarde.

Je l'ai adorée.

L'après-midi, j'ai également eu cours. Je n'en ai loupé aucun, je n'ai pas posé de questions et je n'ai parlé à personne. Puis je suis rentrée.

Maman était déjà là, elle m'a demandé comment s'était passée ma journée. Je lui ai répondu:
-Oui, très bien. Et la tienne ?
Puis elle m'a raconté ses collègues de bureau. Je l'ai écoutée et j'ai même réagi de temps à autre pour lui donner l'illusion que j'étais attentive à ce qu'elle expliquait, elle était très contente de voir que je "m'intéressais".

En fait, elle a très peur pour moi. Elle ne veut pas que je devienne dépressive. C'est normal, je suis son enfant. Je ne veux pas lui faire de mal, moi non plus. Seulement c'est plus fort que moi: les gens m'insupportent. Je ne leur trouve aucun intérêt et je déteste leur tête désolée lorsque je raconte ma tragique histoire. Tellement vu et revu.
"Mon père est décédé."
Il m'arrive même de mentir, quand je n'ai pas la force de supporter porter leurs regards.

J'ai rédigé et travaillé mes cours durant deux heures environ, puis j'ai téléchargé un film, que j'ai regardé. Ça s'appelait Fatima. C'était magnifique, j'ai pleuré. Ensuite, j'ai mangé avec ma mère et j'ai dormi.

Vivre comme un zombie, j'avais l'habitude. Je faisais cela depuis la troisième, moment auquel je n'étais déjà pas très intéressante. Autant dire que maintenant, je ne le suis plus du tout. Je l'assume parfaitement.
.

Fade, volume 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant