Le lendemain, je suis allée en cours comme chaque jour.
C'était le premier du mois, alors j'ai également été déposer une gerbe de fleurs sur la tombe de papa. Et oui, je suis du genre à faire ça.
En même temps, je n'ai rien d'autre à faire et ma mère en est foncièrement incapable. Jamais elle ne réussirait à retourner voir mon père, cela lui ferait trop de mal.Je suis arrivée là bas et c'était complètement désert. Il faisait froid, cela m'a fait penser à ce poème de Victor Hugo pour sa fille, qu'on avait étudié en cours de français une fois. J'y ai pensé, un peu. Mais j'ai fini par arrêter de songer et je suis partie en laissant mon petit bouquet sur le morceau de pierre qui recouvrait le cadavre de mon père.
A l'université, aujourd'hui, j'ai été fade comme toujours. Je n'ai parlé à personne, comme si j'étais muette. J'ai vécu dans un tel silence que j'ai eu peur que mes cordes vocales m'abandonnent, trouvant leur job trop peu stimulant. À la fin de la journée, j'avais la voix toute enrouée à force de me taire.
Je suis passée par la rue du psy et j'ai pensé au moment où j'allais devoir y retourner. Cela m'a un peu déprimée.
Je savais au fond de moi que mon père aurai approuvé la décision de ma mère, mais il n'aurait pas été fier de moi.
Je me doutais qu'il aurait préféré que j'arrive à tout gérer toute seule, à tout surmonter comme je l'avais toujours fait. Je pensais que j'y étais arrivée, franchement. Je ne pouvais pas m'arrêter de me dire que c'était faux. Que tout ça n'était qu'une grossière erreur.
Je n'étais pas comme Cullen, je n'étais pas folle. Je n'étais pas non plus dépressive, je ne passais pas ma vie à pleurer.J'ai mangé un paquet de mini-brownies en rentrant à la maison, puis j'ai regardé un film en attendant que maman ne rentre. Lorsqu'elle est arrivée, j'ai vu la fatigue dans ses yeux. C'est mieux que la tristesse, après tout. Je lui ai dit:
-Va dormir.Elle m'a offert un sourire désolé et a simplement hoché la tête, puis elle a tracé vers son lit.
Et je me suis retrouvée seule.
Cela m'arrivait de temps à autre, en début de week-end. Les autres étudiants étaient à des soirées où je ne sais quoi, ils se bourraient la gueule, baisaient jusqu'au petit matin ou dansaient jusqu'au bout de la nuit, puis il y avait moi.
Moi, je restais à la maison parce que personne ne me connaissait et que je ne connaissais personne. Je regardais des films et j'étais bien heureuse. Je me cultivais, ils perdaient des neurones à chaque instant. Et moi, j'en perdais moins.Cela me suffisait.

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Fade, volume 1
Ficción GeneralElle était si fade elle voulait juste exister.. Poetokyo . © 2016