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Meet you there - Simple Plan.

-C'est pas grave.

Il y a eu un silence et c'est à ce moment-là que j'ai reconnu ses cernes.

-Tu étais chez le docteur Obst tout-à-l'heure, a-t-il dit avant moi.
-Oui.
-Je m'appelle Cullen.

Je n'avais aucune envie de connaître son nom, mais j'ai quand même répondu:

-Moi, c'est Tristen.

Il m'a serré la main au ralenti et j'ai souri un petit peu. Il m'a proposé un fast food, j'ai accepté parce que je n'avais rien d'autre à faire. Et que j'avais faim.
On a un peu discuté, on s'est présenté rapidement. J'ai pris part à son existence le temps d'un repas.

-Si je vais voir le docteur, c'est parce qu'on pense que je suis fou.

Il a dit ça avec un regard... Flippant. Un sourire qui donnait l'impression qu'il songeait à son passé, mais ses yeux. Ses yeux étaient magnétiques.

-Tu l'es peut-être, ai-je dit.
-Alors tu l'es aussi.

Je ne sais pas exactement ce qu'il essayait de faire avec cette phrase. Nous trouver un point commun, quelque-chose qui nous rapproche? Je n'ai pas réussi à décrocher mon regard du sien. J'ai eu durant un court instant l'impression qu'il avait attrapé mon attention et refusait de me la rendre, de me laisser en disposer librement.

-Arrête ça, Cullen !
Il a ri.
-Arrêter quoi ?

J'ai cligné des yeux et le charme s'est rompu.
-Rien.

Il a eu un sourire en coin et puis on a recommencé à parler normalement.

Lorsqu'on est reparti chacun de notre côté, j'ai eu cette sensation étrange que je n'avais plus eu depuis un long moment: j'ai ressenti de la joie. Ça n'avait duré qu'un court moment, mais cette sensation avait parcouru mon cœur et je l'avais ressentie. J'avais été contente de lui parler et de faire connaissance, de manger dans un fast-food et de me faire voler mon attention pour quelques secondes. Me comporter comme une fille, exister pour quelqu'un d'autre que ma mère. Être autre chose qu'un nom sur une fiche d'inscription dans une fac populaire.

Ça m'a sauté à la figure comme un animal visqueux qui se collait à mes joues. Ensuite, il est entré en moi et a saisi mon cœur pour l'alourdir, que je sente qu'il est là.

J'ai eu la soudaine envie de rire, je ne sais pas exactement pourquoi. Je ne l'ai pas fait, j'ai seulement souri.

Je suis rentrée à la maison très tard, il devait être vingt-trois heures. Maman était à la cuisine, elle n'avait pas réussi à s'endormir. Cela lui arrivait à chaque fois que je ne rentrais pas exactement à l'heure prévue par ses calculs, elle se faisait sans cesse du soucis pour moi. J'étais après tout sa seule famille.

-Salut, ai-je dit, tu as passé une bonne journée ?
-Où étais-tu ? s'est-elle enquise.
-Je suis désolée, je voulais t'appeler mais je ne l'ai pas fait. J'ai oublié.

Elle a levé les yeux au ciel et a secoué la tête. Je crois qu'elle ne sera jamais prête à laisser s'envoler son petit bébé. Jamais elle ne lâcherait cette image.

-J'ai mangé chez Mac Donalds et j'ai été lire à City Lights Booksellers and Publishers.
-C'est bien que tu sois allée voir le psy.
-Il est très bien, j'y retourne la semaine prochaine.

Suite à ça, elle est allée se coucher et j'ai pris une douche avant de dormir.
Je ne sais pas pourquoi je lui ai menti, sans doutes parce que je n'avais pas envie qu'elle se mêle de ma vie, ou peut-être seulement pour avoir mon petit secret. Rien qu'à moi.

Fade, volume 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant