Je marchais seule depuis au moins 30 bonnes minutes. Sans direction précise, à ma grande habitude. Et j'en profitais pour réfléchir, ce à quoi je m'adonne souvent, mais sans réfléchir réellement. Je songeais à moi, à ma vie, à mes choix, à tout ce qui m'entourait... Ce que je ressentais, mes sauts d'humeur inexpliqués, ma facilité à me mettre dans la merde en ce moment. Mais surtout au fait que ma vie avait été complètement chamboulée sans que je ne me rende compte de rien. Au fait que tout puisse basculer sans qu'on ne réalise ce qui se passe. Que les choses vont et viennent comme elles veulent. Et qu'à moins d'être devin, on ne peut les stopper. Je ne savais même pas si je risquais de changer, de devenir complètement différente. Tout ce que je réalisais, c'était que l'impact d'une personne peut prendre une ampleur considérable sur notre vie. Car ma vision des choses était clairement en train de changer. Mais je voulais absolument stopper tout ça.
Je me dirigeais vers une cafétéria tranquille où j'avais l'habitude de me rendre en solitaire. Où je savais que je ne serais pas déranger, du fait qu'il n'y ait jamais personne là-bas, mais aussi parce que la trouver relevait presque du défi. Je m'y installais et commandais un café sans sucre, comme toujours, puis commençais à regarder la ville. La ville qui vivait. Les passants, auxquels j'arrivais facilement à décrypter leur identité sans les connaître, mais juste à leur façon de se déplacer. C'était mon jeu favori. Essayer de « deviner » une personne, de trouver quel potentiel caractère elle pourrait avoir. Cela me paraissait absurde, car je n'arrivais même pas à me comprendre moi-même, mais me donnais à cœur joie d'essayer de comprendre de parfaits inconnus. J'avais toujours réussi à déchiffrer une personne. Enfin presque toujours. Avec Kev c'était différent. Mon ressenti à son égard était très mitigé. J'avais comme le sentiment d'avoir établi son profil sans vraiment le connaître. Comme si toute son attitude n'était qu'un leurre. Un leurre pour duper tout le monde. Pour être toujours pris pour le clown de service. Comme une façade.
-Voilà votre café mademoiselle.
La voix du serveur m'extirpa de mes songes. Le café brûlant qui coula dans ma gorge me fit frissonner. Ce goût amer affreux auquel je ne pensais succomber un jour. Mais qui me faisait me sentir l'adulte que je n'arrivais pas à être, à ma grande déception.
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-Bon les filles vous êtes prêtes ?
-Une seconde, criais-je depuis le couloir.
Je terminais la natte de Caroline en vitesse, et attachais mes cheveux en chignon grossier. Depuis la soirée qui avait mal tourné, où qui avait plutôt carrément viré au désastre, si on supprime l'euphémisme, elle était venue vivre chez nous. Brice n'avait pas supporté l'histoire avec John. Et il s'était empressé de la foutre à la porte nonchalamment. Ce qui m'avait beaucoup énervé. En ce qui me concerne, il ne m'adressait carrément plus la parole. Trop vexé par ma gifle je suppose.
-Voilà c'est bon.
-Merci, me souffla-t-elle tristement.
Ce qui était sûr, c'est que cette rupture l'avait complètement détruite. Après avoir récupéré ses affaires, elle était restée trois jours au lit, mangeant à peine et enchaînant les boîtes de mouchoirs et les pots de glaces. Mais ce soir, Jen avait réussi à la convaincre de sortir pour se « changer les idées ». Prétexte qui allait lui servir d'excuse après qu'on l'ait retrouvé ivre morte sur le sol de la boîte. Mais bon, j'y allais pour Caro. Et puis je n'allais pas boire de toutes manières.
Après 20 minutes de trajet, nous arrivions enfin à la boîte. Et en voyant les gars qui siégeaient à l'entrée pour fumer, je me félicitais intérieurement de n'avoir portée qu'un jean slim et un tailleur noir, qui m'avaient valus la fureur de Jenna.
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Quirk of Fate (avec Kev Adams)
Romance"Mon ressenti à son égard était très mitigé. J'avais comme le sentiment d'avoir établi son profil sans vraiment le connaître. Comme si toute son attitude n'était qu'un leurre. Un leurre pour duper tout le monde. Pour être toujours pris pour le clown...