13.

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-Anaïs une Calzone, active-toi un peu !

-Oui oui j'arrive !

Les samedis soirs étaient vraiment infernaux. C'était d'ailleurs la raison pour laquelle j'essayais d'être là le plus possible les autres jours : j'essayais d'échapper aux samedis. Non seulement il y avait toujours une tonne de clients, mais en plus tout le personnel était tendu, car c'était le seul soir où on entrait le plus gros chiffre d'affaire de la semaine. Du coup, on était 10 employées à trinquer. Moins 1 ce soir-là, car l'une d'entre nous avait déserté la lourde tâche qu'on se devait d'accomplir à présent. Car bon chiffre d'affaire ici était synonyme de promotion, ce qui ne se refusait pas.

-Active Ana, le patron me met la pression de ouf là !

Je me retournais alors et fis face à Dounia qui me suppliait du regard, l'air complètement paniqué.

Dounia, c'était vraiment la personne avec qui j'avais le plus d'affinités dans ce resto. Elle était authentique, c'est ça que j'aimais par-dessus tout chez elle. Nous ne discutions que pendant les pauses, et on ne se voyait que très rarement dans un autre contexte que celui du travail, mais j'en savais tout de même déjà beaucoup sur elle. Déjà qu'elle était née au Congo, mais que ses parents avaient réussi à la faire venir en France pour lui « donner des chances d'avenir ». Elle y vivait maintenant depuis ses 11 ans, chez son oncle et sa tante, et j'avais rarement vu une personne aussi motivée. Réussir à s'adapter en si peu de temps, en plus d'obtenir son bac et d'être acceptée en Fac de sciences, c'était bluffant. Cette fille m'impressionnait vraiment. Je savais qu'elle aurait un avenir comblé, une famille et assez d'argent pour vivre aisément. Ce qui la motivait par-dessus tout, c'était de pouvoir faire venir sa famille en France, et les sortir de la pauvreté. Ça semble héroïque dit comme ça, mais pour elle s'était naturel. Comme une sorte de remerciement.

-Oui je me grouille du calme.

-Ouais désolée, je t'agresse comme ça moi aussi.

-Mais non t'en fais pas, on est tous un peu sous pression là.

-Ouais, en plus avec Steph qui nous quitte...

-Sérieux elle s'en va ? Je pensais qu'elle reviendrait après l'accouchement ?

-Bah j'pense qu'elle va s'occuper de son bébé et que pour le boulot, elle verra plus tard. Moi je lui ai dit de penser à elle avant tout, et à son enfant.

-Mais elle galère un peu pour payer son appart en ce moment, ça risque d'être dur.

-C'est ce que je pensais aussi, mais je lui ai dit que si elle avait besoin, je pouvais la dépanner sans problèmes.

-Ouais moi aussi mais elle refuse à chaque fois.

-La même mais quitte à la forcer...

-Ouais...

Stéphanie était la plus jeune de nous tous. Elle avait 18 ans et s'apprêtait à devenir maman. La vie ne lui avait pas vraiment souri : depuis ses 12 ans, elle allait de foyer en foyer jusqu'au jour où elle décida de prendre son envol, à sa majorité. De là, elle avait rencontré un pauvre type qui l'avait mise enceinte avant de la quitter. Mais à l'instar de se défiler comme elle en avait pris l'habitude, elle avait décidé d'assumer son bébé.

Après ma courte réflexion, je me rendis compte que j'en savais beaucoup sur la vie de Dounia et de Steph, mais qu'à l'inverse, elles ne savaient rien de moi. Ou tout du moins presque rien. Je n'avais jamais été le genre de personne à « se confier ». D'ailleurs, Jenna et Caro étaient les seules personnes à qui j'avais accepté de me dévoiler. Le reste des gens qui m'entouraient n'étaient quasiment que des connaissances, ou des copines à la rigueur.

Quirk of Fate (avec Kev Adams)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant