❥Chapitre 12

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Plus un mot, plus un regard, comme si je n'existais plus, comme si mon avortement avait emporté une partie de lui. Il était en dépression, il s'était mis à boire beaucoup plus que d'ordinaire, et quand il ne se saoulait pas, il travaillait pour son diplôme. Quand son père lui demandait pourquoi il travaillait autant, il lui répondait que c'était « pour avoir un avenir et mettre quelques choses dans l'assiette de ses gosses ». Je savais très bien qu'à chaque fois qu'il parlait d'avenir et d'enfant, il me visait et qu'il voulait me faire du mal. Tout cela durait depuis maintenant plus de deux mois, je n'en pouvais plus, le pire de tout était sans doute qu'il me manquait, qu'on avait tissait une certaine complicité qui était partie en éclat par ma faute, et je regrettais. J'étais dans ma chambre, j'essayais de faire mes devoirs, mais je n'arrivais pas à me concentrer, je me levais pour aller au pas de sa porte, il savait que j'étais là puisque sa concentration était moins forte. Je m'assois sur le bord de son bureau après avoir fermé la porte, il leva brièvement les yeux.

- J'ai fait ça parce que je ne pouvais pas avoir un enfant dans ses conditions.

Il ne répondit rien et faisait comme si je n'étais pas là.

- Premièrement parce qu'on est trop jeune. Deuxièmement parce qu'on a des études à suivre et qu'on aurait rien pour lui offrir un bel avenir.

Toujours aucune réponse.

- Et parce que quitte à avoir un enfant, je ne veux pas qu'il soit issu d'un maudit chantage.

- Et les bons côtés ? Tu vois surtout les mauvaises raisons, mais les bonnes ? On l'aimerait, on serait heureux, le chantage serait fini, un nouveau départ, et je suis sûr qu'on aurait pu jongler avec les études. Tu n'as pas réfléchi, tu as paniqué, tu as été immature, et égoïste.
- Et bien, je suis désolé, mais ce qui est fait, est fait. On peut juste passer à autre chose...
- Non, je n'ai pas la force de te pardonner.
- Et qu'est-ce qu'il faut que je fasse ?
- Tu ne peux rien faire...

Je baissais la tête, défaitiste, je commençais à me diriger vers la porte, mais fis demi-tour. Je le toisais du regard, il me regardait enfin, pour la première fois en deux mois.

- Un enfant vit dans deux meilleures conditions, si c'est deux parents s'aiment et que leur relation est seine. Or on n'est pas amoureux et notre relation est loin d'être seine. Si tu changes d'avis, je suis dans ma chambre.

Je quittais la pièce avant d'aller me coucher. Au diable mes devoirs, je n'en avais plus rien à faire de toute façon. La lumière de sa chambre s'éteignit, j'attendis quelques minutes, malheureusement, il ne vint pas alors je décidais de sortir dehors me changer les idées. J'allais au centre-ville, j'avais toujours sur moi la fausse carte d'identité que m'avait faite Mercedes pour une soirée, cette fois, j'avais l'occasion de la réutiliser. Je fis la queue devant la seule boite de nuit potable de la ville, mon entourloupe marcha et je me dirigeais vers le bar. Au bout de dix minutes, je fis quelques pas vers la piste de dance, des mains se posèrent sur mes hanches derrière moi, je fis face à cet inconnu qui était en fait Jorge. Étais-ce une illusion ? Non, il était bien là à seulement quelques millimètres de moi. Soudain, je n'entendais plus la musique, je n'entendais que les battements de mon cœur. Son regard était dur, et il avait abattu et coupable. Il approcha sa bouche de mon oreille.

- Je suis désolé, je t'ai mis dans une situation gênante, tu as fait ce qui te semblait juste, c'est toi qui allais tout endurer, tu avais ton mot à dire, pas moi.

Il se recula ensuite, puis c'était à moi de lui susurrer quelques mots à l'oreille.

- Rentrons...

Nous quittions la boite de nuit pour nous retrouver dans la rue principale, nous marchions puis nous arrêtions sur le pont au clair de lune, histoire de discuter encore un peu. J'étais soulagée, j'avais très envie de partager un moment comme celui-ci avec lui depuis qu'il ne me parlait plus. J'avais presque perdu espoir, et j'avais bien cru que jamais il ne me reparlerait de sa vie.

- D'un côté, tu avais raison, j'aurais dû te consulter.
- Oublions ça.
- Qu'allons-nous faire maintenant ?
- Rentrer...

Nous sommes ensuite rentrés, sans rien nous dire, puis nous sommes partis nous coucher chacun de notre côté. J'avais mis du temps à m'endormir, mais avais finalement réussi vers 3h du matin. Je me suis réveillais le lendemain vers midi. J'entendais de l'agitation dans toute la maison, quand je passais devant la chambre Jorge, je vis une valise prête à partir. Je me précipitais en bas, ils avaient tous de grands sourires scotchés aux lèvres.

- Qu'est-ce qu'il se passe ? J'ai raté un épisode ?
- Jorge a été invité aux portes ouvertes d'une grande université à New-York !

Ma respiration se coupa tandis que mon cœur rata un battement. Pourquoi cette réaction ? Moi-même, je ne me savais pas. Je pris uune chaise pour m'assoir et j'essayais de cacher le malaise, l'évanouissement et le chagrin inexpliqué qui me submergeait. Néanmoins, ils étaient tous trop heureux pour remarquer à quel point cette nouvelle ne me réjouissait pas. Je pris une pomme et montais dans ma chambre, j'avais besoin de calme pour mettre en ordre le fouillis dans ma tête. Mes sentiments étaient à présent un énorme sac de nœuds que je devais démêler. Quelqu'un toqua à ma porte, celle-ci s'ouvrit laissant apparaitre Jorge qui venu à mes côtés.

- Les autres sont partis faire des courses.

- D'accord.

- ça ne va pas ?

- Si...

À cet instant, je n'avais envie que d'une chose : lui sauter dessus. Qui aurait cru que deux mois sans qu'il ne me fasse l'amour ou ne me touche seraient une torture pour moi ? Personne vu la nature de notre relation qui je pense est au stade « Ce n'est plus du chantage, j'aime juste baiser avec toi » Je me mettais au-dessus de lui, un large sourire se dessina sur son doux visage pourtant si mesquin. Voilà pourquoi je ne voulais pas qu'il parte, il était ma seule source de tendresse, d'affection, et de réconfort. Qu'allais-je faire pour retrouver tout cela s'il partait ?

ChantageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant