Prologue

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Prologue

Ce fut un été chaud et cuisant, et même les grillons cessèrent de chanter.

La rumeur court partout. Elle ruisselle des brèches dans les murs, elle tombe des gouttières, elle résonne dans les canalisation. Elle passe d'oreille en oreille, inépuisable. C'est comme un courant d'air glacial qui hérisserait les poils de chacun sur son chemin.

– T'as entendu ça ? Des nouveaux habitants à Princeton.

Sans blague. Ce n'était pas arrivé depuis... Eh bien, depuis le déménagement de mon grand-père maternel. Autant dire que ça remonte à un paquet d'années.

– Moi, j'ai du mal à y croire. J'attends de voir de mes propres yeux.

De toute façon, même si l'on n'est jamais sorti de chez soi, on connaît obligatoirement chaque habitant de cette ville. On a vite fait le tour. Et c'est bien comme ça.

Je me replonge dans mon bouquin de physique chimie. Ce que ça peut-être ennuyant, les études. Surtout lorsque le soleil brille dehors et qu'une fête est prévue au bord de la plage pour la fin de journée.

C'est Agathe qui a tout organisé. Elle a dit qu'elle gérait tout : les boissons, et la musique. Je lui fais confiance. Personne n'a jamais été déçu de ses fêtes.

Les aiguilles de ma montre me font de l'œil. J'ai très envie de regarder l'heure, mais je sais qu'elle n'a avancé que de quelques minutes depuis la dernière fois que j'ai lorgné dessus. Ça me déprime de rester enfermé dans une salle de classe alors que je pourrais me jeter à l'eau avec tous mes amis, entouré de jolies filles.

J'ai chaud. Tout le monde dans la pièce est en sueur, et pourtant, les fenêtres sont grandes ouvertes. On entend les enfants qui crient dans la cour de l'école à côté, et parfois, on voit un ballon de football rouler au milieu de l'herbe.

J'adore l'été. Ça me rend heureux. Ça me donne envie de danser et de siroter de la glace pilée à la menthe au bord de l'eau, les jambes dévorées par des moustiques affamés.

J'adore m'assoir au bord de l'eau et regarder les rouleaux de vagues s'écraser sur le sable tiède. J'adore attendre que le soleil se couche et rester de longues minutes dans la nuit, à fixer le ciel au dessus de ma tête comme une boule de cristal. J'adore ces longues journées interminables qui vous épuisent, mais qui vous promettent tellement de bonheur et de bons moments.

J'adore l'été. Et je voudrais qu'il n'existe que lui.

– Restez concentrés, je vous prie. Il ne reste que vingt minutes.

J'ai l'impression que cette heure ne finiras jamais. Le soleil m'assomme à travers la fenêtre. Il n'y a pas un poil d'air pour nous aérer le cerveau. Il se pourrait bien que le mien explose.

Je m'amuse à compter les secondes. Je crois que même notre prof de physique quantiques n'en peut plus. Elle étouffe à l'intérieur de son corps, enroulée dans une épaisse couche de graisse.

Et moi aussi, parfois, j'ai l'impression d'étouffer à l'intérieur de moi-même.

Plus que dix-sept minutes et nous serons libres pour la soirée.

Je pense à notre groupe d'amis qui se retrouvera au bord du lac. Les filles se feront de l'air avec leur éventail. Les garçons seront torses nus. Et nous finiront tous à l'eau, comme d'habitude. Puis nous rentrerons nous coucher, et lorsque je me glisserais dans les draps frais, les mollets endoloris d'avoir ainsi marché toute la journée sous un soleil accablant, je ne pourrais m'empêcher de lâcher un soupire de soulagement. Il faut une fin à chaque journée, comme une multitude de petites histoires qui méritent un épilogue.

🚬

La cloche du lycée à enfin sonné, annonçant la fin de la journée. Je m'étire doucement sur ma chaise et range mes affaires. J'ai cru que jamais elle ne se terminerait.

– Salut. Tu viens toujours à la fête au bord du lac ?

C'est Agathe qui a parlé. Elle est très jolie, aujourd'hui, dans sa petite robe bleue à volants. Ses cheveux sont parfaitement rassemblé sur le haut de sa tête et tombent sur ses épaules dénudées.

– Oui. J'y vais tout de suite.

Elle sourit et pose une main sur sa hanche.

– Est-ce que ça t'embêterait de m'emmener, s'il te plaît ?

Je penche la tête.

– Tu n'as pas ta voiture ?

– Si. Enfin... Non.

Je hausse les épaules et hoche la tête.

– D'accord. Viens.

Je lance mon sac sur mon épaule et me dirige vers le parking du Ivy League Collège, Agathe sur mes pas.
Je déverrouille la porte et elle grimpe dans mon 4x4 côté passager. Si j'avais eu le choix, je n'aurais pas acheté une si grosse voiture. Mais mon père à insister, et en fait, c'est très pratique pour rouler dans le sable ou dans les bois.

Lorsque nous arrivons, la plupart des gens sont déjà là. Agathe me remercie et saute de la voiture pour rejoindre ses amies, à qui elle avait confié le soin de mettre en place les tables remplis de soda. Je prend un verre de limonade et cherche des connaissances du regard. Heureusement qu'il y a quelques arbres ici, le soleil tape moi fort. Mais les rayons lumineux se reflètent dans l'eau et chauffent le sable fin.

Je pars à la rencontre de Brennan, mon ami le plus fidèle. Il est nonchalamment assis sur une chaise en plastique, les pieds nus plantés dans le sable.

– Je ne savais pas si tu venais.

Je lui sourit et prend place à côté de lui, par terre.

– Tiens, tu en veux ? me demande-t-il en me tendant un paquet de chips.

Je me sers et l'interroge du regard.

– Ça va, me regarde pas comme ça. Je l'ai pris sur la table, là-bas, dit-il en désignant l'espèce de buvette, contre un grand chêne. Et Anna était d'accord pour que je le prenne.

Bien. J'ai déjà eu quelques ennuis avec Brennan. Il adore voler dans les magasins. Il dit que c'est sa dose d'adrénaline, et que sans elle, il ne se sent pas bien. Il est spécial. Mais je l'apprécie.

Deux autres garçons s'approchent de nous et me saluent d'un signe de la main.

– Comment tu vas, Caleb ? s'exclame l'un d'eux.

– Bien, merci. Il fait un peu chaud.

Il rigole. Je crois que tout le monde ici est en nage. Je retire mon t-shirt et le pose sur le dossier de la chaise.

Les deux garçons continuent leur chemin et quelqu'un s'assied à côté de moi.

– Si on allait se baigner tout les deux ?

Je tourne la tête. C'est Agathe. Elle porte des lunettes de soleil et à un verre à la main.

– Pourquoi pas ?

Je me lève et nous faisons la course jusqu'à l'eau. Elle est bonne, et ça fait du bien de se tremper. Le contraste entre l'air étouffant et le contact de l'eau contre ma peau est saisissant, mais on s'y fait vite. Agathe à les cheveux mouillés et il lui tombe devant les yeux.

Je les écartes d'un geste de la main et elle rougit légèrement. Elle est très mignonne. J'ai envie de déposer un baiser que chacune de ses pommettes roses.

Nous nageons un petit peu et elle s'amuse à me couler. Je rigole. Elle n'a pas beaucoup de force, et je trouve ça craquant.

Puis d'un coup, elle s'immobilise, les bras autour de mon cou.

– Regarde, souffle-t-elle.

Je me retourne et suis son regard. Toutes les têtes sont tournées dans la même direction.

– Ça doit être la nouvelle, chuchote une fille à ma droite.

En effet, je ne l'ai jamais vu.

Et je ne l'imaginais pas du tout comme ça.

En fait, ce n'est pas le genre de personne que l'on peut imaginer.

Coney Island Queen ♚ - [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant