Chapitre 4

189 22 20
                                    

Chapitre 4

«Pareille à une plume, elle voguait et dansait au grès du vent.»

Je crois que c'est encore pire que la veille. Cette fois, ce n'est pas uniquement le soleil qui me compresse la tête. C'est aussi cette histoire avec Agathe. Elle a très mal pris le fait que je parle avec la nouvelle, et lorsqu'elle m'a demandé ce que je lui voulais, je n'ai rien trouvé à repondre. Je suis juste parti.

Il y a encore une petite fête ce soir. Je crois que ce sera ainsi tout l'été durant. Et l'excitation durant la dernière heure de cours est à son comble.

Lorsqu'enfin la prof nous libère, je prend mon temps. De toute manière, Agathe ne voudra pas que je l'accompagne. Elle ne m'adresse plus la parole.

En fermant mon casier, je tombe sur la nouvelle, adossée contre le mur à côté de moi.

Elle porte un short en jean assez court et mastique un chewing-gum qui sent la menthe. J'adore la menthe.

– Pourquoi est-ce que tout le monde court vers la sortie ?

Je hausse les épaules et referme mon sac.

– Il y a une fête au lac.

Elle ricane et lève les yeux au ciel.

– Tu veux dire, une fête comme hier ?

Je hoche la tête et elle rit de plus belle. Je me demande bien ce qu'elle trouve de si drôle.

– Tu veux venir ? proposé-je gentiment.

Elle cesse immédiatement de rire et reprend son visage de marbre.

– Non, dit-elle sèchement. C'était vraiment la pire soirée que j'ai jamais vu.

Une fois de plus, son humeur a changée du tout au tout.

Elle tâte chacune de ses poches et sort un paquet de cigarettes de l'arrière de son short.

– Qu'est-ce que c'est, pour toi, une vraie fête ?

À chaque fois que je lui pose une question, j'ai toujours peur qu'elle m'envoie bouler. Elle est tellement imprévisible.

– J'ai pas envie de parler avec toi, crache-t-elle. On n'est pas amis.

J'ecarquille les yeux. Dans le mille. Mais c'est vrai, nous ne sommes pas amis. Rien ne l'oblige à me repondre.

Elle fait une bulle avec son chewing-gum et la fait claquer bruyamment. Elle hausse un sourcil, un rictus moqueur sur ses lèvres peintes en rouge.

Elle se retourne et s'éloigne. Je l'observe traverser le couloir presque vide, son short moulant de façon exquise ses fesses rebondies.

Je secoue la tête et reprend mes esprits. J'ai compris le message. Les conversations entre elle et moi ne doivent pas s'éterniser.

🚬

Lorsque j'arrive au lac, une vingtaine de minutes plus tard, Agathe ne m'adresse pas un seul regard. Elle se contente de servir les boissons gazeuses sur les tables de camping et de changer la musique. J'irais m'excuser, lorsque j'aurais trouvé une excuse valable.

Brennan est déjà arrivé et sirote son soda avec une paille. Je le rejoins rapidement, et j'entends l'amie d'Agathe lui chuchoter quelque chose à l'oreille sur mon passage. Je ne relève pas et trace.

– Ah, s'exclame mon meilleur ami. J'aurais pu mourir trois fois avant que tu n'arrives.

Je m'excuse et prend le verre qu'il me tend. C'est vrai qu'au fond, cette petite fête n'a rien de mémorable. C'est juste sympa de se retrouver tous ensemble au bord de l'eau après une journée étouffante et épuisante.

Après une bonne heure passée dans l'eau à faire la planche avec plusieurs amis, Agathe me rejoins dans son bikini rose à volants.

Elle se colle à moi et pose sa tête sur son épaule.

– Tu me parles de nouveau, dis-je avec un demi sourire.

– C'est oublié, assure-t-elle. Elle n'en vaut pas le coup, de toute façon. Elle n'est même pas venu à fête alors que je l'ai invitée.

– Tu lui as parlé ? dis-je, surpris.

– Non. Mais Marie oui. C'est moi qu'il l'ai envoyé la prévenir.

– Et qu'est-ce qu'elle a dit ?

Je ne devrais pas poser tant de questions. Agathe se rendrait compte que je m'y intéresse de trop.

Elle hausse les épaules et rattrape le ballon de water-polo, avant de le renvoyer à un grand blond.

– Elle a juste dit quelque chose comme "Non. Je ne traine pas dans les regroupements de minables".

Je rigole malgré moi. Ça, c'est bien elle. J'ai beau ne pas la connaître, elle est la seule à servir des réponses cinglantes d'une voix rauque sans que personne n'ose se rebeller contre elle. Peut-être parce que sa gueule d'ange fait passer la pilule un peu plus facilement. Mais c'est plus sûrement parce qu'elle fait peur.

Non, elle ne fait peur. Elle intimide. Oui, c'est cela. Elle intimide le monde entier.

🚬

Lorsque la fête touche à sa fin, Agathe insiste pour que je la raccompagne chez elle. J'accepte malgré moi. Ça ne m'arrange pas vraiment, ce n'est pas mon chemin pour rentrer à la maison.

Je la dépose devant son énorme demeure et fait demi tour. Lorsque je passe devant la plage, je remarque une silhouette au bord de l'eau.

Je ralentis et arrête mon 4x4 dans le chemin. Je descend discrètement et rejoins le sable sans bruit.

En effet, il y a bien quelqu'un. Et c'est une fille.

Vêtue d'une grande robe blanche, elle marche en écartant les bras, comme en équilibre au bord d'une falaise. Elle envoie de l'eau autour d'elle avec ses pieds nu. Ses cheveux bruns flottent dans l'air, au rythme du vent qui souffle.

On dirait une peinture d'un des plus grands artistes de tous les temps.

Si j'avais pu prendre une photo avec mes yeux, je n'aurais jamais fermé les paupières.

Si j'avais pu prendre une photo avec mes yeux, je n'aurais jamais fermé les paupières

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.
Coney Island Queen ♚ - [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant