Chapitre 7

131 24 5
                                    

Chapitre 7

«Ses humeurs rebondissaient à la manière d'un ricochet sur l'eau calme

Lorsque je suis sorti chercher le journal dans la boîte aux lettres, au bout de mon jardin, j'ai remarqué qu'une personne était assise sur le banc du trottoir en face. D'habitude, il n'y a jamais personne, ici. Les gens ne se prélassent pas au soleil pendant de longues minutes sur un banc en marbre.

Il aurait pu s'agir de n'importe qui. Mais pas dans notre ville. Ici, personne je prend le temps de s'arrêter. Ici, personne de fixe le ciel. Ici, personne ne se cache derrière de grosses lunettes de soleil rondes. Ici, personne ne fredonne dans le vent tout en soufflant une douce fumée grise. Ici, personne n'est ainsi. Sauf une personne.

Alyssa Palmer.

Je la détaille des pieds à la tête. Elle porte des espadrilles à talons et on distingue le bout de ses orteils dont les ongles sont peints en bleu. Elle n'a pas son short en jean, aujourd'hui. Elle a une petite jupe moulante et un haut blanc. Pour une fois, son visage n'est pas caché derrière ses cheveux. Ils sont relevés en un chignon assez vague dont plusieurs mèches s'échappent.

Elle est à croquer. Brennan serait comme un dingue face à elle.

J'hésite à m'approcher et fais finalement un pas dans sa direction. C'est fou cette onde de respect qu'elle dégage.

– Salut Caleb, dit-elle avec un sourire en me voyant venir dans sa direction.

Je souris à mon tour. Elle ne me fait plus la tête. Peut-être que ça n'a jamais été le cas.

Je m'assieds à côté d'elle et elle me tend sa cigarette.

– Non merci, je ne fume pas.

Si ma mère me voyait à ce moment là, elle me hurlerait de rentrer à la maison immédiatement et de ne plus jamais fréquenter une fille pareille. Ce qu'elle ne sait pas, c'est à quel point cette fille est différente de tout ce que l'on peut imaginer.

– Je suis désolé pour hier, j'ajoute pour faire bonne figure.

– Ce n'est rien. C'est de ma faute. Je n'aime pas parler de moi.

Je hoche la tête. J'ai bien compris qu'elle détestait ça. J'aurais simplement aimé en connaître plus d'elle.

Aucun de nous deux ne parle. Elle a mît de la musique sur son portable et une chanteuse joue en bruit de fond. C'est agréable à souhait de sentir le vent tiède sur sa peau et d'être assis sur un banc, avec une jolie fille et une belle chanson. Une brise tiède semble souffler sur mon cœur et apaise mon âme de toutes ses tensions.

Elle fume en silence et je feuillette le journal quotidien. Rien d'intéressant. Comme d'habitude.

Le chien des voisins aboie à en recracher ses poumons et on entend au loin des enfants jouer et crier dans une piscine. L'été est bien installé et malgré qu'il ne soit que dix heures du matin, un soleil de plomb fait déjà tanguer l'asphalte noir de la route.

– Je vis avec ma belle-mère, déclare-t-elle soudain en pinçant les lèvres. Elle est devenue ma tutrice légale il y a trois ans lorsqu'elle s'est mariée avec mon père.

Je la laisse parler de peur qu'elle ne s'arrête si je l'interrompt.

– Je la déteste. Mais je n'ai pas le choix, tu comprends ?

J'acquiesce et elle se tait. Peut-être qu'elle attend une réponse de ma part, mais qu'est-ce que je pourrais bien dire à cela ?

– Pourquoi est-ce que tu ne vis pas avec ta mère ? Ta vraie mère, je veux dire. Ça devrait être elle, ta tutrice.

Elle hausse les épaules et fait rouler la molette de son briquet, faisant sortir une flamme bleue.

– Je ne l'ai jamais connu. Du moins, je n'en ai aucun souvenir. Voilà pourquoi.

– Et pourquoi est-ce que tu...

– Non, Caleb, me coupe-t-elle en posant sa main sur ma bouche.

Je frissonne à son contact si soudain. Je ne m'attendais pas à une telle proximité. Elle reprend sa cigarette entre ses lèvres et tire une bouffée de fumée.

– Ce n'est pas le moment pour parler de nos petits malheurs personnels. Ce n'est pas la bonne heure pour nous apitoyer sur nos sorts et pleurer des larmes silencieuses.

– Quand, alors ?

– Tard la nuit.

Elle relève ses lunettes et les coincent dans ses cheveux. Ses yeux sont entourés de noirs et ses lèvres sont teintées d'un rose pâle, aujourd'hui.

Je pince les lèvres et hasarde une question qui me brûle les lèvres :

– Est-ce que ça veut dire que l'on va se retrouver ce soir, enfin, cette nuit, pour parler de tout ça ?

Elle rigole et fait bouger ses sourcils.

– Tu aimerais bien, hein ?

Je suis sûr que je rougis. Ce qui est totalement anormal. Une fille ne me fait jamais ce genre d'effet, en temps normal. Mais là, c'est différent.

Je chercher quelque chose à répliquer, mais ne trouve rien à dire. Alors je hausse les épaules et déclare comme si de rien n'était :

– Oui.

Elle lève les yeux au ciel et croise ses genoux sous son corps. J'aime tellement être avec elle, enveloppé dans ce silence calme et zen. Je pourrais y rester des heures entières. Non, en fait, je ne pourrais pas. Parce que comme elle me l'a si bien fait remarquer, je pose beaucoup de questions. J'ai besoin de savoir qui elle est et d'où elle vient, j'ai besoin de savoir si son ancienne vie lui manque, j'ai besoin de savoir quelle est sa couleur préférée et qu'elle est son chiffre porte bonheur. J'ai besoin de savoir ces choses là, même si elles n'ont aucune espèce d'importance.

– Alors ce soir, au même endroit.

Coney Island Queen ♚ - [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant