Chapitre 14

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«C'est triste de voir les choses se désagréger ainsi

-      Alors dis-moi, Caleb. Est-ce qu'il n'y aurait pas une fille qui te plairait, par hasard ?

Je fronce les sourcils. Qu'est-ce que j'en sais moi, si une fille me plait ? Je hausse les sourcils mais elle n'a pas l'air satisfaite de ma réponse.

-      Allez, souffle-t-elle, me prends pas pour une dinde. Je sais bien qu'il y a quelqu'un dans ton cœur.

Je secoue la tête.

–       Pourquoi est-ce que tu me poses cette question, Alyssa ?

-      Je m'intéresse à ta vie, figure-toi, s'exclame-t-elle en relevant ses épaisses lunettes de soleil dans ses cheveux. Pourquoi est-ce que tu ne veux pas avouer que cette petite Agathe, elle t'attire plus que voulu ?

Je sens le rouge me monter aux joues. Pourtant, il n'y a même pas de raisons à cela, parce que je ne suis pas amoureux d'elle. Je ne sais même pas si je l'a considère comme une amie.

-      Et pourquoi est-ce que tu insistes autant ?

Elle pince les lèvres et se recule. Je crois bien que je l'énerve. En fait, j'ai toujours l'impression de l'énerver. C'est très variable avec elle. D'une minute à l'autre, elle peut changer radicalement d'humeur, et c'est déstabilisant.

-      C'est important de mettre des mots sur ses sentiments, Cal.

Un petit rire m'échappe.

-      Quoi ?

-      Tu m'as appelé Cal.

-      Et ?

-      C'est mignon.

Elle retrousse son petit nez et penche la tête.

-      Tu trouves ?

-      Absolument, Aly.

Ses lèvres s'étirent en un grand sourire et elle lance ses cheveux derrière son épaule.

–       Ça me plait.

Parfait. J'en suis ravi. C'est un peu comme si désormais, nous partagions quelque chose. Même si ce n'est qu'une paire de surnoms ridicules, mais mignons.

-      Alors ? répète-t-elle pour la troisième fois. Tu veux sortir avec elle, ou non ?

J'aimerais lui dire non. Et je ne peux même pas dire oui. Je ne sais pas. Voilà. Je n'en sais rien du tout. Sortir avec quelqu'un, c'est quoi, au juste ? Aller au cinéma, manger des glaces et regarder des films, l'un contre l'autre ? Et puis, est-ce qu'Agathe serait d'accord, elle, de son côté ?

–       Je ne crois pas. Mais je ne suis pas pressé.

–       Tu as raison. Mais si tu l'aimes, ne l'as laisse pas partir, remarque-t-elle en tapant des doigts sur son clavier. 

J'acquiesce. C'est sûr qu'il ne faut pas rater l'occasion. Mais si je ne l'aime pas, je ne veux pas m'y forcer. Je ne vois pas d'intérêt à sortir avec une fille pour laquelle je n'éprouve que de l'amitié. Je ne dis pas que c'est le cas pour Agathe. C'est seulement que je ne me suis jamais vraiment arrêté sur son cas spécifiquement.

-      Ou est-ce que tu veux en venir, Aly ?

Elle hausse les épaules et farfouille dans son sac, très concentrée.

-      Nulle part. Ne fais pas de bêtises, c'est tout.

-      D'accord.

Ce n'était pas dans mes plans, mais je suis content qu'elle s'inquiète ainsi pour moi. Elle sourit et brandit fièrement son briquet.

-      Je croyais l'avoir paumé.

Elle sort son paquet de cigarette et en retire une. Ses doigts jouent avec la molette et une grande flamme s'échappe près de son visage. Je serais à sa place, j'aurais peur de bruler mes cheveux. Elle aspire une grande goulée de tabac et recrache doucement la fumée. Je ne saurais décrire le paysage qui se déroule sous mes yeux. C'est juste que, je ne sais pas, on dirait un peu une fée. Ou une reine. Je n'en ai pas la moindre idée. Je sais juste que cette fille-là, avec ses grands cheveux, ses lèvres foncées entre lesquelles une cigarette roule constamment, son port de tête royal et ses lunettes de soleil chaussée sur le nez, eh bien cette fille, croyez-moi, elle est magnifique. Il y a une sorte d'aura qui s'échappe de ce personnage fantastique, comme si soudain, l'image de la fille parfaite qui dansait dans ma tête avait tout-à-coup pris vie et s'était envolée jusqu'à moi. Alors honnêtement, je ne remercierais jamais le hasard pour faire aussi bien les choses.

Elle tapote sur sa cigarette avec son ongle manucuré et un peu de cendre tombe sur son sac.

-      Merde.

Elle essuie la poussière d'un revers de main et une grande trace noire apparait.

-      Putain, fait chier.

Je rigole et elle me lance un regard noir.

-      Qu'est-ce qu'il y a de drôle ?

Je lui souris et tente de l'apaiser.

-      Tu ne peux pas t'en empêcher, hein ?

-      De quoi ?

-      De dire des gros mots dans chacune de tes phrases, de faire des bulles avec tes chewing-gums, de monter le son de ta musique, de fredonner une mélodie en secouant la tête au rythme des percussions, de flinguer tout le monde avec des mots, tout le temps, de taper rageusement tes grands ongles sur l'écran de ton portable lorsque tu attends un message, de soupirer chaque fois que quelqu'un ouvre la bouche et de poignarder les gens en permanence avec ton regard noir. Tu peux pas te passer de tes clopes et de tes insultes, tu peux pas vivre sans avoir une bière à la main.

Elle lève les yeux au ciel, et j'attends déjà la remarque lancinante.

-      Qu'est-ce qu'il y a de mal à ça ?

-      Rien. Mais tu débarque dans ma ville enchaînée à des tonnes de principes, enfermée avec des centaines de démons et coupable de tas de critiques, on ne sait pas trop à quoi s'attendre. T'es un chouïa maniaque, et un peu méchante sur les bords. Et puis tu détestes tout le monde. Alors moi, j'en viens à me demander si tu sors pas tout droit d'un conte de fée.

Elle soupire et écrase sa cigarette sur le bord de la marche sur laquelle nous sommes assis, comme à son habitude. Elle relève la tête et ses pupilles lancent presque des éclairs lorsqu'elles rencontrent les miennes.

-      Je suis bien réelle, Cal. Alors ce serait sympa de ta part d'arrêter de me regarder comme un objet de convoitise.

Je fronce les sourcils, dans la plus grande de l'incompréhension. Elle se relève mais avant qu'elle n'ait pu fuir loin de moi, je la retiens par le bras. Elle s'arrête et observe mes doigts enroulés autour de son poignet. Je cherche son regard et lorsqu'il croise le mien, je la relâche un peu.

-      Je ne te regarde pas comme un objet, Aly. Loin de là. Mais vraiment, tu es si... je ne sais pas. Je n'arrive pas y croire, à tout ça. Tu débarques comme ça, avec ta casquette sur la tête et ton sourire qui vaut des millions. Comment veux-tu qu'on te regarde autrement qu'avec des yeux ébahis, lorsque l'on croise une fille aussi...

Elle retire son bras de ma poigne et le laisse tomber le long de son corps. Son visage s'est détendu et son expression est plus sereine, plus calme.

-      « Une fille si » quoi, Cal ?

J'avale difficilement ma salive. Je me suis mis dans de beaux draps. Je suis obligé de dire la vérité, maintenant. Je la connais, et je sais qu'elle est capable de détecter les mensonges, même les yeux fermés.

-      Alors ? Une fille aussi quoi ?

-      Aussi... attirante. Je ne sais pas expliquer. Mais c'est comme une force magnétique qui m'attire tout entier à toi.

Coney Island Queen ♚ - [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant