Chapitre 10

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Chapitre 10

«Ses yeux semblaient être des voies lactées lorsqu'elle souriait. Pleins de couleur et d'infini.»

Je n'ai pas eu de nouvelles d'elle durant le restant du week-end. Il aurait pu lui arriver tout un tas de choses. Elle aurait pu partir. Elle aurait pu changer de couleur de cheveux, elle aurait pu faire n'importe quoi. Tellement imprévisible qu'il en était impossible de la connaitre vraiment.

Je n'ai pas vraiment reparlé à ma mère depuis l'épisode de samedi soir. Ça ne me change pas de d'habitude. D'ailleurs, mon père n'a même pas remarqué la différence de tension dans la maison le peu de fois où il est sorti de son bureau.

– Bon, déclare Agathe en posant un tas de petits papiers sur la table devant elle. Ça, se sont les invitations pour la soirée de ce soir.
Brennan éclate de rire et elle le fusille du regard.

– Qu'est-ce qu'il a de drôle ?

– Pourquoi est-ce que tu as fais des invitations si tout le monde est invité ?

Elle lève les yeux au ciel et raye un nom de sa liste.

– Tout le monde n'est pas invité. Par exemple, toi, tu viens d'être désinvité.

– Oh non, trop dommage, déclare-t-il, hilare. Allez, c'est bon Agathe, rajoute moi. Et je serais sage.

Elle souffle et se tourne vers moi.

– Est-ce que tu pourrais m'aider à les distribuer, Caleb, s'il te plaît ?

Je hoche la tête et saisi une petite pile. Je suis plutôt d'accord avec Brennan, ses petites invitations ne servent pas à grand chose. Mais je n'ai pas le courage de lui tenir tête. Peut-être que je me fais marcher sur les pieds, c'est vrai. Tant pis.

Je regarde le premier de la pile. C'est le papier de Craig, un ami de longue date. Je le répète au fond de la cour et lui tend le carton.

– C'est cool, mec. Mais pourquoi est-ce que tu me donnes une invitation ?

Je hausse les épaules.

– J'en sais rien, dis-je en passant la main dans mes cheveux. C'est Agathe qui a insisté.

Il rigole et fourre le papier dans sa poche.

– Merci.

Il me fait un signe de la main et s'éloigne en trottinant, un ballon de basket coincé sous le coude.

Je continue tranquillement ma liste jusqu'à tomber sur un nom qui résonne comme celui d'un super-héros. Ou plutôt d'une super-héroïne.

Alyssa Palmer.

Je souris inconsciemment. Heureusement que je suis tombé dessus et non Brennan. Ça me donne une occasion de l'aborder.

Je suis d'ailleurs plutôt étonné qu'Agathe est prévu une feuille pour elle. Je veux dire, la nouvelle n'est pas vraiment du genre aimable et amicalement super proche. Elle est plutôt du genre «ne t'approche pas trop de moi, ça se pourrait bien que je te mange.»

Je l'a repère assise sur les marches du self, comme la plupart du temps. Je la rejoins rapidement et lorsqu'elle lève les yeux vers moi, mon coeur se réchauffe.

– Salut, dis-je, plein d'entrain.

– Ah. Caleb.

Elle baisse la tête et continue de pianoter sur l'écran de son portable. D'accord. Je m'attendais à un accueil un peu plus chaleureux. Mais c'est vrai que nous n'avons pas la même conception du mot amitié. En fait, je ne sais même pas si je suis un ami pour elle. Mais si c'était le cas, il ne faudrait pas que je m'attende à des embrassades ou à de longues conversations. Ce serait plus du genre "j'aime bien te parler mais n'en fait pas trop". Disons que ça me convient pour le moment. Nos petits moments sur la plage, au milieu de la nuit. Ça me va. C'est étonnant et ça sort de l'ordinaire, mais je ne me plains pas.

– Je peux m'assoir ?

– Hum.

Je prend sa réponse pour un oui et décale légèrement son sac pour faire de la place. Mais elle me l'arrache des mains et le pose de l'autre côté de ses jambes.

– Touches pas à ça, c'est pas à toi.

Je ne relève pas et lui tend le fameux papier d'Agate.

– C'est quoi ?

– Une invitation.

Elle roule des yeux et ne prend même pas la feuille de ma main.

– Tu ne l'as veux pas ? C'est pour la fête d'Agathe, ce soir.

– Je t'en prie, Caleb. Ne me dis pas que tu continues d'aller à ces rassemblements ringards. On dirait une secte.

Je m'étouffe presque avec ma salive. Elle dit des choses tellement étonnants avec un air tellement serein et sérieux que ça fait un contraste surprenant.

– C'est cool, pourtant. Il y a de la musique et des boissons.

Elle pouffe de rire et se tourne enfin vers moi, verrouillant son portable. Elle le pose en équilibre sur sa cuisse et joue avec sa bague.

– Votre musique, c'est d'la daube. Et vos boissons sont même pas alcoolisées. Je vois pas comment ça peut être cool.

Je souffle et détourne le regard.

– Ça nous suffit, Alyssa. Parce qu'on a toujours eu ça, nous.

Elle ne répond rien. Mais avant qu'elle n'ai pu reprendre son téléphone, j'enchaîne.

– Alors ? Tu comptes venir ou non ?

– Tu sais quoi, Caleb ? Je vais organiser une petite soirée avec Doug et vous viendrez si vous voulez. Vous verrez. Ce serait autre chose que vos petites fêtes de nullos qui commencent à l'heure du goûter.

Elle se lève rapidement et jette son Eastpak noir sur son épaule.

– Attends, dis-je en tentant de la retenir par le poignet.

J'ai vraiment envie qu'elle vienne, au moins une fois. Mais elle dégage son poignet d'un geste rageur et son regard me scie en deux.

– Caleb, rends moi un service.

Je hausse un sourcil, attendant qu'elle poursuive.

– Retourne boire du jus d'orange et fiche moi la paix.

Coney Island Queen ♚ - [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant