chapitre 1

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Chapitre1 :


Il n'entendait qu'à peine la voix qui lui arrivait de derrière cette porte. Son esprit parti trop loin dans les abîmes du plaisir l'empêchait de voir clairement ce qui se trouvait autour de lui, ses pensées trop embrumées pour se rappeler où il se trouvait. Il planait juste. Si bien et si haut que les coups martelant cette foutue porte ne le faisaient que légèrement sourire. L'agacement se faisait entendre bien plus fort que la compassion ou encore l'amitié...

L'amitié ? Il pourrait jurer qu'elle n'existait plus depuis longtemps. Gus qui s'acharnait, tambourinant son pied violemment contre le bas de la porte, avait perdu ce statut le jour où il lui avait offert ce cadeau empoisonné. Mais ce n'était qu'un mensonge. Ils se connaissaient depuis gosses, avaient passé leurs années d'école ensemble, faisant les pires conneries possibles, et c'est naturellement ensemble qu'ils gravirent les marches, une à une, les emmenant toujours plus haut... Les écrasant toujours plus bas.

Doucement, lentement, son esprit refaisait surface. Ses yeux étaient fuyants, cherchant un point d'attache. Sa bouche sèche et ce goût horrible de sang, il avait dû se mordre, encore. Ça lui faisait toujours ça quand il décollait trop rapidement. L'aiguille encore plantée dans son bras lui faisait mal, le garrot lui engourdissait jusqu'à la pointe des doigts et c'est difficilement qu'il se débarrassa de tout ça. Il rangea soigneusement son attirail dans cette petite boite qui ne le quittait jamais et se releva, aussi facilement qu'un petit vieux qui aurait dévalé un escalier.

Il se sentait brisé et tellement bien à la fois, mais pour combien de temps ? Il savait pertinemment que les effets de son shoot se dissiperaient bien trop tôt et déjà il ne pensait plus qu'au prochain, à l'argent qu'il allait lui falloir gagner pour se le procurer.

Il ouvrit lentement la porte de la salle de bain et déjà Gustav lui hurlait dessus, s'indignant de le voir dans cet état si tôt dans la matinée. Il ne comprenait pas comment Tom ne parvenait pas à se maîtriser, comment il se laissait contrôler par tout ça. Bien sûr lui aussi se droguait, régulièrement, presque journalièrement, mais jamais le matin, jamais pendant la journée, jamais avant les cours ou le boulot, toujours et uniquement lorsque le soir venait et qu'il pouvait être tranquille chez lui. Alors il l'abrutissait de remarques et réflexions en tout genre, mais Tom n'était pas encore en état de les entendre et encore moins de les comprendre. De toutes façons, il ne savait que trop bien, ne réalisait que trop bien tout ça. Il était mal, presque foutu et que pouvait-il bien y changer ?

Sans même chercher à l'écouter, il prit sa veste et sortit de ce petit appartement vide depuis longtemps maintenant. Tout ce qui avait pu être vendu l'avait été et à presque 22 ans, Tom n'avait plus rien, n'espérait plus rien non plus. Ses parents le considéraient déjà comme mort, de toute façon, cela ne tarderait sûrement plus à arriver. La seule chose que Tom avait gardé au fil des années était sa fierté. Sa fierté de ne rien demander aux autres, à ses parents ou ses amis qui maintenant se comptaient sur les doigts d'une main. Il gagnait son argent comme il le pouvait, mais jamais n'empruntait quoi que ce soit. Qui aurait pu, en étant honnête, lui prêter de telles sommes d'argent ? Personne.

Cette drogue le rongeait depuis de longues années. Son corps n'avait plus rien à voir avec ce qu'il était le jours où il avait fêté ses 18 ans avec tous ses amis et sa famille. C'était encore la bonne époque tout ça. Il fumait, buvait et de temps en temps, histoire de finir les soirées en beauté, il s'en mettait un peu dans le nez, mais maintenant...

Dans les bons jours, quand son ciel était bleu, il lui fallait au minimum une dose, mais dans les mauvais il n'en comptait même plus le nombre. Dans les bons jours il allait à la fac, des fois, mais dans les mauvais il cherchait de l'argent. Dans les bons jours il lui arrivait de sourire, mais dans les mauvais sa seule pensée était un fixe. Dans les bons jours il pouvait rester à parler avec Gus et d'autres connaissances, mais dans les mauvais il gisait dans une pièce froide et sale, dans un endroit glauque et sinistre, sur un sol répugnant.

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