Chapitre 6

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Flashback (Luna avait 6 ans)

Je trottinais dans les couloirs de notre gigantesque maison. D'ailleurs ça ressemblait plus à un manoir dans un style princesse qu'à une maison. Je commençais à les connaître par cœur, ces longs couloirs plus ou moins sombres : depuis toute petite je vivais ici, je ne connaissais pas le monde extérieur, seulement les murs qui m'entouraient à ce moment et l'énorme jardin, lui aussi magnifique avec ses différentes variétés d'arbres. Mon préféré était notre vieux saule. Ses longues branches se balançaient au gré du vent et jouaient avec l'eau d'un petit lac artificiel en laissant de faibles ondes sur leur passage. J'aimais me cacher derrière ce paravent naturel pour réfléchir au sens de ma vie anormale de petite fille modèle, voire pourrie gâtée ou simplement pour pleurer après une des nombreuses sanctions de ma gouvernante. Dans ces moments-là, je me disais que cet arbre portait bien son nom.

- Luna Éléonore Blackrain ! S'exclama ma sévère nourrice.

Je tremblais de peur et courus en direction d'un endroit où je pourrais m'échapper de ce cauchemar.

Qu'est-ce que j'avais fait ? Oh, rien de grave, j'avais seulement abandonné mes obligations et esquivé mon cours particulier avec un de mes précepteurs. J'en avais assez de ne pas aller à l'école comme une enfant normale. Et puis, je me disais que je savais déjà beaucoup de choses pour mon jeune âge, parfois inutiles, voire très ennuyantes. Je restai immobile dans une petite pièce située tout au fond d'un couloir sombre où presque personne n'allait, si ce n'est pour faire un peu  de nettoyage de temps en temps. Ma respiration saccadée était le seul bruit que je percevais dans les alentours et me donnait l'impression d'être un animal poursuivi par un faucon qui tentait désespérément de lui échapper. J'avais extrêmement peur.

- Tu vas voir ce qu'il va t'arriver quand je te retrouverai ! Menaça la gouvernante.

- Si vous me retrouvez, murmurai-je très doucement.

Et, comme si elle m'avait entendue, la porte du placard dans lequel je me trouvais s'ouvrit brusquement et la lumière m'éblouit, avant qu'une ombre la cache. Je levai les yeux vers celle-ci et aperçus avec horreur les traits déformés par la rage de Pascale, ma domestique. Voilà, c'en était fini de moi. Cela faisait déjà plusieurs années qu'elle m'infligeait ces avertissement plus ou moins violents. Personne n'était au courant, pas même mes parents car elle m'avait dit que si j'en parlais, elle reviendrait me faire souffrir et me hanter. A cette époque, j'étais naïve on dirait...

J'avais plusieurs bleus disséminés un peu partout sur mon corps qui me faisaient parfois abominablement souffrir. Elle me frappait. Elle me frappait pour mon comportement qui d'après elle était inacceptable et ridiculisait la famille. Mais qui pouvais-je bien ridiculiser en restant cloîtrée entre ces murs ? J'avais 6 ans, et jouer et m'amuser m'était interdit ? 

- Te voilà, sale petite vermine ! S'écria-t-elle, triomphante. Puisque tu as cours avec ton précepteur, tu n'auras rien tout de suite, cela intriguerait tes parents, mais attends-toi à me voir après !

Elle m'agrippa le bras brutalement et me sortit de ma cachette de fortune. Elle m'entraîna au travers du dédale de corridors et nous arrivâmes enfin devant une porte. Pascale toqua et le battant s'ouvrit sur la tête de mon professeur qui paraissait furieux contre moi. Il agrandit l'ouverture et me laissa entrer en laissant la nourrice sur le pallier, un sourire sadique accroché au visage, mais visible qu'à mes yeux.  

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